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Paris,
le lundi 16 juillet 2018
REFLEXION
SUR LA CONFUSION ORGANISEE PAR LA PROCEDURE ENTRE LA FAUTE PENALE
POSSIBLE ET LES CONSEQUENCES EXCESSIVES DE L'INTERVERTION D'AGENTS DE
L'ETAT ET SUR LE ROLE DE L'INDEMNISATION STRATÉGIQUE
1)-
Les faits
Le mardi 3
juillet 2018, à Nantes, un criminel venu d’île de France
recherché par la justice est l'objet d'un contrôle pour une
infraction au port de la ceinture de sécurité.
Il atteste
de sa criminalité en exercice en produisant un faux nom et en
conduisant un véhicule lui-même recherché,
Lors de ce
contrôle, il est tué par le coup de feu d'un policier.
Il s'ouvre
alors une action judiciaire.
Elle vise le
heurt entre un administré reconnu comme criminel lors du contrôle
et un agent de l’État dans l'exercice de ses fonctions.
2)- La
confusion
Quel que
soit la destinée de cette action judiciaire, il apparaît à tout un
chacun qu'elle repose sur une confusion et que celle-ci ne peut que
la troubler.
Cette
confusion provient de la continuité judiciaire organisé par la
procédure de l'action légale et de ses conséquences excessives.
Par exemple,
la mort d'un homme excède les capacités d'action d'un contrôle
d'identité auquel il est soumis.
C'est ce que
reconnaît le policier concerné lorsqu'il dit qu'il s'agit d'un
accident.
Les
désordres qui accompagnent ce décès ne proviennent pas de cette
confusion mais celle-ci permet aux factieux guidés par des
associations liées à des puissances étrangères de s'intégrer
dans la procédure et d'y imprimer leur marque.
3)- La CEDH
L'incongruité
juridique de cette confusion a été signalée le 31 mai 2018 par la
CEDH.
Elle a
condamné la France à verser 6,5 millions d'euros à un homme devenu
lourdement handicapé après son interpellation par des agents de la
SNCF et des policiers, en 2004, en gare RER à Mitry-Mory (77).
De ce fait,
elle décide qu'il est excessif qu'un passager soit rendu
tétraplégique par un contrôle des billets. Même s'il était en
tord.
Par cette
décision, la CEDH établit en droit une distinction entre la
justesse d'une action des autorités et les conséquences imprévues
de celle-ci.
Que cette
action première soit légale ou non, les conséquences hors de
proportion avec l'action régulière en cause sont qualifiées comme
une faute singulière.
4)-
La justice française
La
procédure engage les magistrats français à ne voir dans ces faits
qu'en seul débat fondé sur le questionnement des raisons initiales
de cet affrontement entre deux parties.
La justice
caractérise alors un dommage subit par un administré lors d'une
action administrative comme un élément subordonné à l'examen de
la légalité de l'intervention.
Le dommage
est reconnu fautif si l'action l'était.
Ce qui
implique de reconnaître impérativement fautive une action pour
pouvoir prendre en considération le dommage. Cela indépendamment de
la qualité de l'action.
5)-
La singularité du dommage
Dans
cette logique, le dommage personnel n'étant pas distinct de la faute
pénale et de la procédure qui la détermine, il ne peut pas faire
l'objet d'un traitement différencié.
Les
victimes sont ainsi contraintes de suivre la totalité d'un parcours
pénal qui pour l'essentiel ne les concerne pas dans l'espoir d'en
tirer un résidu de satisfaction appelé justice et un jus de
chaussette financier baptisé indemnités.
Les
lendemains de procès sont souvent durs à vivre.
6)-
La justice européenne
Se
distinguant de cette unicité des faits, la CEDH a vu une faute
constituée dans le fait qu'une interpellation par des agents de la
SNCF secondés par des policiers aboutisse au handicap moteur du
contrevenant.
Cette
épilogue est déclaré légalement impossible.
La
justice européenne reconnaît alors le dommage comme un fait
judiciaire de plein droit créateur de procédure et indépendant de
la qualification de l'action administrative qui le provoque.
La CEDH
reconnaît donc en droit une distinction entre le questionnement
pénal d'une action administrative et la qualification d'une faute
pour les conséquences excessives de cette action
Désormais,
une autorité judiciaire reconnue déclare qu'il est juridiquement
infondé de confondre dans une même procédure des réalités qui ne
peuvent s’y inscrire.
