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Paris, le lundi 25
novembre 2013
Le procès Moitoiret
place chacun devant ses responsabilités. La condamnation de ce fou à
30 ans de prison vise à sanctuariser la criminalisation de la
maladie mentale.
30% des personnes
détenues sont déclarées handicapées mentales à l’entrée en
prison.
Comme précédemment, et
constamment, on va nous dire que les cadres français ne font que
céder à l’opinion publique, à la demande des français.
Le silence des
particuliers, qui semblait aller de soi dans l’ordinaire de la
justice, est donc devenu une complicité.
Fort opportunément, les
médias viennent de nous rappeler les lobotomies de confort familial,
de puissance psychiatrique, que les familles Windsor et Kennedy ont
fait pratiquer sur certains de leurs membres dans les années 30.
Nous pensions être débarrassé de ces subprimes juridiques. Ils
reviennent.
Le texte qui suit découle
du programme que l'humanité a forgé au retour des Déportés :
Plus jamais ça !
Je n'ai pas à discuter
ici de la place des uns et des autres dans ce procès et sa
conclusion. Ce tribunal a commis un crime. Il est du devoir de tout
homme, et en tout cas de tout français, de le dénoncer.
Désormais, pour le
traitement de la folie, de ses actes, la règle est la prison,
l'hospitalisation est l'exception. Ce ne sont plus les médecins qui
diagnostiquent une maladie, ce sont les magistrats qui concèdent des
soins. Ce n'est plus l'hôpital qui prend en charge un malade. C'est
la prison qui consent à partager une proie.
La presse nous apprend
que le Tribunal de Lille a condamné à deux ans fermes, pour cause
de « récidive » un fou qui s’énerve lorsqu’il ne
prend pas ses pilules. Cf. Le canard enchaîné, le 07.12.11, P. 5.
Commentaire du Procureur : « Si chaque fois qu’on le
contrarie, ça se finit à coups de pied, il va passer des années
derrière les barreaux ! ». Nous remarquons que le
procureur ne dit pas : A l’asile, mais « derrière les
barreaux ». C’est bien la criminalisation de la maladie
mentale, l’élimination des soins comme souci judiciaire, qui est
la politique judiciaire. Nous ne sommes pas face à un bricolage
d’urgence. C’est une politique d’élimination sociale des fous.
C’est un crime.
Après les massacres des
années 30 et de la guerre, y compris dans les hôpitaux
psychiatriques français (50.000 morts de la seule responsabilité
des personnels français), nous pourrions nous attendre à autre
chose qu’à cette redite de la criminalisation de la maladie
mentale.
Au lieu de cela nous
avons visiblement un jeu de cache-cache des cadres de l’Etat pour
savoir lesquels rentabiliseront le mieux la maladie mentale pour
leurs boutiques respectives. Le suivisme des magistrats, la
complicité des psychiatres, en tant que corps, sont abjectes.
Cette évolution implique
la décision de rompre avec la doctrine juridique du Code civil pour
en emprunter une autre qui ne provient pas du régime nazi mais qui a
trouvé en celui-ci le support de ses aspirations dominatrices.
La doctrine du droit
découlant du Code civil et la Déclaration des droits de l'homme et
du Citoyen repose sur le principe de la séparation intangible entre
l'incarcération des personnes valides et l'hospitalisation des fous.
Cette séparation de la
folie et du crime, de l'hôpital et de la prison a une valeur
constitutionnelle au même titre que la séparation de la religion et
de l'Etat. Elle procède du même mouvement idéologique d'Etat. Elle
est de la même histoire et surtout de la même temporalité.
C'est la Révolution
française qui sert de matrice à la sortie des fous des prisons pour
les placer dans les asiles d'aliénés. Ce sont les médecins
révolutionnaires, tel Philippe Pinel et Pussin, qui, en 1793, sous
le couvert juridique de la Commune de Paris, sortent les fous des
prisons et leur enlèvent les chaînes ; symboles du crime et de
l'asservissement qui en résulte. Ces dispositions seront constamment
reprises par le Directoire, le Consulat, l'Empire et les Rois
bourgeois. C'est un socle médical et juridique qui s'est formé de
1789 à 1838.
Cette disposition a été
suivie par tous les régimes de droit constitutionnel, y compris les
dictatures les plus brutales. Bonaparte en fait
l’institutionnalisation juridique à partir du Code Civil.
