Paris, le lundi 24 août 2015
Courage et
Lâcheté, droit et guerre
Enfin !
Le courage et la lâcheté sont redevenus ce qu’elles n’auraient jamais dû cesser
d’être, des notions politiques.
1)-
La brisure d’un ordre
En
intervenant, avec un courage digne d’éloge et au péril de leur vie, pour
désarmer un prédateur qui se préparait comme allant de soi à perpétrer un
massacre à la kalachnikov dans un train, un soldat américain et ses quatre
camarades, dont un français et un anglais, dont deux furent blessés, ont
renvoyé au Musée la doctrine publique de l’évidence de l’illégalité du courage
et de la légalité de la lâcheté.
Sans
que nous n’y prenions garde, il s’est insinué dans le débat public l’idée de
l’évidence de la légalité et la bienséance de la lâcheté et de l’illégalité et
de l’inconvenance du courage.
L’action
de ces citoyens conscients a créé une brisure dans cet ordre idéologique qui se
voulait immuable.
2)-
L’histoire récente
Comme
précédemment, ce sont des étrangers qui se sont commis dans cette salissure qu’était
devenu le courage.
1-
En 2012, M. Merah a tué des militaires et des civils dans une école.
a-
Toutes les victimes, y compris militaires, sont mortes soit dans la terreur et
la supplication soit dans un refus passif d’obéir à ses ordres.
b-
La seule personne qui ait attaqué le prédateur est un juif israélien de
formation militaire. Apparemment, il n’a été secondé par personne.
Le
fait est ici important. Il signifie que cet homme a déjà une culture de
l’affrontement. Il n’est pas prisonnier d’une politique d’acculturation guerrière
et d’inculcation du culte de la peur et d’une obligation de lâcheté.
2-
En 2015, MM Kouachi et Coulibaly ont tué sans rencontrer de résistance.
a-
A Charlie Hebdo, il n’y a aucun témoignage de résistance ; sauf erreur
bien sûr.
Il
est tout à fait possible que la plupart des victimes aient été prises par
surprises, ou dans l’incapacité physique de répondre.
b-
Dehors, les vidéos montrent l’assassinat d’un policier allongé, peut être
blessé, et suppliant.
c-
Rien à voir avec les fins flamboyantes de Kelkal, Merah, et d’autres.
d-
Les seuls qui ont tenté une riposte sont quatre juifs du magasin Hyper-Cacher. Leur
capacité d’action est de même nature que celle du soldat israélien de Toulouse.
3)-
Le précédent de référence
Le
cas des militaires tués par M. Merah est singulier car, dans une situation
militaire identique, il y a une référence militaire.
La
situation de ces militaires est celle de militaires qui vaquent à leurs
occupations civiles et sont agressés par un tueur.
Face
à M. Merah, l’un se couche et rampe à reculons dans une boutique en suppliant
son bourreau de l’épargner.
M.
Merah dit à un autre de se retourner. Ce dernier dit non et lui fait face
statiquement.
Il
est toujours difficile, sinon impossible, voire indécent, de dire ce qu’un
autre aurait dû faire. Sauf qu’en l’espèce, nous avons un précédent ; un
code de conduite ayant valeur légale.
En
1956, en Algérie, le Colonel Bigeard fait son footing sur la plage. Il est en
short et en tennis.
Il
prend conscience d’une présence derrière lui. Ce sont des tueurs du FLN. Le
soldat Bigeard se retourne, fait face, fonce sur ses assaillants.
Par
cet assaut dérisoire, il les déstabilise moralement. Ceux-ci tirent et le
blessent mais ils s’enfuient.
Le
blessé parviendra à trouver un pied-noir en voiture qui accepte de prendre en
charge un soldat français blessé et de le conduire à l’hôpital.
4)-
La mesure
C’est
à cette aune que nous devons, non pas juger, surement pas, mais examiner
l’action de tous les acteurs de ces attaques de prédateurs ; notre action.
