Paris,
le jeudi 3 novembre 2016
Objet :
Une preuve incidente
Michel
SAPIN
Ministre
de l’Economie et des Finances
En
copie à :
Président
de la République
Premier
Ministre
Ministre
de la justice
Ministre
de la Santé
Monsieur
le Ministre,
La
réponse aux manœuvres de ceux qui cherchent à provoquer une débandade propice à
leurs coups de force juridiques, de droite comme de gauche, est de continuer de
proposer et d’innover.
Il
n’y a pas de mal à se rendre populaire.
1)-
Le questionnement
A
plusieurs reprises, j’ai attiré respectueusement votre attention sur les
impasses inévitables de l’indemnisation capitalistique fondée exclusivement sur
la distribution d’un Trésor, public ou privé ; autrement dit la spoliation
de la partie reconnue responsable du dol, ou de son dédommagement, par la
justice.
J’ai
notamment affirmé que l’indemnisation prédatrice auprès des entreprises
entrainait mécaniquement :
a-
Des manipulations procédurières de retardement des procédures
d’indemnisation ;
b-
Le refus des magistrats et de l’Etat de mettre à mal les finances des
entreprises et du Trésor public ;
c-
Des politiques de fuites, d’évitement, des entreprises et de l’Etat à l’égard
d’une telle nuisance.
La
confusion inextricable de la condamnation pénale et de l’indemnisation
Trésorière obère le travail de la justice, lèse les victimes, grève indument
les budgets d’entreprises et le Trésor public.
2)-
Une information
Or,
ce dimanche 30 octobre 2016, un documentaire sur l’affaire dite « les
boues rouges de Montedison », apporte un élément qui confirme cette
intuition logique.
Maitre
Christian Huglo, du Cabinet Huglo-Lepage-Associés-Conseil, intervient, en 2016,
dans ce documentaire.
Il
a été en 1972 partie civile dans le procès des Boues Rouges de la Montedison.
Dans
cette affaire, il a permis une indemnisation conséquente des parties civiles en
attaquant la firme au pénal. Sa condamnation a assuré la prédation financière de
l’entreprise au bénéfice des victimes.
En
2016, se félicitant d’avoir obtenu des Dommages et intérêts, il déclare : « Il
faut se rappeler que dans l’affaire Erika, l’Etat a refusé de demander des
dommages et intérêts à Total alors qu’il en avait le droit ».
L’Etat
n’a été dédommagé que de ses avances de frais.
L’Etat
a non seulement renoncé à une telle demande mais, le 24 mai 2012, par le truchement
des Conclusions déposées par le procureur général près la Cour de Cassation, il
s’est engagé dans une confrontation brutale avec les parties civiles pour
éviter toute condamnation de Total.
Selon
lui :
c-
l'Erika, qui battait pavillon maltais, a coulé hors des eaux territoriales.
Mme
Joly, magistrate et à ce moment là candidate à l’élection présidentielle, dira
« qu'il y a une complicité entre l'Etat et Total »
En
contradiction avec le Procureur général, la Cour de Cassation avalise l’Arrêt
de la Cour d’Appel qui établit la responsabilité de Total.
En
échange, elle condamne Total à indemniser au minimum. Ce que Mme Joly appelle
« des cacahuètes ».
Les
juristes spécialisés dans la défense de l’environnement ne veulent retenir que
l’émergence d’un « préjudice écologique ».
3)-
L’exception américaine
Cette
affaire de l’Erika est exemplaire de l’imbrication des responsabilités pénales
et des indemnisations.
Ce
dilemme entre la justice pénale et la continuité des entreprises concerne le
monde entier.
La
puissance mondiale tutélaire des Etats-Unis leur permet de
1-
pratiquer une politique de spoliation à l’égard de leurs entreprises.
En
effet, ils sont certains que la remplaçante en cas de faillite provoquée par
l’indemnisation sera une recomposition des capitaux américains contenus dans la
première.
Ainsi,
pour la pollution du Golf du Mexique, BP a pu sortir environ 40 milliards de
dollars pour indemnisations diverses ; soit, 5 fois les revenus annuels de
BP.
