vendredi, avril 05, 2019

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Paris, le vendredi 5 avril 2019


CONTRIBUTION (15) AU DEBAT NATIONAL VOULU PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE EN 2019. L'INDEMNISATION (29) ET LES CONSEQUENCES EXCESSIVES DES INTERVENTIONS POLICIERES, comme le 23 mars 2019 à Nice. (Suite de la réflexion n°28 du 5 mars 2019, cf. : madic50)

Lors de précédentes réflexions sur l'usage politique et judiciaire de l'indemnisation (cf. : le 1er février 2019), je développe la conception d'une nouvelle procédure judiciaire et j'en propose l'expérimentation.

L'affaire Geneviève Legay est une expérience cruciale quant à l'obsolescence de la procédure en vigueur.

1)- Les faits
Le samedi 23 mars 2019, lors d'un rassemblement interdit, cette femme de 73 ans s'écroule dans la bousculade d'une dispersion de l'attroupement par la police.

Elle est grièvement blessée. Si sa vie n'est plus en danger, sa santé est gravement compromise. Le tord qui lui est fait sera permanent.

1- Le déni
Dans un premier temps le procureur de la république, dont l'avis est celui du Chef de l’État, nie l'existence d'une rencontre de la manifestante et d'un policier.
a- Le samedi 23 mars, le jour même, le Président de la République assure que «cette dame n'a pas été en contact avec les forces de l'ordre».
b- Le lundi 25 mars, le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre, affirme dans ses fonctions de magistrat : « elle n'a eu ''aucun contact avec un agent de sécurité'' ».

2- La révélation
Quatre jours plus tard, le vendredi 29 mars, le procureur de la république affirme exactement le contraire « après visionnages de nouvelles images, notamment de la vidéosurveillance, et leur analyse pixel par pixel ».

Il désigne le coupable présumé. C'est un policier ayant agi de sa seule initiative.


2)- La production du coupable présumé
Puisqu'il n'est plus possible de dissocier la police du dol, le procureur s’enquiert de désigner un coupable présumé.

Il le détermine de deux façons :
1- Par les faits :
« Un fonctionnaire de police isolé et dépourvu de bouclier avait écarté du bras vers sa droite [Geneviève] Legay, provoquant ainsi la chute de cette dernière. Ce policier qui avait déjà été entendu en début de semaine dans le cadre de l’enquête a rectifié ce [vendredi] matin son témoignage en admettant que la personne qu’il avait écartée de son chemin n’était pas un homme comme il l’avait déclaré initialement ».

2- Par le droit
« L’action de dispersion de la manifestation exécutée en fonction des ordres de la hiérarchie, en utilisant la force, est une action parfaitement légitime, Par contre, ce qui peut poser problème, c’est l’action individuelle de ce policier. Son geste doit être interprété. Est-ce qu’il s’inscrit bien dans un cadre normal ? »

3)- La fracturation administrative
Dans les deux cas, ce dispositif organise une fracturation de l'unité administrative de la Police et in fine de l’État.
a- Cette qualification associe la hiérarchie à « l'action légitime ». Elle est donc mise d'office hors d'atteinte de la justice.
b- En même temps, elle reporte sur un policier d'exécution l'entièreté de la faute présumée.

Or, ce policier a obéi aux ordres de la hiérarchie. S'il a bousculé cette dame, c'est aussi parce que l'ordre de dispersion commandait une action violente, massive, sans distinction à l'égard des individus manifestants. Mme Legay a été écartée avec la brutalité ordinaire qu'induisent ces opérations de charge.

Ce qui induit que le cheminement judiciaire de ce policier va créer des troubles dans l'exercice du métier de maintien de l'ordre.

La répétition de ces fracturations mettra en cause les liens de confiance entre les policiers d'exécution et leur hiérarchie.

Les policiers du rang se demanderont si l'application des méthodes programmées, statutaires, correspondant à tel ordre, sera déclarée légale ou si elle sera susceptible d'être « interprétée » ; autrement dit criminalisée et judiciarisée.



4)- Des conséquences multiples

1- Le changement de statut
La procédure en cours amène donc l’État à considérer les policiers comme extérieurs aux prérogatives régaliennes de l’État ; notamment celle du monopole de la violence.

