Paris,
le mercredi 3 février 2016
Nathalie
Boutard
Juge
d’instruction
TGI
de Versailles
5
Place André Mignot,
78000
Versailles
Tel. :
01 39 07 39 07
Télécopie :
+33 1 39 07 38 96
webmestre.ca-versailles@justice.fr
webmestre.ca-versailles@justice.fr
Madame
la juge d’instruction,
1)-
Préambule
La
presse nous annonce la levée du contrôle judiciaire imposé à M. Benzema.
Le
même mois de janvier 2016, sort le livre de Valérie de Senneville, Isabelle
Horlans, deux journalistes, grands reporters, habituées des prétoires : « Les
grands fauves du barreau ».
Je
connais ce livre par l’interview, concernant l’affaire dit de la Sextape,
qu’elles donnent au journaliste Nicolas Jucha, de Sofoot, le jeudi 21 janvier
2016. Vous le trouverez ci-joint.
Cette
interview est une charge particulièrement brutale contre les accusations
publiques portées contre M. Benzema et contre l’action de M. Valbuena dont
elles s’arrogent la présentation. Ce dernier est traité comme un être
malfaisant qui cherche à exister en ruinant la carrière d’un héros.
Par
ces journalistes, certaines castes CSP+ font savoir qu’elles ont choisi leur
camp et que l’action judiciaire concernant « une vulgaire histoire de
sextape » ou « une histoire de sextape à deux balles » doit
s’arrêter.
Cette
initiative influe évidement sur la justice en préparant le terrain à l’évidence
publique de l’inanité de l’action judiciaire visant M. Benzema et du ridicule
dans lequel s’inscriraient des magistrats ringards qui la poursuivraient.
A
ce sujet, j’ai l’honneur de vous communiquer les remarques citoyennes qui
suivent sur l’évolution publique de l’Affaire dite de la Sextape.
2)-
L’Ainée italienne
En
Italie, actuellement, se tient un grand procès anti-mafia.
a-
Les prévenus sont des cadres de la société civile, dont certains sont élus au
suffrage universel, de la droite et de la gauche gouvernementales.
b-
Les juges italiens doivent se rendre en prison pour les juger par incapacité de
faire respecter la sécurité des Palais de justice
L’une
des raisons du transport de la justice hors de ses Palais est que les citoyens
italiens ont laissé s’organiser une présentation publique factieuse des
affaires judiciaires concernant la criminalité maffieuse.
Nul
n’a protesté quand les personnes physiques et morales bien intentionnées ont tourné
les procédures en dérision en affirmant avec arrogance l’évidente innocence des
condamnés, la perversité des juges, l’intéressement des avocats, la naïveté des
assassins, la sympathie des complices, l’imbécilité des victimes, l’immoralité
de leurs soutiens.
A
l’arrivée, ce sont les juges et les honnêtes gens qui ont peur.
3)-
M. Benzema
Les
éléments publiés par la presse, légaux ou non, nous indiquent sans équivoque
que M. Benzema s’est fait le porte-parole d’un réseau de voyous auprès de M.
Valbuena.
Il
a transporté leur parole, leur volonté, la structure de leur action, à
Clairefontaine, lieu d’entrainement de l’équipe de France ; autrement dit,
dans l’enceinte administrative et immobilière de l’Etat.
En
transportant une activité criminelle au sein de l’Etat, M. Benzema a parachevé
l’organisation d’une activité maffieuse.
Celle-ci
se définie comme la pénétration et l’installation d’une activité criminelle
privée dans la sphère des Pouvoirs publics.
4)-
M. Valbuena
La
réponse de M. Valbuena a été remarquable. Il a spontanément mobilisé la police.
a-
Le 17 septembre 2013, le footballeur Lilian Thuram a été décoré de la légion d’honneur
au moment où sa femme portait plainte contre lui pour des violences conjugales.
b-
Le footballeur Valbuena qui a déjoué l’installation d’un réseau maffieux dans
le sport de haut niveau a été effacé de la promotion de janvier 2016.
Si
le Pouvoir exécutif avait été capable, à sa place, de prendre ses
responsabilités et de désigner à la jeunesse un vrai héros, les choses auraient
été plus simples tant pour les sportifs que pour les magistrats. La charge
émotionnelle de cette affaire aurait été distribuée de façon plus rationnelle.
5)-
Les suites judiciaires
Si
les magistrats apportent une rigoureuse démonstration de l’innocence de M.
Benzema et de l’inexistence des faits rapportés, chacun en prendra acte.
Comme
les faits qui ont été présentés paraissent solidement établis, il est crédible
de penser qu’ils seront confirmés par la justice, au moins quant à leur logique
maffieuse.