2-
Se dégager de toute responsabilité à l’égard des populations et Etats faibles.
Ainsi,
dans l’accident chimique de Bhopal, l’Union Carbide a été condamnée à verser
500 millions de dollars de dommages et intérêts.
Ce
chiffre à mettre en parallèle aux 7,8 milliards versés aux seuls particuliers américains
par BP pour une marée noire qui n’a fait aucune victime plaignante américaine.
3-
D’utiliser la confusion du pénal et de l’indemnisation comme instrument de
domination :
a-
La justice américaine manipule à la perfection les équivoques de la jonction de
la faute pénale et de la prédation indemnitaire.
b-
Elle s’en sert outrageusement comme un instrument de piraterie du capitalisme
américain envers le capitalisme européen.
c-
Les plus grandes compagnies industrielles et bancaires européennes en ont fait
les frais.
La
justice française et au-delà européenne étant sur le même principe d’une
indemnisation Trésorière ou prédatrice, les européens n’ont rien à dire
lorsqu’une puissance plus importante les spolie outrageusement.
L’exclusivité
de l’indemnisation trésorière asservie la France et l’Europe à la maitrise sans
partage de l’indemnisation spoliatrice par les Etats-Unis.
4)-
Une preuve
La
réflexion sur l’affaire de l’Erika montre au contraire qu’une autre approche de
l’indemnisation capitalistique est possible.
Il
faut pour comprendre les possibilités nouvelles offertes par la démarche de
l’Etat, financière et judicaire, refuser la logique de confrontation incluse
dans la formule de Mme Joly lorsqu’elle évoque « la complicité entre
l’Etat et Total ».
L’indemnisation
ne peut plus être vue sous l’angle du règlement de compte, de la spoliation, de
la subordination de la justice aux volontés vengeresses des victimes.
L’Etat
renonce aux dommages et intérêts, voire aux poursuites, pour ne pas pénaliser
une multinationale française stratégique.
Si
Total est en danger ou s’expatrie, la France n’a pas de capitaux pétroliers de
remplacement.
C’est
une preuve publique que l’Etat ne peut utiliser l’indemnisation Trésorière
comme une règle intangible.
Pour
la contourner, il n’indemnise pas. La justice ne fait pas autre chose ainsi que
les entreprises.
La
« complicité entre l’Etat et Total » qu’évoque Mme Joly ne fait donc
pas partie du problème mais de la solution.
A
partir du moment où cette « complicité » est conçue comme une
catégorie positive, il devient possible de comprendre les mécanismes par
lesquels cette « complicité » n’est plus un obstacle à
l’indemnisation.
Les
français sont disponibles pour une réflexion expérimentale à ce sujet
débouchant sur des dispositions pratiques autres que des bavardages et des
promesses.
Ils
seront reconnaissants au gouvernement de prendre des mesures telles que ses
successeurs ne pourront éviter de les continuer. C’est en effet une entreprise
de long terme qui se mettra en place.
L’engrenage
peut se mettre en place en trois ou quatre mois.
En
vous remerciant pour votre attention et dans l’attente de vous lire,
Je
vous prie d’agréer, M. le Ministre, l’assurance de mes salutations distinguées,
Marc SALOMONE
PS :
Au fil de l’actualité
Le
Canard Enchainé, le mercredi 2 novembre 2016, p. 3, dans l’article « Canal
plus contre BeIN Sports »
« Les
dirigeants de la Ligue de football professionnel.. » étudient « le
dépôt d’une plainte…Hollande bénéficiant de l’immunité présidentielle, seules
deux pistes s’offrent à la Ligue.
La
première : des poursuites en responsabilité pour « faute »
contre l’Etat, devant la justice administrative, avec une copieuse demande
d’indemnités.
Le
second angle d’attaque est plus banal : une saisine de l’Autorité de la
concurrence pour délit d’entente ».
Les
français vont-ils accepter indéfiniment que leur gouvernement livre le Trésor
public à un pillage organisé sous l’autorité de la justice au motif de créances
socialement injustifiables ?
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