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Paris,
le lundi 15 juillet 2019
CONTRIBUTION
(29) AU DEBAT NATIONAL VOULU PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE EN
2019.
(Suite
de la réflexion n°28 du 30 juin 2019 ;cf. :
madic50.blogspot.com)
L'INDEMNISATION
(34) ET L'OBSOLESCENCE DE LA PRIORITE DE LA PROCEDURE PENALE (2).
L'ERMERGENCES DE DEUX JURISPRUDENCES DISTINCTES ET LA MARGINALISATION
JURIDIQUES DES FORCES DE L'ORDRE
(Suite
de la réflexion n°33 du 3 juin 2019 et précédentes. cf. :
madic50.blogspot.com)
LE JEU DES OMBBRES
1)- les faits
Le Canard Enchaîné du
mercredi 3 juillet 2019, dans son article « La casserole
marseillaise des bœuf-carottes » fait état d'une dispute
judiciaire concernant le décès d'une personne.
Le 1er décembre 2018,
les Gilets-jaunes manifestent dans la rue où habite Mme Zineb
Redouane. Celle-ci aurait fermé ses volets pour ne pas subir les gaz
lacrymogènes lancés par les policiers pour disperser les
manifestants. L'une de ces grenades la rencontre sur son parcours.
Elle la prend en pleine face et décède le lendemain à l'hôpital.
Il s'en suit une enquête
de l'IGPN. En vue d'identifier précisément l'auteur du tir,
celle-ci demande à la CRS concernée de lui fournir, pour examens
balistiques, les cinq lanceurs de grenades lacrymogènes de type
Cougar.
Le Capitaine de la CRS
répond : « Pour ne pas obérer la capacité
opérationnelle de l'unité lors de cette période de mouvement
revendicatif intense, je ne peux me démunir des cinq armes Cougar
aux fins d'analyses ».
Du coup l'IGPN ne peut
plus rien faire sur ce dossier.
L'avocat de la famille
dépose plainte pour « soustraction et altération de
preuves ».
2)- L'obsolescence
Ce cas est intéressant
voire exemplaire. Il met en scène l'obsolescence de la procédure en
cours fondée sur la primauté du Pénal. Il en expose les
conséquences pratiques. Il donne à voir les forces en présences.
L'obsolescence de la
procédure n'est pas le fait quelle donne tord à ceux auxquels elle
paraissait toujours donner raison et vice-versa.
Elle provient du fait que
son fonctionnement régulier, ordinaire, légal, retire ses capacités
d'initiative politique à l’État ; à la collectivité
publique et à ses représentants.
L’État, les Pouvoirs
publics, deviennent prisonniers d'un juridisme hypertrophié qui se
met au service de ses contradicteurs civils.
Ce piège, ce cul-de-sac,
interdit à l’État de mener une activité politique dans le
domaine de l'ordre public. Elle le conduit à en laisser l'initiative
à ses contempteurs.
L'ordre à venir de ce
désordre ne peut être que le chaos et, dans la suite de Vichy, la
dictature du corporatisme.
3)- La désorganisation
La priorité pénale de
la procédure doit assurer la domination de l’État sur l'agitation
civile.
Or, au fil des affaires
concernant des agents de l’État, on découvre qu'au contraire elle
peut désorganiser cette suprématie et installer une forme de
domination, voire de dictature, des forces civiles dont elle a pour
fonction première de contrôler l'action.
Il y a une logique de
dictature lorsque la cause d'une partie devient un argument
dévastateur de tous les arguments qui la contrarient.
Depuis le discours
d'Antoine à la mort de César, chacun sait que la douleur
sentimentale peut cacher une ambition factieuse et guerrière.
4)- L'inversion
La procédure en cours
organise cette inversion des effets sans cesser de fonctionner
ordinairement.
Elle devient le lieu de
rassemblement des forces civiles contre les agents de l'Etat au motif
de l'égalité des justiciables.
Au travers de ses agents,
c'est l’État qui est neutralisé dans ses capacités politiques de
maîtriser le jeu de ces forces civiles.