Ce
que veulent obtenir les clans représentés par ces deux journalistes, c’est que
la confirmation des faits soit assortie de leur minimisation, voire de leur
ridiculisation.
Ce
faisant, l’Etat, le « juge judiciaire », les « petits
juges », perdraient publiquement leur bras de fer avec les nombreuses
stratégies de pénétrations maffieuses des milieux sportifs.
Ils
devraient alors progressivement accepter de négocier avec la canaille comme avec
une instance légale représentative et distinguer avec elle ce qui est important
de ce qui est « vulgaire » ou « à deux balles ».
Ce
qui peut inquiéter les français, c’est de penser que l’ordre public,
l’intégrité de l’Etat, ne sont pas garantis.
En
vous remerciant pour votre attention,
Je
vous prie d’agréer, Madame, l’assurance de mes salutations distinguées,
Marc SALOMONE
Ouvrier Retraité
PS :
L’interview citée :
Avec
Valérie de Senneville, Isabelle Horlans vient de publier Les grands fauves du
barreau, un ouvrage dans lequel elles expliquent comment les grands avocats pénalistes
utilisent les médias afin d'influencer leurs procès. Forcément, elle n'est pas passée
à côté de l'affaire de la sextape et ne s'étonne pas des fuites,
beaucoup plus de la stratégie éditoriale du Monde.
Propos
recueillis par Nicolas Jucha jeudi 21 janvier
Question :
En
tant que chroniqueuse judiciaire, vous vous êtes intéressée à l'affaire de la sextape
entre Mathieu Valbuena et Karim Benzema ?
Réponse :
C'est
tellement disproportionné que cela a fini par m'intriguer et j'ai voulu
comprendre. J'ai été stupéfaite quand Le Monde a mis cette affaire à la
Une à deux reprises. Autant je peux comprendre que tous les journaux
spécialisés s'émeuvent de la situation, car elle a des répercussions sur
l'équipe de France, autant j'ai été intriguée de voir Le Monde s'en
emparer. Cela donnait une autre dimension à l'affaire, il y a une tentative de
manipulation évidente.
Question :
Tentative
de manipulation, vous évoquez les gens qui donnent accès à des éléments de
l'instruction aux journalistes du Monde ?
Réponse :
C'est
ça. Quand on a enquêté pour notre livre, plusieurs avocats nous ont expliqué
qu'il y a des stratégies lorsque l'on veut porter une affaire à la connaissance
du public sous un angle spécifique qui peut servir son client. On choisit un
journal, on choisit même des journalistes parfois. Là, le fait de choisir
Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ce n'est pas innocent, le fait de choisir Le
Monde l'est encore moins. Cela me rappelle Olivier Metzner qui avait choisi
Pascale Robert-Diard, la chroniqueuse judiciaire du Monde, pour essayer
de publier les enregistrements que le majordome de Liliane Bettencourt avait
réalisés à son insu. Journaliste prudente et aguerrie, elle n'est pas entrée
dans la combine. À l'évidence, Gérard Davet et Fabrice Lhomme - je n'ai rien
contre eux, j'aurais peut-être fait comme eux - ont été choisis délibérément
par la personne qui veut que Mathieu Valbuena soit considéré comme la victime
de Karim Benzema. Les raisons profondes nous échappent, mais elles font de
Karim Benzema un être épouvantable qui doit être interdit de tout, y compris de
l'équipe de France. Cela va au-delà de l'affaire en elle-même, il y a quelque
chose d'autres et une manipulation profonde.
« Le secret de l'instruction n'existe plus, c'est une
fumisterie. Il est bafoué minimum deux à trois fois par mois à l'échelon national. »Isabelle
Horlans
Question :
La
manipulation dont vous parlez, elle vient de l'un des deux camps dans chaque
affaire - demandeur ou défendeur -, voire du procureur...
Réponse :
Bien
sûr, toutes les parties peuvent être susceptibles de faire avancer les choses
en communiquant. Par exemple, dans l'affaire Bettencourt, il est évident que la
juge Isabelle Pruvost-Desprez, alors saisie de l'affaire, avait intérêt à ce
que le dossier soit suivi par des journalistes, car le procureur Philippe
Courroye freinait la procédure. Donc elle avait intérêt à ce que cela sorte, et
il y a toujours quelqu'un dans le dossier qui a intérêt à orienter ou à faire
évoluer le dossier. Dans l'affaire Benzema-Valbuena, on ne peut pas imaginer la
juge d'instruction Nathalie Boutard donner ses procès-verbaux. D'abord parce
qu'elle n'a aucune raison de le faire - elle mène son instruction doucement
mais sûrement - et elle a l'air d'être prudente. Ensuite, personne ne semble
l'empêcher d'instruire, elle a mis en examen Benzema depuis trois mois...
