Marc SALOMONE / marcsalomone@sfr.fr
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Paris, le mercredi 21 août 2024
REFLEXION SUR LE SÉPARATISME PARLEMENTAIRE ET L’HOMOGENEITE DU PARLEMENT
Lors des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, conformément à l’art. 4 de la constitution, les partis politiques ont concourus à l’expression du suffrage universel.
Ils ont conduit les votes des électeurs selon des stratégies d’affrontements, d’exclusions, d’alliances identitaires.
C’est ainsi que se sont formées des groupements, occasionnels ou non, informels ou non, tels que le « Nouveau Front Populaire », « l’Arc républicain », « barrages aux blocs des extrêmes », « Front républicain », etc.
Une part essentielle de la campagne s’est faite sur la définition toujours recommencée du « Centre de gouvernement » et des « deux extrêmes » à exclure.
Les résultats sont ce qu’ils sont, le Peuple s’est prononcé.
Comme allant de soi, les groupes politiques de l’Assemblée Nationale (AN) tentent d’organiser le fonctionnement de celle-ci sur la logique électorale des partis, celle du Centre de gouvernement et des « deux extrêmes » à exclure.
La caractéristique du fonctionnement de cette logique est qu’aucun parti, ni aucun groupe parlementaire, n’a échappé à la qualification « d’extrême » (pas même le centre), à « l’exclusion » de « l’arc républicain », à être la cible d’un « barrage », etc.
L’acquisition de la pureté centriste est un combat digne de ces surfaces tournantes des fêtes foraines qui sortent du jeu les participants, les uns après les autres, en les déséquilibrant.
L’impossibilité de nommer un Premier Ministre susceptible de former un gouvernement stable est expressément consécutive à cette logique.
En effet, les groupes exclus ayant les moyens d’ajouter leurs voix aux motions de censure des groupes inclusifs contre leurs adversaires inclusifs, aucun gouvernement ne peut tenir.
L’AN ne peut donc fonctionner ainsi.
La première tâche de l’AN est de former une majorité qui rende possible la formation d’un gouvernement stable.
Une gestion de l’Assemblée fondée sur des exclusions, ou des oppositions organiques stables, suppose l’existence d’une constante coalition de minorités formant des majorités précaires mais continues.
C’est d’ailleurs pourquoi les pôles politiques de l’AN pensent pouvoir refaire la « troisième force » de la IVème République ou reconduire les « Fronts républicains » qui ont assuré depuis le 17 juillet 1984 la reconduction de l’alternance du Parti socialiste et de la droite « UMP », pendant plus de quarante ans, plus connue sous le sobriquet « d’UMPS ».
La IVème république a terminé en coup de force militaire (dont il serait souhaitable d’étudier l’imprévisibilité).
L’UMPS et sa continuité centriste a mis la France en faillite sur tous les indicateurs officiels pour la mesurer.
La nouveauté est qu’il n’est pas possible de former une majorité ni de renverser le régime qui organise les institutions.
Il apparaît donc que la politique électorale fondée sur la définition de camps à exclure et de camps à inclure, la logique d’un centre agissant et de deux extrêmes exclus, lorsqu’elle est appliquée, comme une norme, une évidence, au fonctionnement de l’AN rend désormais celle-ci ingérable et interdit la formation d’un gouvernement.
Ce qui fait obstacle à la nomination d’un Premier Ministre et à la formation d’un gouvernement stable n’est pas tant la tripartition des groupes de l’AN que l’inclusion de chacun de ces groupes et groupements de groupes dans une politique d’exclusion apriori d’autres groupes. Un séparatisme muet.
Les groupes politiques ne peuvent reporter sur le Président de la République la responsabilité de l’incapacité des uns et des autres de former un gouvernement.
Il serait aisé à celui-ci de nommer un Premier Ministre cité par n’importe lequel des groupes parlementaires et d’apporter ainsi la démonstration qu’aucune de ces nominations n’est capable de passer le premier vote d’une motion de censure.
