Paris,
le mardi 14 novembre 2017
En
copie :
Président
de la République
Premier
Ministre
Ministre
de l’Economie et des Finances / Directrice
générale du Trésor
Présidents
du Parlement / Présidents des Groupes parlementaires
Union
européenne / OCDE
Caisse
des dépôts et consignation :
Directeur
général / Elus de la Commission de surveillance
LE
RETRAIT DES CADRES DIRIGEANTS PUBLICS
1)-
Les faits
Un
article du Canard Enchainé, du mercredi 8 novembre, p.2, « Le gendre pas
si idéal », rapporte les difficultés de la nomination d’un nouveau
Directeur Général (DG) à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
La
CDC est le socle financier de la France. Si elle ruinée ou démantelée, la
République française, comme la Grèce récemment, n’a plus les moyens d’exister.
Eric
Lombard, ancien PDG de Generali France, est pressenti pour être nommé.
Il
apparait que le Président de la Commission de Surveillance, le député Le
Gendre, a dirigé le Cabinet de Conseil en entreprises Explora et Cie,
partenaire pendant dix ans de Generali France.
La
Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, doit dire
s’il y a « conflit d’intérêt ». Elle en décidera et avisera.
Mais
cette décision ne répondra pas à la question des refus multiples essuyés par le
gouvernement dans sa quête d’un nouveau DG de la CDC.
3)-
Retrait et nouveauté
Ce
retrait des Cadres publics dirigeants n’est pas un incident de parcours.
Nous
parlons ici des cadres dont la liste est notamment établie par le Décret n°
53-707 du 9 août 1953 modifié.
Si
c’est un PDG, cadre du Privé, qui s’est porté volontaire, c’est aussi que des
cadres du Public sollicités ont décliné l’offre.
Admettons
que certains l’aient refusée pour des désaccords de ligne politique telles
qu’évoquées par les syndicats. Il reste la place à l’information apportée par
le journal selon laquelle :
a-
« Qui l’eût cru ? On ne se bouscule pas au portillon pour remplacer
Pierre-René Lemas, le patron de la Caisse des dépôts,
b-
« ce que n’avait pas anticipé l’Elysée, c’est que le poste n’est pas
follement aguichant pour un inspecteur des Finances.
c-
« « Et puis plafonné à 450 000 euros depuis un décret du 16
janvier 2013, ce salaire promis au futur DG, coquet pour le public, a rebuté un
certain nombre de candidats.
d-
« …qui ont préféré aller pantoufler pour beaucoup plus dans le
privé. »
Le
bruit de fond du débat public français inscrit ce retrait dans une diffusion de
l’avidité financière, de l’hypertrophie de l’appât du gain.
Il
y a cinq ans, la Ministre de la fonction publique considérait comme anormal
qu’un cadre dirigeant gagne plus qu’un « Ministre » et l’orientation du
gouvernement était celle de la modération des hauts salaires au motif de
l’immoralité des écarts de revenus qu’ils entrainaient.
Elle
parlait ainsi en toute bonne foi parcequ’elle réfléchissait dans une logique de
rémunération nationale et close ; sans liens avec les réseaux de cadres
dits « étrangers ».
Or,
par la rétention de leurs candidatures ; les cadres dirigeants nous font
remarquer que désormais, leurs rémunérations se décident en fonction de
critères non plus nationaux mais mondiaux.
Cette
mise en retrait des candidatures peut être examinée comme un mouvement
revendicatif de professionnels qui estiment que leurs rémunérations ne sont
plus adaptées aux critères de référence des salaires des cadres dirigeants.
Ces
critères mondiaux intègrent, sous des formes multiples, l’association des
rémunérations salariales des cadres dirigeants au capital.
4)-
Des dérèglements
Les
dénégations étatiques à ce sujet conduisent à des dérèglements remarqués du
fonctionnement de la fonction publique.
Ceux-ci
sont analysés d’une façon purement morale comme l’expression des conséquences
des transgressions des règles normales de fonctionnement des directions publiques.