Aucune raison de faire fuiter la procédure. On peut très facilement identifier
que c'est l'avocat de Valbuena, ou Mathieu Valbuena lui-même - même si
j'imagine plus son entourage professionnel ou judiciaire le faire - qui font
fuiter l'affaire. Qui est magnifiquement mis en avant dans Le Monde
depuis le début ? C'est Mathieu Valbuena. D'ailleurs, Le Monde est le
seul journal auquel il a accordé une interview jusqu'à son passage dans Téléfoot.
La manipulation est extrêmement simple, Valérie de Senneville et moi, on l'a
vécu des dizaines de fois, même plus. On a un avocat qui nous dit « tu
sais, l'histoire est passionnante, je t'arrange le coup avec mon client, il ne
va parler qu'à ton journal et je te donne accès au dossier. » J'ai dû
le vivre au moins cinquante fois, pas toujours sur des affaires prestigieuses,
notamment en régions. Dans la presse quotidienne régionale, vous avez
fréquemment un avocat qui vous fournit des éléments de la procédure afin que
vous nourrissiez vos articles. Vous lui faites sa pub, ou vous parlez de son
client pour le sortir d'un mauvais pas. En l'occurrence, Mathieu Valbuena est
la victime, c'est incontestable, mais il y a d'autres choses derrière qui ont
fait prendre des proportions considérables à cette affaire.
Question :
Cela
veut dire que le secret de l'instruction est une légende ?
Réponse :
C'est
une vaste blague, le secret de l'instruction. C'est honteux qu'il y ait encore
des gens poursuivis pour violation du secret de l'instruction ou recel de
violation du secret de l'instruction. C'est scandaleux dans la mesure où tout
le monde sait comment cela fuite.
À
chaque fois que vous voyez un procès-verbal dans la presse, cela ne peut que
venir des gens qui ont eu accès au dossier, c'est une évidence, j'enfonce une
porte ouverte. À partir du moment où cela ne peut venir que d'une personne qui
y a accès... Si les juges d'instruction voulaient vraiment préserver le secret
de l'instruction, il ferait en sorte que ce soit mieux contrôlé. Là, les
sanctions sont tellement dérisoires que tout le monde passe par-dessus
allègrement. Le secret de l'instruction n'existe plus, c'est une fumisterie. Le
secret de l'instruction est bafoué minimum deux à trois fois par mois à
l'échelon national. Je ne parle pas de l'échelon régional via la PQR où cela
passe plus inaperçu.
« Pour l'avocat de Mathieu Valbuena, c'est du pain béni
d'avoir Le Monde dans sa poche. Si ce n'est pas lui, c'est le joueur
lui-même ou son entourage proche. Ce n'est pas l'entourage de Karim Benzema qui
fait fuiter les PV, c'est sûr.
»Isabelle Horlans
Question :
Dans
l'affaire de la sextape, à vous entendre, le fil est particulièrement
gros. Cela semble évident, et le fait que Mathieu Valbuena ait accordé une
interview au Monde apparaîtrait presque comme un aveu...
Réponse :
C'est
une manière de remercier le journal. Si vous appelez Alain Jakubowicz, l'avocat
de Karim Benzema, il doit être fou de rage. Une histoire comme celle-là, une
histoire de sextape, une « tentative de chantage »
qui n'a pas abouti, cela n'a pas vocation à faire la Une du Monde et à
avoir plusieurs pages dedans. Cela n'existe pas, on n'a jamais vu Le Monde
accorder autant de place à une vulgaire histoire de sextape. En temps
normal, cette affaire peut faire les choux gras de la presse spécialisée et de
certains journaux comme Le Canard enchaîné qui peuvent rire de l'affaire.
Mais la porter de cette façon et mettre Karim Benzema au banc des accusés, le
condamner avant même qu'il n'ait été jugé... C'est finalement au cœur du sujet
de notre livre : ici, on a un procès médiatique qui a déjà été instruit,
Benzema a été complètement pilonné, surtout par Le Monde. La Une du Monde
à deux reprises, cela a un impact catastrophique pour ce garçon que je ne
connais pas. Je ne le défends pas, mais quand même... Comme l'a dit Valbuena,
« il n'y a pas eu mort d'homme » .
Question :
Le
choix du Monde est loin d'être anodin, c'est plutôt un média sportif qui
aurait dû être à fond dessus...