La Grande Terreur
stalinienne de 1936 est l'un de ces moments d'une indescriptible
horreur où l'arbitraire semble l'emporter sur toute considération
légale. Il était cependant possible d'échapper à la répression
policière en obtenant un statut de malade mental. Les personnes
considérées comme folles étaient hospitalisées et non
incarcérées.
Cela ne nous dit ni ce
qu'a été cette terreur ni ce que vivaient à l'époque les fous
dans tous les systèmes psychiatriques partout dans le monde.
Par contre, cela nous dit
que l'effacement de la ligne de démarcation entre le psychiatrique
et le carcéral, la criminalisation de la folie, la psychiatrisation
de la faute pénale, la carcéralisation de l'hospitalisation, ne
découlent pas d’accommodements, de dérèglements, d'usages
criminels, du système de droit.
Cette confusion résulte
de la substitution délibérée d'un système de droit à un autre.
Il ne faut pas de l'inconscience, de l'irresponsabilité, de la
vindicte. Il faut une décision.
Il faut décider de
passer d'un système de droit qui repose sur des principes
constitutionnels, qui peuvent par ailleurs être violés, à un
système qui repose sur des doctrines et des règles étrangères à
ces principes.
C'est la substitution
d'une politique administrative et juridique fondée sur la Raison,
entachée ou bafouée par l'arbitraire et le crime, à une autre
politique administrative et juridique fondée sur un irrationnel qui
peut être rationalisé et compassionnel.
Tous les systèmes
juridiques connaissent ces intrusions constantes de pratiques
juridiques parallèles. Elles s'insinuent dans le droit rationnel, se
présentent comme des séquences isolées, des dépendances, des
conséquences, de ce droit du Code Civil.
Ces pratiques parallèles
sont en fait les apparitions, les soubresauts, les émanations, des
doctrines juridiques ante-constitutionnelles. Les plus célèbres
sont les politiques administratives et juridiques
produites par les
idéologies religieuses. Là, nous avons affaire à un droit
parallèle laïques formé par les personnels d'Etat.
Les pratiques de viol,
viol marital, viol d'inconscience, viol administratif, etc, sont
fréquemment des séquences de droits devenus privés et illégaux,
qui ne peuvent plus se proclamer publiquement et qui cherchent
constamment à se créer un espace dans le droit public.
Ces doctrines juridiques
et médicales particulières qui reprennent la criminalisation
féodale des fous apparaissent à la fin du 19ème siècle. Elles
trouveront leur régime politique d'épanouissement dans le nazisme.
Ses partisans ont donc partagé la défaite de celui-ci en 1945.
Le régime hitlérien est
le seul régime d'un pays développé qui ait institutionnalisé la
confusion entre la maladie mentale et la criminalité publique.
Seule la défaite du
nazisme de 1945 explique l'apparente nouveauté de la criminalisation
des fous. La résurgence de cette doctrine née dans les réseaux
psychiatriques et politiques antidémocratiques du 19ème siècle a
dû faire profil bas durant les décennies d'après guerre.
Le fait qu'elle
ressurgissent aujourd'hui indique qu'un nouvel affrontement de la
démocratie et de ses ennemis est en cours.
Les nazis n'ont pas
contraints les castes psychiatriques à accepter les politiques
d'éradication de la folie et d'élimination des fous. C'est le
régime nazi qui a répondu aux attentes de courants psychiatriques
officiels en accédants aux demandes médicales de décloisonnement
des pratiques de violences des internements médicaux et des
pratiques de violences des incarcérations administratives.
A partir du moment où on
pense que le cerveau du malade appartient à la médecine, il devient
sensé de penser que le corps du malade appartient à
l'administration. La destruction partielle ou totale du cerveau du
fou peut fort bien s'accompagner ou s’accommoder de la destruction
totale ou partielle de son corps.
L'éradication de la
folie comme seule visée des soins peut fort bien s'accomplir dans
une élimination génocidaire des fous.
Des réseaux de
psychiatres sont demandeurs de la fusion des pratiques de détention
et d'hospitalisation. Cela leur permet de disposer des fous sans
justifications médicales des méthodes d'enfermement.
Les acquis démocratiques
des sociétés civiles occidentales se répercutent dans les rapports
aux fous. Toutes les réformes de caractères démocratiques de la
physiatrie après-guerre en découlent. Tels, la dite
Anti-psychiatrie, la disqualification de l'enfermement, son contrôle,
même évanescent, par le droit.