1-
Le lutinisme
Exemple :
Christophe Nijdam, ancien banquier et
ex-secrétaire général de l’ONG Finance Watch résume ainsi le travail de sape du
Service public par les PRPT :
« Quand vous
êtes au Trésor, vous savez que si vous voulez par la suite faire une carrière
mieux rémunérée, vous allez le faire dans le secteur bancaire. Vous avez
toujours un petit lutin à l’arrière de votre cerveau qui vous dit que ce n’est
peut-être pas très malin d’aller à l’encontre des désirs du secteur bancaire…
au cas où. »
Indépendamment
des aléas des choix de chacun ; actuellement, rien ne peut nous dire si ce
lutinisme provient d’une décomposition des capacités d’honnêteté des cadres
dirigeants du Public ou s’il est le résultat de l’inadéquation à la
mondialisation des logiques de rémunération nationales et closes des
administrations publiques alors que leurs fonctionnements y sont dors et déjà
inclus.
La
mondialisation implique que des cadres dirigeants administratifs négocient des
transformations de leurs administrations en se plaçant hors de la
représentation souveraine de leur Etat.
Ils
ne sont plus en situation de rapports diplomatiques avec leurs interlocuteurs
mais dans des rapports personnels de négociateurs commerciaux.
Les
critères de valorisation de leur autorité par ce que l’OCDE nomme des
« univers » ne sont donc plus les mêmes.
Si
aujourd’hui, les dirigeants du « Trésor » veulent une « carrière
mieux rémunérée », là où leurs anciens se contentaient des satisfactions
de leurs Pouvoirs, ce n’est pas nécessairement parcequ’ils sont devenus vénaux.
Ce
peut être aussi parcequ’ils ont conscience que la valorisation pécuniaire de la
profession, de son exercice, la reconnaissance de leur valeur et donc à terme
de leur autorité personnelle, passent par une « meilleure
rémunération ».
Cette
valorisation n’est plus définie par leurs seules inscriptions dans des
hiérarchies salariales locales.
Elle
se définit aussi, voire prioritairement, par ce qu’on pourrait appeler le
Marché des revenus des cadres dirigeants mondiaux.
Le
lutinisme n’est donc pas assimilable à la demande permanente de corruption. Il
est d’abord le signal d’un dysfonctionnement statutaire qu’il convient
d’examiner.
2-
Les « portes tournantes »
Une
autre catégorie de dérèglement due à cette inadéquation du calcul des revenus
des cadres dirigeants à la mondialisation sont les perturbations du
fonctionnement des pouvoirs publics, ou « systèmes politiques », et
des « marchés financiers », ou « univers » privés, par le
seul « recyclage régulier de personnel entre les deux univers », le
Public et le privé.
Un
rapport confidentiel de l’OCDE daté de 2009, fait le même
constat en Australie, en Belgique, au Canada, en Irlande, en Nouvelle-Zélande,
et au Royaume-Uni. Là encore, l’OCDE s’inquiète des conséquences du pantouflage
et des « portes tournantes » sur les autorités de régulation.
Extrait du rapport de l'OCDE en 2009 :
« Les relations proches entre, d’un côté, les
régulateurs et le pouvoir politique, et de l’autre, l’industrie de la finance
et ses lobbyistes, sont alimentées par le recyclage régulier de personnel entre
ces deux univers. (…) S’attaquer aux portes tournantes constitue le début d’un
processus indispensable afin de restaurer la confiance des citoyens dans le
système politique et le fonctionnement des marchés financiers. »
L’OCDE
a repéré les nuisances que cette confusion provoque quant à la fiabilité aussi
bien du Public que du Privé.
La
stabilité des réseaux de cadres dirigeants au sein des « deux univers »
est devenue un élément déterminant de la « confiance des citoyens »
en eux.
a-
Il ne sera plus possible d’assurer cette stabilité par l’identification du
Public au sacrifice monastique et du Privé à la sarabande spoliatrice.
b-
Par contre, la fondation des rémunérations des uns et des autres sur
l’inscription de celles-ci dans le capital est devenue une référence.
c-
Cette inscription est bien sûr distincte dans le privé et dans le public où elle
ne contredit pas la maitrise salariale.
5)-
Conclusion
C’est
une illusion stérile que de prétendre revenir à un passé dont nous n’avons plus
les codes.
Plutôt
que de regarder se décomposer la haute administration confrontée à la
mondialisation ; il est possible d’expérimenter des modes de rémunérations
innovants qui offrent aux cadres dirigeants publics de développer réseaux
publics dirigeants durables inscrits dans la mondialisation.
Aux
yeux de l’OCDE, c’est cela qui est crucial.
Marc SALOMONE
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