A
plus de cinquante ans de distance, le soldat américain qui a décidé
d’intervenir et ses compagnons d’arme ont suivi la même ligne de pensée que le
soldat Bigeard.
Le
soldat Bigeard n’a sauvé que lui-même, c'est-à-dire un cadre décisif dans le
dispositif d’action de l’Armée française en Algérie.
Il
suffit de connaitre un tant soit peu les carnages de Français et de harkis, les
soldats volontaires organisés en Harkas, perpétrés lors de la transmission par
la France de son autorité publique à l’Autorité algérienne, pour comprendre
l’importance que revêtait la préservation ou la destruction d’une telle
personne.
5)-
Les effets
Le
soldat israélien ou les juifs de magasin Hyper-Casher n’ont sauvé personne. Ils
ne sont pas morts à cause de leur bravoure. Ils ont donné aux prédateurs le signale
que tout le monde n’est pas prêt à se laisser tuer en silence. Vieille
histoire.
Deux
des cinq intervenants du Thalys ont été blessés, dont un grièvement. Par
contre, nul ne doute qu’ils ont évité un carnage.
Non
seulement, ils ont évité le massacre préparé par ce prédateur et les siens,
mais en se donnant les moyens de la réussite, ils ont laminé les fondements
moraux de la légitimation de la lâcheté et de la culpabilité des français.
Les
alignements des cercueils, les fontaines de pleurs, les gueules d’enterrement,
les manifestations de dignité, servent d’abord aux filières institutionnelles
des prédateurs pour se tourner vers les pouvoirs publics et leur dire :
Voyez notre puissance !
Les
communiqués de condamnations compréhensives permettent de laisser-entendre que
l’avenir pourrait être pire si les lâches ne cèdent pas un peu plus et un peu
plus vite.
C’est
d’ailleurs ce pas supplémentaire dans le dictat qui devait être franchi dans le
Thalys. D’autres prédateurs sont en lice pour réussir ce passage d’étape.
Grâce
à ces hommes qui ont marché dans les pas d’un autre qu’ils ne connaissent pas
ce prédateur a échoué et il en est réduit à expliquer qu’il n’est coupable de
rien puisqu’il ne s’est rien passé.
En
effet, sa défaite est d’abord la vie des passagers. Il est devenu un prédateur
raté qui s’est suffisamment dévoilé pour passer sa vie en prison.
C’est
justement la première grande affaire de cet attentat. Il n’y a pas eu de morts
parmi les français, il n’y aura pas d’enterrements de français. S’il y a une
manifestation elle ne pourra être que celle du combat.
Une
population affaiblie peut enfin se dire qu’elle a le droit de se battre pour vivre
et de vivre libre.
La
seconde grande affaire de cet attentat est qu’il est établi que le courage est
légal et bénéfique à l’ordre public et la lâcheté illégale et nuisible à
l’ordre public.
Merci
les gars.
6)-
Le combat de désarmement
Ce
qui doit aussi faire l’objet d’un débat public à propos de cet attentat est la
notion de combat.
Comprenons
bien que je ne parle de combat en l’espèce qu’au travers des récits
journalistiques de l’action des combattants.
Il
me semble qu’on retrouve la même fascination pour le désarmement de la partie
adverse.
Sous
réserve de l’exactitude des faits, mais on retrouve les mêmes dans d’autres
récits de prédations de droit commun, il me semble que ces gens usent leur
courage, et parfois leurs capacités de survie, à répéter une scène ordinaire
dans une circonstance qui ne l’est pas ou ne l’est plus.
Ils
sont dans la logique dite de « désarmement du forcené ».
D’ailleurs,
l’un des héros du Thalys, le plus âgé, a utilisé l’expression. L’idée directrice
de l’activité de ces braves gens est qu’il faut « maitriser le forcené »,
lui prendre son arme et le remettre à la police en même temps que celle-ci.
Le
jeune soldat américain nous rassure pourtant quant aux capacités de réflexions
des voyageurs lorsqu’il dit : nous l’avons tapé jusqu’à ce qu’il cède et
je l’ai étranglé jusqu’à ce qu’il s’évanouisse.