Il faut donc procéder autrement.
Reportons nous à la Constitution :
L’art. 3 :
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.
L’art. 4 :
Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l'article 1er dans les conditions déterminées par la loi.
La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.
Partons de ces principes.
Il n’y a pas à l’AN ou au Sénat de groupes statutairement exclus ni de fonctionnement de ces assemblées pouvant reposer sur leur exclusion.
L’AN et le Sénat doivent être considérés comme des assemblées organiquement homogènes.
Les électeurs constituent un parlement homogène en y installant des élus qui forment des groupes et des coalitions de groupes minoritaires ou majoritaires mais dont aucun ne peut se prévaloir d’une légitimité supérieure à celle des autres et dont nul élu ne peut mettre en place une séparation d’avec d’autres élus qui seraient réputés incapables de participer à un vote ou à une fonction dans l’assemblée.
Les groupes doivent renoncer à interdire à tel ou tel d’entre eux d’accéder à quelque fonction que ce soit par principe.
Les seuls critères d’accession aux responsabilités internes aux Assemblées sont la capacité des élus et la proportionnalité des élus entre chaque groupe.
Une politique majoritaire ne peut pas être un coup de force séparatiste, même astucieux, contre la démocratie.
La situation est rendue très difficile du fait de la répartition actuelle des postes en raison d’un principe d’exclusion de tel ou tel groupe des organismes fonctionnels de l’AN.
Il faut être capable ou d’adapter les structures ainsi formées à l’homogénéité de l’AN ou de refaire ces élections.
En conséquence de quoi, les votes se répartissent selon les appréciations portées sur les personnalités candidates ou les textes présentés et non en raison d’un principe d’exclusion.
Le Président Georges Pompidou disait de la Constitution de la Vème République qu’elle était un « corniaud », un mélange de plusieurs filiations constitutionnelles ; parlementaire et présidentielle.
Les parlementaires auraient tord de croire que le bon peuple les suivra dans une révolte parlementaire, comme il y en eu dans le passé, contre le Pouvoir exécutif, incarné aujourd’hui par le Président de la République.
Celui-ci est élu aussi bien qu’eux et aux yeux des français il est une garantie pour une continuité et une unicité de l’État que les élus partisans de l’exclusion de divers de leurs semblables, selon des critères manifestement variables et opportunistes, peinent visiblement d’assurer.
Les contempteurs de la Présidence élue, au nom de l’adoration du parlementarisme, devraient prendre garde à l’expérience séculaire qu’ont les français de l’action des parlementaires.
Ils ne veulent de la dictature ni de l’un ni des autres.
Ils savent d’autre part qu’aujourd’hui le tiers-pouvoir constitutionnel est celui de l’Union européenne et qu’ils ne peuvent y faire face dans le séparatisme mais par des institutions homogènes.
C’est aux élus et aux groupements politiques de définir et de mettre en œuvre les cheminements de l’unité nationale. Les uns ne pouvant se substituer aux autres.
Les partis ne peuvent se réduire à être les caisses de résonnance des élus.
Ceux-ci ne se réduisent pas à être les porte-paroles de leurs partis dans les Assemblées.
Les élus ne pourront pas tracer ce chemin en développant au sein des organes du Pouvoir législatif une stratégie d’exclusion, de séparation, qui ne garantit que l’impossibilité de former un gouvernement.
Ils ont à charge le fonctionnement du Parlement. Ils ne peuvent fonder celui-ci sur une redéfinition astucieuse des résultats du suffrage universel. Ils doivent travailler avec ces résultats.
Le premier acte d’abandon de la politique d’exclusion est une déclaration d’homogénéité formulée par tous les groupes ensembles.
Les français ne demandent pas aux parlementaires de surveiller leur langage mais de veiller à leur homogénéité, au respect des décisions du suffrage universel et de la Démocratie.
Marc SALOMONE
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