Les habituelles méthodes
de dénégation, de dissociation hiérarchique des responsabilités,
de lenteur des procédures, etc., justifiées ou crapuleuses, ne
fonctionnent plus dans certaines configurations de plus en plus
repérables.
a- Il ne peut plus être
dit qu'il n'y a pas de certitudes, de témoins, d'expertises.
b- La solitude des
plaignants n'est plus que provisoire. Les connexions juridiques extra
et supra nationales rendent leur isolement juridique de plus en plus
aléatoire.
a- Il est caractéristique
que, dans l'affaire de cette vieille dame de Marseille, l’État en
soit réduit à une politique de bastion. La CRS, tous grades
confondus, fait bloc.
b- A rebours de cette
attitude, depuis un certain temps, dans des cas similaires, la
hiérarchie livre l'exécutant en pâture aux plaignants et aux
tribunaux.
5)- Les déplacements
Ce faisant, le droit
paraît se transporter ailleurs.
Il semble se tenir aux
côtés des forces civiles qui, par exemple, produisent des
diagnostics légaux de la faculté d'Alger.
L'exercice régulier de
la procédure se retourne donc contre l’État et envoie ses agents
au tribunal et en voie de condamnation.
L'opinion immédiate est
de dire qu'un grand pas a été franchi vers l'égalité de tous les
justiciables.
Ce n'est pas aussi simple
qu'il y paraît.
Les agents de l’État
impliqués dans ces procédures ne le sont pas au titre d'une
infraction de droit commun, tel que la participation à un trafic.
Ils le sont parcequ'ils
ont personnifié l’État, les Pouvoirs publics, dans un heurt entre
des forces civiles et l’État.
Celui-ci ne se trouve pas
à l'initiative de la condamnation d'un agent délinquant. Il subit
passivement la mise en cause de ses institutions au travers de tel ou
tel de ses agents.
Ce sont les forces
civiles attaquantes qui organisent la discussion politique
judiciaire.
Dès que les manœuvres
dilatoires ordinaires vues plus haut échouent ; l’État ne
peut plus qu'assister à l'installation dans le prétoire de forces
civiles dont le but proclamé est de participer à l'élaboration de
la jurisprudence et de contraindre l’État de négocier ses
prérogatives régaliennes.
En faisant le seul compte
des parties citées par le journal, on découvre que la CRS est seule
de son bord et qu'en face il y a l'IGPN et la justice, soit une
partie de l’État. Il apparaît aussi que le questionnement de tous
les médias reprend le parti pris des plaignants.
Par ailleurs, le Martyr
est devenu une politique en soi. Cette idéologie vise à former les
Pouvoirs publics et à participer à leur exercice. C'est une
définition de la politique.
Gageons que le Martyr de
cette dame, dont la construction est validée par la procédure, se
négociera au plus cher sur les listes municipales et l'exercice du
pouvoir local.
Les mêmes mécanismes
procéduraux ne produisent plus les effets précédemment attendus,
mais une nouvelle configuration des circuits d'examens des pouvoirs
de l’État.
6)- La marginalisation
des forces de l'ordre
Le recul du temps laisse
entrevoir que la solitude de ces policiers a été construite.
Voici plusieurs décennies
que les portes voix des autorités publiques mettent en scène, d'une
part le recul généralisé de l'indivisibilité de la République,
d'autre part, l'exclusivité de l'action de la police ou de la
gendarmerie comme instrument de l'unité territoriale et
administrative de l’État.
Ces policiers et ces
gendarmes savent qu'en dehors d'eux il n'y a plus aucune personne
physique et morale pour empêcher que les troubles ordinaires de la
vie publique deviennent des politiques factieuses et que d'autres
politiques administratives se substituent à celle de la République.
Le gouvernement lui-même
qualifie de factieuses ou d'insurrectionnelle l'action de ces forces
civiles particulières. Celles qui détruisent du mobilier urbain et
s'installent dans les prétoires en s'inscrivant dans la procédure
pénale en cours.
C'est à cette question
de la paix civile que répondent les représentants des forces de
l'ordre lorsqu'ils sont convoqués pour réprimer des troubles à
l'ordre public.