La criminalisation de la
folie permet de faire abstraction de ces évolutions pour assurer aux
psychiatres le confort de la dictature étatique sur les fous. En
plaçant les malades mentaux en prison, la psychiatrie s'épargne
tout débat démocratique sur les soins des malades et le travail des
soignants.
L'opposition de tout le
personnel psychiatrique, médecins, direction, syndicats, infirmiers,
au contrôle judiciaire de l'internement psychiatrique, indique la
perméabilité de ce milieu aux idées fondées sur le rejet de la
démocratie et du droit civil au profit du droit de caste étatique.
Cette disposition d'esprit ne conduit pas nécessairement à la
criminalisation de la folie mais elle en prépare le terrain. Elle
permet déjà la psychiatrisation des conflictualités sociales ;
c'est toujours ça de pris, mais ça ne suffit plus.
Le renouveau de la
criminalisation de la folie s'inscrit dans la redécouverte de cette
filière de pensée étatique de la fin du 19ème siècle. On veut
revenir à ce mouvement de la fin du 19ème siècle si
malencontreusement contrarié par le défaite de son protecteur en
1945.
Pour mettre en scène
cette reconduction de la criminalisation de la folie, on a mis en
place un dispositif qui perverti à la fois le droit et la
psychiatrie.
Il substitue au constat
de la folie un couple apparemment plus humain, plus scientifique,
plus respectueux de la liberté personnelle du fou, la dichotomie de
l’abolition ou de l’altération du discernement.
Par cette pirouette
verbale, les autorités mesurent le fou à l’aune de la crise de
démence. Si celle-ci n’est pas là, ce qui est généralement le
cas, le fou peut alors être déclaré conscient de ses actes. Il
reste alors à examiner et à déterminer dans quel mesure le fou est
accessible à la condamnation et donc à la peine de prison. Et le
tour est joué.
C'est la voie ouverte à
l'arbitraire et aux calculs politiques d'ordre et de castes.
Le Premier Consul a
établit la démence au moment des faits comme critère de
l'abolition des capacités de discernement et donc de la
responsabilité pénale. Elle conduit au remplacement de l’action
judiciaire par l’action médicale. En cela la justice se distingue
de la boucherie.
Mais cela ne vaut bien
sur que pour les personnes valides, bien portantes. Celles-ci sont
les seules qui à un instant T peuvent «perdre la tête ».
Les fous eux sont en perpétuel état de démence. Leur « tête »
est déjà « ailleurs ». L’indisposition mentale, est
leur état normal. Ils sont malades et non coupables.
Le Premier consul n’a
pas mis en place cet argument de la démence au moment des faits pour
piéger les malades mentaux. Il l’a fait pour empêcher qu’on
juge des personnes saines d’esprit qui auront perdu leur esprit
l’espace d’un instant. Il serait injuste d’en faire un
persécuteur de malades mentaux, encore moins le précurseur des
dérives criminelles à leur encontre reprises de nos jours. Il était
un dictateur ; pas un criminel de droit commun, un sadique.
Par cette pirouette,
cette entourloupe, cet escamotage de la folie, on ne change pas de
loi, on change de droit.
Ainsi, concernant le
procès Moitoiret. M. Moitoiret est un malade mental. Il est
visiblement fou.
La querelle du
discernement ne concerne pas ce procès. Celui-ci porte sur la
reconnaissance judiciaire de la maladie mentale. Celle-ci est niée.
Le malade mental est vu comme un danger, un tricheur, un lieu masqué
du crime. La fonction de la justice est alors de dévoiler le visage
criminel du fou et d'éradiquer la folie en anéantissant socialement
le fou.
La presse rapporte qu’un
autre enfant fut déjà enlevé par M. Moitoiret, au motif qu’il
était « l’élu ». Elle nous dit : « Les
parents récupèrent le gamin et l’affaire s’arrête là ».
cf. Le figaro, 07.12.11, P. 11. Donc, les autorités savaient.
Une fois de plus, ce
qu’on présentait comme un coup de tonnerre imprévisible a été
précédé de signes annonciateurs. Les pouvoirs publics n’ont rien
fait. L’intervention en temps utile conduit aux soins.
L’intervention consécutive au sang versé permet de détruire.
Il est aujourd'hui de
doctrine administrative constante que les représentants des Pouvoirs
publics n'interviennent qu'en réponse à la question : Est-ce
qu'il y a du sang ?
Si oui, nous intervenons.
Si non, nous
n'intervenons pas.