Les policiers se retrouvent dépouillés de toute autorité particulière. Ils sont réduits au rang de justiciables ordinaires.
Ils ne peuvent plus exercer cette violence que sur ordre et non pas de leur propre chef. Leurs propres initiatives répressives sont renvoyées à l'aune de leurs défauts et de leurs incapacités personnels.
A ce titre, le statut réel des policiers glisse vers celui des salariés des agences privées. Cela prépare donc la montée en puissance de celles-ci.

2- De la faute exceptionnelle au statut permanent
Pour le procureur de la République, cette fracturation de l'unité administrative est sans doute une simple distinction pratique permettant de limiter les conséquences de l'enquête dont il ordonne l'ouverture.

Dans la conjoncture, la séparation de principe de la hiérarchie et de l'exécutant implique que la nudité régalienne de ce dernier ne se produit pas au moment de la faute présumée. Elle lui est préexistante. Elle est continue. C'est « l'action » qui est régalienne, pas l'exécutant.

Les policiers ne sont pas devant des rapports nouveaux avec les justiciables. Ils sont devant un changement de statut vis-à-vis de certains réseaux de justiciables auprès desquels ils doivent négocier la légalité de leur action.

5)- La pluralité des sources du droit
Ce ne sont pas des fautes professionnelles qui sont jugées. Ce sont des violations de territoires de légalité.

Cette évolution statutaire officialise la reconnaissance de nouveaux acteurs de l'ordre public.

La disqualification judiciaire et fonctionnelle des policiers d'exécution va de pair avec la légalisation de fait de nouveaux décideurs de l'ordre public.
a- D'une part, la hiérarchie donne des ordres à ses exécutants.
b- D'autre part, ceux-ci apprennent, par les procès qui les mettent en accusation, que l'exécution de ces ordres doit être négociée avec les personnes ou groupes visés.

Dans la pratique, les qualifications judiciaires établissent, codifient, la présence de nouveaux réseaux de souverainetés.
Les policiers sont sommés d'être les exécutants de plusieurs sources souveraines de droit.

6)- Les circuits subversifs
L'obsolescence de la procédure livre les policiers du rang à l'offensive factieuse des groupes subversifs. Ceux dont le gouvernement a établi l'existence en disant, le 8 décembre 2018, qu'ils voulaient renverser la République.

L'affaire Legay est servie au public comme une couverture politique. Elle n'a personne derrière elle.

Les circuits subversifs installés qui se présentent pour l'instant comme de simples défenseurs des martyrs ont compris que la procédure en cours leur permet de contrôler, limiter, l'action de la police en conduisant au sacrifice, volontaire ou inspiré, des exemplaires de ce que Bonaparte appelait « la viande de boucherie ».

Les agents de l’État deviennent des lieux de négociations entre l’État et les groupes qui aspirent non pas seulement à en faire partie mais à la reconnaissance de la légalité qui leur est propre.

La procédure est devenue l'une des portes d'entrées des manipulations de l’État par les forces pour l'instant encore extérieures aux institutions.
1- La victime et son dol sont alors un drapeau et non plus seulement une personne et un dommage.
2- Les organisations civiles qui la soutiennent défendent la victime au moins autant par sympathie que pour mobiliser contre l’État.

L'affaire médiatique et judiciaire Legay est le fonctionnement de la logique de disqualification de la place des policiers de détenteur du monopole de la violence légale. Ce qui entraîne par conséquent la mise en cause de leur priorité quant à l'appréciation des modalités de son usage.

7)- Les handicapés mentaux
C’est dans cette optique que les handicapés mentaux sont devenus des lieux de négociations entre les pouvoirs publics et les droits communs subversifs ou politisés.

Tantôt, les subversifs lancent d'authentiques malades mentaux à l'assaut, comme à la Tour-Eiffel.
Tantôt, les jihadistes de 20 ans, voulant massacrer des enfants des écoles, font savoir d'emblée qu'ils sont perturbés psychologiquement.