En
condamnant l’État français à payer à un particulier une somme
indemnitaire réservée en France aux affaires commerciales, en
mettant la barre à une hauteur américaine, la CEDH interpelle les
Pouvoirs publics français et les confronte à l'obsolescence de
certaines de leurs pratiques tant judiciaires qu’administratives.
7)-
L'indemnisation
Le
point nodal de cette obsolescence est le rapport de la procédure
judiciaire à l’indemnisation et sa capacité d'en faire une
procédure égale et distincte.
a-
La faute pénale concerne d'abord la société. Elle est sujette à
enquête, procédure, procès, verdict, condamnation.
b-
La conséquence abusive concerne d'abord la vie quotidienne des
personnes. Elle est affaire de reconnaissance de leur existence et
d'indemnisation.
Le
mardi 22 août 2017, je publiais sur mon blog Madic50.blogspot.com,
un texte intitulé « Réflexion sur l’Indemnisation
stratégique ».
J'ouvrais
la réflexion sur des cas concrets ainsi :
« L’indemnisation
est la compensation d’un dommage. C’est ainsi qu’elle est
traitée communément et cette perception de sa fonction lui assigne
sa place dans les procédures judiciaires.
Elle
vient après la reconnaissance des fautes pénales dont elle découle.
Il
est cependant des circonstances où l’indemnisation doit être
perçue non comme la conséquence réparatrice subordonnée d’un
jugement mais comme un vecteur primordial de l’action publique et
judiciaire.
C’est
ce que j’appelle l’indemnisation stratégique.
Sa
première caractéristique est d’être conduite par la justice et
les textes de lois.
La
seconde est d’être créatrice d’un capital.
La
troisième est de ne pas être nécessairement spoliatrice du Trésor
public ou des Trésoreries d’entreprises. »
En
France, l'indemnisation est manifestement tributaire du souci, au
demeurant fort louable, qu'ont la Justice et les Finances des deniers
publics.
8)-
Le constat
Faute
de cette distinction et d'une maîtrise rationnelle de
l'indemnisation la justice aussi bien que les justiciables
s'enferment dans une procédure qui a pour seul effet de diviser les
français quand l'action judiciaire doit les réunir.
Pour
opérer cette distinction, il suffit de considérer une forme de
proportionnalité entre l'action et ses conséquences humaines.
Pour
juger des conséquences excessives, il n'y a donc pas besoin d'autre
chose que du constat de la disproportion.
Ce
constat est certes affaire d'enquête et de débat judiciaire mais il
est distinct de l'établissement de la faute pénale.
Il
peut se faire rapidement et indépendamment de la complexité des
questions pénales.
Par
exemple, une fois établit qu'il ne s'agissait que de maîtriser un
perturbateur isolé ou de contrôler un criminel désarmé assis dans
sa voiture ; il devient patent que la faute d'excès de
conséquence est constituée par l'endommagement d'un anus pour l'un
et la mort pour l'autre.
De
même, dans un autre registre, si une usine explose, les questions
pénales sont complexes. Ce qui est simple c'est le tord causé par
cette usine aux villageois alentours. C'est à l'entrepreneur de
prouver que les villageois ont volontairement fissuré leurs murs ce
jour-là et que son entreprise n'y est pour rien. Le constat
judiciaire des « conséquences excessives » ne dure pas
dix-sept ans.
Au
cours d'une cession judiciaire distincte de celle de la procédure
pénale, la victime ou ses ayant-droits postulent à la
reconnaissance du tord qui leur a été fait et à une indemnisation.
Souvent,
la confusion procédurale de l'action publique et du dommage
personnel est pour les justiciables le désastre de leur vie.
9)-
La recomposition des rôles
La
dissociation de l'action pénale visant l'illégalité d'une action
administrative et de l'action indemnitaire visant les conséquences
excessives de celle-ci change le dispositif d'ordre public, c'est à
dire les rapports de force induits par la procédure.
La
victimes ou ses ayant-droits ayant été indemnisés, elles peuvent
sortir de la procédure pénale et dès lors plus personne ne peut se
réclamer juridiquement d'elles.
A
partir de là, la place de chacun de ceux qui veulent être acteurs
de la procédure pénale change.
1-
Les victimes
Les
victimes ou ayant-droits qui veulent s'inscrire dans cette démarche
ne peuvent plus fonder leur intervention sur un privilège de
représentation de leur souffrance personnelle ou de celle de leur
parent victime. Il n'est plus possible de pleurer à la barre.