Ce critère du sang comme
règle légale d'intervention conditionne la transformation des
procès en séances judiciaires sacrificielles, purificatrices et
expiatoires.
Au même moment, la
presse annonce que les français vont payer 4,5 milliards d'euros, 15
milliards au total, à des particuliers américains, pour liquider le
montage financier dit du Crédit lyonnais par lequel les cadres
financiers publics de l'époque ont saboté la banque publique
française afin d'aboutir à sa privatisation. Pas un seul
responsable n'a été condamné. Pas un seul.
Nous devrions pouvoir
compter sur la magistrature pour ouvrir la voie à une reconnaissance
de l’originalité judiciaire de la maladie mentale, organiser une
place juridique nouvelle à la prise en charge sociale de la maladie.
Au lieu de cela nous régressons dans la manipulation étatique
sordides de la folie.
Soit, cet homme est sain.
Il peut être jugé. Soit, il est malade, et sa place est en hôpital
psychiatrique. Nulle part ailleurs.
Cette criminalisation des
fous aura pour continuation la carcéralisation de la psychiatrie, la
persécution sociale des fous, sans fin ni limites.
Une justice qui devient à
chaque procès plus régressive dans ses condamnations, n’est de
toute façon d’aucune aide pour les plus faibles d’entre nous.
Comment prétendre
meurtrir les fous et protéger les enfants ? Ceux qui
criminalisent la folie ou rendent accessible la prison aux fous sont
les mêmes qui cherchent à détruire l'Ordonnance de 1945.
Conclusion
Depuis 1789, la
séparation des fous et de la prison, de la folie et du crime, est un
principe qui a valeur constitutionnel.
L’Incarcération des
malades mentaux, des fous, n'est pas une dérive criminelle du droit
civil qui organise seul la légalité. C'est l'activité régulière
d'un droit criminel parallèle, l'introduction d'une subprime
juridique, une disposition toxique, dans la procédure judiciaire.
Les français se trouvent
confrontés à une dualité des droits, comme on parle parfois de
dualité des pouvoirs. Nous devons en parler, établir l'opposition
du droit républicain qui forme la légalité et du droit parallèle
illégal. Appelons les comme on voudra.
La doctrine de
l'accessibilité à la peine, pour distinguer parmi les fous ceux qui
peuvent être enfermés de ceux qui peuvent ne pas l'être, a la même
portée scientifique, juridique, légale, que les théories élaborées
par les mêmes psychiatres et juristes concernant les fous qui
peuvent vivre et ceux qui ne le peuvent pas, ou encore ceux qui
peuvent conserver leur cerveau et ceux qui doivent en être amputés
en partie ou en totalité.
La condamnation pénale
de M. Moitoiret en lieu et place des soins auxquels il peut prétendre
de droit est à la fois un travail sur les filiations du droit et sur
les filiations des questionnement publics de la folie.
Les procès qui examinent
la possibilité d'incarcérer les fous et non de les interner en
hôpital psychiatrique civil ne relèvent pas de la discussion
judiciaire stricto sensu mais de la discussion citoyenne sur les
conditions d'exercice du droit.
Les français doivent ils
accepter que se glissent dans les procédures de la justice publique
des séquences de droits qui ne relèvent pas de la filiation du Code
civil et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?
C'est le défi auquel les français furent confrontés quand
l'obligation fut faite à certains d'entre eux de porter un signe
distinctif, l'étoile jaune.
Depuis 1945, les crimes
relevant d'administrations politiques qui se substituent au Code
civil, tels que des administrations religieuses, raciales,
politiques, scientifiques, commerciales etc. relèvent de la
jurisprudence établie par le Tribunal de Nuremberg relative aux
crimes contre l'humanité.
Il en va ainsi de la
criminalisation de la maladie mentale, du déferrement en tribunal de
personnes reconnues malades mentales, de leur condamnation pénale,
de leur incarcération.
M. Moitoiret doit
lui-même être reconnu fou et être placé en Asile d'aliéné
conformément à la demande des psychiatres Pinel et Pussin ainsi
qu'aux décisions des représentants du Peuple qui s'en suivirent de
1789 à 1838.
La filiation de MM. Pinel
et Pussin pour la médecine et de la Commune de Paris de 1793 pour le
droit est la seule filiation constitutionnelle en matière de
traitement judiciaire des fous. Le jugement Moitoiret n'en relève
pas. Cela ouvre un débat citoyen.
Marc SALOMONE
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