Réponse :
Évidemment,
il y a d'ailleurs peut-être eu tentative de manipulation d'un grand quotidien
comme L'Équipe. Dans l'affaire des enregistrements de l'affaire
Bettencourt, avant d'être contactés, Le Point et Médiapart
étaient des seconds couteaux. D'autres comme Le Monde avaient été sondés
avant. On l'a su après. Peut-être qu'un jour, on connaîtra le dessous de l'affaire,
mais ce qui est certain, c'est que Le Monde n'a pas été choisi au
hasard. Le choix de faire cela n'est pas innocent non plus, comme le choix d'en
faire la Une deux fois aussi. Surtout dans un contexte comme vous le savez très
douloureux. Il y a les attentats, un contexte en France qui donne lieu à
traiter d'autres sujets que la sextape. Pour l'avocat de Mathieu
Valbuena, c'est du pain béni d'avoir Le Monde dans sa poche. Si ce n'est
pas lui, c'est le joueur lui-même ou son entourage proche. Ce n'est pas
l'entourage de Karim Benzema qui fait fuiter les PV, c'est sûr.
« C'est une histoire de sextape à deux balles à la
Une du Monde deux fois. C'est insensé. À la base, cela ne m'intéresse
pas, mais à partir du moment où je le vois dans Le Monde, j'imagine que
c'est énorme et je lis.
»Isabelle Horlans
Question :
Son
procès public a été instruit, dites-vous à propos de Benzema. C'est le cœur de
la stratégie de celui qui organise les fuites ? User de l'opinion publique pour
influencer le procès ?
Réponse :
Même
si on perd le procès et que l'on a l'opinion publique derrière soi, c'est une
victoire. Regardez l'attitude de la FFF. Elle s'est emparée de l'affaire de
façon active en tant que partie civile à partir du moment où Le Monde a
sorti le dossier en Une et en a fait des tonnes. Dès lors, l'opinion publique a
été alertée et s'en est émue. Cela a entraîné des conséquences fâcheuses pour
Benzema. Il y a clairement quelqu'un qui veut se faire Benzema. Il a servi
d'intermédiaire certes, mais ce n'est pas l'escroquerie du siècle. Il y a des
gens bien plus retors, qui, en délinquance, ont fait des choses bien plus
horribles, et n'ont pas ce traitement-là. Je ne plaide pas pour lui, mais il
faut ramener les choses à leurs justes proportions.
C'est
une histoire de sextape à deux balles à la Une du Monde deux
fois. C'est insensé. Le Monde a entraîné l'opinion publique. À la base,
moi, cela ne m'intéresse pas, mais à partir du moment où je le vois dans Le
Monde, j'imagine que c'est énorme et je lis. Il y a ensuite effet boule de
neige et c'est la catastrophe pour le joueur. Professionnellement, il est
presque mort. Heureusement que tout le monde ne le lâche pas.
Question :
Et
les dégâts sont irréparables même s'il y a une relaxe...
Réponse :
Exactement.
La juge l'a mis en examen en novembre, le procès sera au mieux en audience dans
10 mois. Donc cela veut dire qu'il va se traîner ce boulet durant toute l'année
2016. Si, comme pour DSK, le tribunal le relaxe - je ne connais pas le dossier,
mais c'est possible, car ce n'est pas l'affaire du siècle - ou lui inflige une
peine légère, il aura déjà payé un lourd tribut pendant un an et demi.
Médiatiquement, il aura été torpillé, avec les conséquences professionnelles
que cela comporte. Un an et demi dans la carrière d'un footballeur de ce
niveau-là, c'est énorme. Au niveau des sponsors par exemple... C'est un
préjudice en cascade pour Benzema en raison de la publicité faite autour de
l'affaire. Il a fait une grossière erreur, un délit. Il est footballeur, ok. Mais
pour autant, doit-il être condamné et cloué au pilori avant le procès ?
Normalement non, mais on en est arrivé là parce que des avocats et journalistes
se font fort de régler leurs affaires par presse interposée avant que les juges
ne se soient prononcés sur les dossiers. C'est ça, le XXIe siècle.
Vous pouvez être condamné trois ou quatre ans dans l'opinion publique. Si vous
êtes Eric Woerth, Dominique Strauss-Kahn ou Karim Benzema, vous pouvez vous en
relever, car vous aurez toujours des journalistes pour vous donner la parole
après votre relaxe ou réhabilitation. Mais si vous êtes M. Dupond ou M. Durand,
vous ne vous en relèverez jamais. C'est ça qui est très grave.
Propos recueillis par Nicolas Jucha
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