7)- Deux jurisprudence
émergentes
Or, contrairement à ce
qui est affirmé médiatiquement, ils ne sont pas mis sur le même
plan que les civils lorsqu'il s'agit de faire face à des
conséquences excessives de leurs actes.
Prenons l'exemple de deux
affaires dont les questionnements judiciaires sont identiques et dont
les qualifications ont été faites au même moment, en mai et juin
2019.
1- Le manifestant éborgné
Le plaignant est victime
d'une conséquence excessive de l'action d'un policier.
Un policier tire une
grenade de dégagement et un manifestant s'en trouve éborgné.
L'acte est qualifié de
crime et son auteur renvoyé en Cour d'Assises.
Le motif en est :
« violences volontaires ayant
entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par personne
dépositaire de l’autorité publique ».
Il risque 15 ans.
2- L'écrasement
automobile de deux enfants.
Le dol des victimes d'une
conséquence excessive de l'action d'un voyou civil, décès ou
blessure, est considéré comme un « accident » et une
action « involontaire ». Ce qui entraîne la comparution
au Tribunal correctionnel.
Il risque 10 ans.
Un délinquant conduis
sans permis. Il redémarre en trombe lors d'un contrôle routier.
Les gendarmes « Au
regard du comportement excessivement dangereux et en raison de sa
vitesse, les gendarmes le suivaient à distance ».
Il renverse deux jeunes
garçons de 7 et 9 ans. Le premier est décédé, tandis que le
second est encore dans un état critique, à l'hôpital de la Cavale
Blanche, à Brest
Le responsable
présumé de l’accident est déjà connu des services de
police pour conduite sans permis et détention de stupéfiants.
La
qualification est celle d'un « accident » passible du
Tribunal correctionnel.
« refus
d’obtempérer, délit de fuite, conduite sans assurance, conduite
sans permis, homicides et blessures involontaires aggravées ».
Le
parquet de Lorient a ouvert une information judiciaire pour
« homicide involontaire aggravé », « blessures
involontaires aggravées », « conduite sans permis en
récidive », et « défaut d’assurance et de refus
d’obtempérer aggravé par la mise en danger d’autrui ».
La
procureur de la République précise : « La peine maximum
encourue par le conducteur du véhicule, actuellement en fuite, est
portée à dix ans d’emprisonnement ».
3-
L'acceptation des qualifications
Le
fait que les enfants soient Turcs comme le coupable n'est sans doute
pas pour rien dans l'acceptation des qualifications correctionnelles
par les parents qui viennent de perdre deux enfants. L'un mort,
l'autre traumatisé à vie.
Dans
toutes les affaires anti-policières, les plaignants et leurs
ayants-droits refusent la correctionnalisation et l'acquittement en
Cours d'Assises. Ils exigent la condamnation criminelle.
C'est
d'ailleurs pour conduire à une condamnation criminelle ou à un
arrangement judiciaire que les juges d'instructions optent pour l'un
ou l'autre des renvois.
4-
Comparaison des qualifications
Dans
un cas, l'accident est un crime. Dans l'autre, le crime est un
accident.
8)- Conclusion
Une obsolescence
semblable des règles publiques est apparu avec les démonstrations
du Burkini sur les plages.
1- La même logique de la
pudeur sur les plages qui vise à préserver la dignité personnelle
de chacun se retourne contre ses objectifs et devient le support d'un
dispositif de terreur à l'égard des femmes.
2- En réponse, ce n'est
pas telle ou telle fait qui doit être contrôlé, maîtrisé,
autorisé ou interdit. Ça ne fonctionne plus.
3- C'est la configuration
de la pudeur, sa doctrine, son dispositif, qui doivent être
reconsidérés.
Des solutions visant à
restituer à l’État ses capacités d'initiatives et sa maîtrise
de la jurisprudence existent. Elles ont été proposées
précédemment.
L'Etat lui-même, à
l'occasion de l'affaire Servier ou de certaines régularisations de
fautes financières, reconnaît l'utilité de ces réformes et les
pratiques par segments qui ajoutent encore au désordre du droit et
au discrédit de la loi.
Il faut y prêter
attention.
Marc SALOMONE
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