Dans les deux cas, il est visible qu'au minimum les autorités acceptent d'exclure les ramifications de leurs recherches.
L'usage des malades mentaux comme lieux de négociations dans l'installation de la crapulerie subversive ne s'arrête pas là. La loi à même été aménagée pour que les malades mentaux puissent aller en prison en lieu et place de leurs commanditaires directs ou indirects. 30% des détenus sont des handicapés mentaux. Ce qui est constitutif d'un crime.

8)- Le désordre légal
Sauf à vouloir installer une pluralité de souverainetés étatiques, comme au Liban, il ne parait pas possible que ces glissements juridiques durent sans aller au devant de problème politiques majeurs dans le fonctionnement de l’État.

Les magistrats ne peuvent pas continuer d'ignorer que derrière la revendication de voir les agents de l’État jugés comme des justiciables ordinaires, il y a la volonté de supprimer l'indivisibilité de l’État au profit du partage de la définition et de l'exercice des Pouvoirs publics ; ne serait-ce que territorialement.

Cette transportation mécanique du désordre dans les appareils d'ordre au nom des principes de la légalité indique que quelque chose ne fonctionne pas dans la procédure.

L’assujettissement des agents de l’État aux contraintes d'une procédure inadéquate, obsolète, met en valeur l'archaïsme de la rigidité de celle-ci.

Les magistrats doivent donc disposer de modalités de procédures qui séparent, d'une part, les victimes, d'autre part, les lobbys subversifs et laissent les juges rendre une justice sereine et égale pour tous.

Cette procédure doit permettre de sortir les faits criminels attribués aux policiers de divers types de mobilisations publiques permanentes contre l'institution policière.

9)- La mobilité du droit
Aujourd'hui, dans ces affaires, la procédure est elle-même un facteur de désordre.

Cette procédure reporte les décisions judiciaires à plus tard. C'est le temps qu'il faut aux subversifs pour mobiliser et imposer leur vérité médiatique et leur évidence morale.

L'Etat a besoin de pratiques judiciaires qui assurent l'ordre public au lieu d'être des vecteurs de troubles en son propre sein.

Les justiciables aussi ont droit à une certaine mobilité du droit.


La procédure doit en venir à distinguer entre les suites des actes selon qu'elles soient consécutives ou excessives.

S'il s'agit d'un dol consécutif à l'acte, prévisible en raison de l'acte, la procédure en vigueur s'applique.

S'il s'agit des conséquences excessives d'un acte légitime, de l'exercice régulier du métier, d'une initiative légale, les magistrats doivent disposer d'une procédure complétée.

Une fois reconnue la circonstance de conséquence excessive, le procureur de la République doit pouvoir séparer l'indemnisation de l'action pénale.

L'indemnisation doit être première, capitalistique et ne pas grever le Trésor public.

Dès lors, l'action pénale examine l'action fautive présumée de l'agent de l’État non plus en fonction du tord exceptionnel qui a été porté à l'administré mais en raison des critères professionnels de la commission des actes.

Un acte nécessaire conduisant au décès d'un administré n'est pas nécessairement fautif, une personne arrêtée n'a pas nécessairement à subir d'autres conséquences que celles de son arrestation, etc.
a- Dans ces cas, la victime ou ses ayant-droits n'ont pas à attendre le jugement pénal des actes commis pour que la justice apprécie l'excessivité des conséquences de ceux-ci.
b- Sauf à vouloir énerver les parties du procès, ce que provoque l'actuelle procédure, la partie civile n'a pas à attendre plusieurs années avant l'attribution de l'indemnisation à laquelle ces conséquences excessives lui donnent droit.
c- La Défense n'a pas à subir l'association du hasard des circonstances et des nécessités de la loi.

L'enquête pénale et l’enchaînement des procès peuvent donc durer le temps professionnellement nécessaire sans léser la victime.

Ce qui gêne dans cette évolution de la procédure est qu'elle rompt le lien entre le procès et les sentiments. La victime n'est plus un drapeau à planter lors du procès dans le cœur de l'administration voir de l’État.

L'étude de cette réforme et son expérimentation, en vue d'une action législative, auraient toute leur place dans les conclusions du « grand débat ».

Marc SALOMONE

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