Dans
un débriefing, je lui demanderais pourquoi il a reçu un coup de couteau.
En
effet, en situation de guerre, l’arme n’est qu’un élément du corps et, d’une
minute à l’autre, elle n’est par forcément le plus important.
7)-
Le combat de guerre
Il
conviendrait de réfléchir publiquement à la différence entre une personne à
désarmer parcequ’elle se situe dans le droit commun ou la psychiatrie, c’est un
adversaire, et une personne à affronter parcequ’elle est en guerre, c’est un ennemi.
Puisque
les français ont décidé qu’ils ne veulent pas de la guerre, ils décident aussi
de répondre par le droit commun à l’état de guerre. Ils veulent ramener le calme
quand il faut vaincre.
Si
des soldats israéliens ou américains sont capables de sauter sur le prédateur
et si des soldats français également en civil restent paralysés par les mêmes,
c’est en raison du refus profond des français de comprendre que ces prédateurs
sont en guerre.
Ailleurs,
au front, le courage est le même, car on leur a dit : ici c’est la guerre.
Dans
un cas, les plus braves sont paralysés devant un adversaire auquel ils ne veulent
aucun mal ; dans l’autre, ils savent que leur seule raison d’être est de vaincre
un ennemi. Le Général de Gaulle, Chef de l’Etat, disait : « Par tous les
moyens, je dis bien par tous les moyens ».
1-
Les gendarmes
Les
civils ne sont pas les seuls à être soumis à la doctrine du refus de
l’acceptation de la guerre.
Lorsque
MM Kouachi s’enfuient en province. Ils sont repérés par une patrouille de
gendarmerie locale. Les deux camps se retrouvent face à face.
Le
gendarme chargé de maitriser des gens tire non pour tuer mais pour blesser l’un
des frères. Celui-ci s’écroule. L’autre le ramène dans le hangar où il s’avérera
que c’était une blessure superficielle.
Le
gendarme avait la possibilité de tuer les deux. Il ne l’a pas fait au nom de
l’absence de légitime défense. Il a laissé l’un transporter l’autre à l’abri.
Ce
qui signifie que lorsque les autres sont arrivés, les frères Kouachi aurait pu tuer
des gendarmes parceque leur collègue les avait laissés en vie sous prétexte
qu’il n’était pas menacé directement par un homme à terre et qu’il a laissé son
coéquipier l’amener à l’abri sous prétexte du droit au soin de tous les blessés.
Bizarrement,
la cavalerie venue de Paris s’est retrouvée mécaniquement en état de légitime
défense, tout comme celle qui a investi le magasin kacher.
2-
Un moment de vérité
Les
forces de l’ordre ont montré leur compréhension de la différence entre ces deux
catégories de combat dans l’affaire :
a-
Kelkal, lorsqu’un officier de gendarmerie dit à sa troupe :
finissez-le !
b-
Merah, par l’invasion militaire de son appartement
c-
Kouachi, par le tir de barrage à la sortie des deux frères
d-
Coulibaly, par le tir d’intrusion dans le magasin.
Dans
tous ces cas, ce sont les prédateurs qui sont morts et non pas les agents de
l’Etat.
8)-
Conclusion
Les
prédateurs livrent, dans la société civile, aux français et aux européens, une
guerre sans merci.
Cette
guerre n’est pas déclarée est elle donc illégale. Les soldats de cette guerre sont
habillés en civil. Ce qui les prive des lois de la guerre. A moins qu’un tribunal
les déclare Résistants.
Au
nom de quoi voudrait-on que les français continuent de subir les assauts de ces
prédateurs sans organiser eux-mêmes une action militaire civile ?
C’est
ce que viennent de faire ces jeunes gens dont l’action se distingue de celle du
prédateur parcequ’elle est légale.
Que
ces généreux jeunes gens soient remerciés de nous avoir donné une leçon de
courage, d’humanité et de droit.
Marc SALOMONE