Elles
deviennent une partie d'un débat judiciaire et non des
considérations sur l'humanisme.
Il
faut alors notamment soutenir que le fils, le frère, le parent,
avait le droit de prendre le risque de tuer par accident avec une
arme mais que le policier confronté à une crapule ne dispose pas du
même droit à l'accident.
2-
Les Avant-gardes
Les
groupes politiques divers, les Avant-gardes, comme les populations
qui se reconnaissent en eux, ne bénéficient plus de cinq à dix ans
de procédure pour organiser leur action au sein de celle-ci en
utilisant la victime comme un drapeau.
Leur
combat ne peut plus se fonder sur la proclamation de la solidarité
affective avec la victime au motif que la justice voulait l'oublier.
En effet, c'est précisément au titre de victimes que celles-ci
auront été reconnue par la Nation.
Tous
sont alors amenés à s'exprimer en leur nom propre et à exposer
positivement la logique de leur combat.
3-
Les élus
La
confusion du débat pénal avec les conséquences excessives permet
une mobilisation des élus à partir des ambiguïtés publiques du
corps de la victime.
Quasiment
aucun citoyen ne peut se targuer de mobiliser autant d'élus locaux
mais aussi de députés et de sénateurs que les repris de justice,
criminels sadiques et pervers qui ont agressés des policiers pour
les obliger à reconnaître l'indépendance juridique de tel
territoire où ils officient et les amener à reconnaître qu'ils y
sont entrés par effraction.
Avec
la fin de la confusion, les élus qui défilent sous les portraits
des voyous morts au nom de la mémoire de martyrs que la justice
voudrait oublier ne pourraient plus s'abriter derrière l'argument du
« jeune », du « gamin », blessé ou mort.
Il
leur faudrait expliquer qu'ils sont là pour soutenir qu'un voyou
dans l'exercice de ses fonctions peut légitimement imposer sa loi à
la police ou la gendarmerie.
Ils
passeraient de la démagogie des tripes à la politique de la tête ;
celles de leurs électeurs par exemple.
4-
Les magistrats
La
justice est alors déchargée du poids d'un débat politique de masse
qui repasse dans le secteur du débat public qui est son lieu
d'expression démocratique.
Le
débat judiciaire devient l'examen de la justification d'une
arrestation, de l'usage de la force à cette occasion, du respect des
obligations professionnelles.
Il
ne serait plus possible de masquer l'organisation d'une séparation
administrative, communautariste, des français par l'hystérisation
des conséquences circonstancielles du maintien de l'ordre.
Les
intérêts des personnes concernées étant respectés ; il
devient possible d'examiner sereinement les intérêts de la cité et
des citoyens.
10)-
L'aggiornamento
Dans
l'immédiat, cela nécessite un changement culturel de la part des
dirigeants français en matière d'indemnisation pénale.
La
CEDH a rappelé utilement la nécessité de cet aggiornamento
indemnitaire en fixant l'indemnisation à un niveau inimaginable pour
les cadres français.
Il
faut aussi changer le modèle économique de l'indemnisation.
Celle-ci ne peut ni grever le Trésor public ni, en d'autres causes,
les Trésoreries d'entreprises.
Autrement
dit, l'indemnisation stratégique ne peut répondre au cri déchirant
de nombre de victimes : Ils vont payer, je vais les ruiner !
Si
la société civile française était en mesure de porter ces
réformes nous le saurions.
Aujourd'hui,
seul le Chef de l’État pourrait provoquer cette réflexion et
engager l'expérimentation préparatrice du travail parlementaire ad
hoc.
11)-
Conclusion
Le
succès de cette confusion est de transmettre à la justice la
totalité de l'examen des conflits civils de la société française.
a-
Les policiers ont eu leur heure de gloire pour affirmer la continuité
administrative du territoire.
b-
Aujourd'hui, ils sont mis en examen et condamnés pour la même
politique administrative.
c-
Les magistrats prennent le relais.
d-
Mais ils le font désormais pour négocier la séparation
administrative des territoires.
Il
ne sert donc peut être déjà plus à rien de demander à un système
politique d'assumer des responsabilités unitaires qui n'ont peut
être déjà plus de sens pour lui .
Dans
le cas où les cartes seraient déjà distribuées, cette réflexion
ne servira à rien.
Mais
il est toujours possible d'établir que ce qui existe est producteur
ou catalyseur de troubles et donner les réponses à la question
posée.
Marc
SALOMONE
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