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Paris, le mercredi 13 avril 2022
Éric MATHAIS
procureur de la République,
Adresse : Tribunal judiciaire de Bobigny 173 AVENUE PAUL VAILLANT COUTURIER 93008 Bobigny Courriel : tj1-bobigny@justice.fr Tel : 0148951393 Fax : 0148951585
Monsieur le procureur de la République,
1)- Le choc
Votre déclaration télévisée du 5 avril 2022 concernant l'affaire Jérémy Cohen est glaçante.
J'y suis particulièrement sensible car je côtoie des handicapés mentaux. Tous les samedis, je recueille un autiste que je ramène ensuite à son foyer.
Ce dimanche, j'ai dû moi-même intervenir auprès d'enfants de 7et 8 ans conduits par des chefs de 9 et 10 ans qui se préparaient méthodiquement et bruyamment à agresser un autiste, et s’entraînaient à cet effet à fomenter une crise d'hystérie collective, sous l’œil bienveillant des adultes qui prenaient soin de ne rien voir.
Je ressens vos déclarations comme une alliance avec ces voyous de tous âges mais pas de toutes origines et confessions.
Ces origines et confessions vous les nommez vous-mêmes de façon publiquement codée en affirmant immédiatement qu'il n'y a pas d'antisémitisme. Tout le monde connaît désormais ces codes : « Pas d'antisémitisme », « pas de lien avec le terrorisme », etc, cela veut dire voyous communautaires.
Votre déclaration à la télévision trace une ligne judiciaire dans cette affaire et construit ainsi une jurisprudence.
Celle-ci nomme les handicapés mentaux comme des cibles publiquement invisibles et judiciairement neutre.
Leurs agresseurs sont assurés de n'être jamais recherché à ce titre s'ils agressent un handicapé mental sans y adjoindre des « motifs de discrimination » réservés aux vrais être humains.
Il reste alors l'agression, cette nuit où toutes les vaches sont grises. Ça vaut un rappel à la loi.
Pourquoi s'en priver ? Pourquoi ne pas se préparer à se poser en victime ; comme cela arrive si souvent ?
2)- La logique de l'intervention
D'une part, vous concédez une interdiction pénale de l'antisémitisme faite aux voyous pour légitimer tacitement une autre source de criminalité qui est l'agression des handicapés mentaux.
D'autre part, vous déclarez que la criminalité concédée n'est pas présente et votre silence indique que la criminalité ignorée n'est pas recherchée.
La mort de cet homme tombe ainsi dans le néant judiciaire.
3)- Les deux sources
D'emblée vous privilégiez une source au détriment de toute autre.
Vous dites : « Bien entendu, tout élément permettant d'établir un motif discriminatoire à cette scène de violence, en particulier antisémite, donnera lieu à une aggravation de la qualification pénale retenue ».
1- L'antisémitisme
Immédiatement, vous fermez la voie à cette discrimination.
« Aucun élément ne permet à ce jour d'établir avec certitude que la victime était porteuse de manière apparente ou non d'une kippa au moment de la scène de violence ».
Cette affirmation de l'évidence d'une absence de l'antisémitisme est d'ailleurs contredite par les faits.
C'est ainsi que le public apprend qu'une Kippa a été retrouvée près du corps de la victime et rendue à la famille par la police.
Il faut pour cela qu'elle ait été hors de ses vêtements, donc sortie, donc visible pour ceux qui scrutaient cet homme.
Il apparaît difficile de déclarer à la télévision que l'antisémitisme est exclu des hypothèses.
Il faut à tout le moins répondre à cette question et expliquer que vis-à-vis de gens qui vous scrutent, une Kippa tenue à la main, ne serait-ce que par peur, est invisible et imperceptible.
2- Le handicap mental
Il y a une autre source de discrimination qui est manifestement présente et passé totalement sous silence.
C'est le handicap mental.
Il est impossible que ces gens ne se soient pas rendus compte que cet homme ne réagissait pas comme une personne valide, ni en geste, ni en mot, ni en mentalité.
4)- Les conséquences
Le 29 mars, le parquet ouvre une information judiciaire contre « personne non dénommée » pour « violences commises en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».
La prise en compte de cette criminalité aurait des conséquences sur la qualification même de la faute pénale.
En effet, si le handicap mental, établit, était pris en compte, la mort de cet homme ne serait plus simplement accidentelle et l'absence d’intentionnalité serait discutable.
Il n'y aurait plus de séparation évidente entre l'agression et la percussion par le tram.
La vidéo montre que rien n'explique cette collision sur un terrain aussi dégagé.
Sauf si on prend en compte que cet homme handicapé a perdu ses facultés de repérage dans l'espace et le temps du fait de cette agression.
Les agresseurs, présumés, innocents ou martyrs, deviennent alors co-auteurs de la mort de cet homme.
Ce sont eux qui ont provoqué volontairement, en réunion, en concertation, consciemment, le déséquilibre psychique qui produit cet aveuglement.
5)- Les qualifications
Vous dites : « Il conviendra notamment d'établir la force du lien de causalité entre la scène de violence et le décès de la victime. »
Vous faites référence à une vidéo que le public à vu et qui montrait que « plusieurs individus portaient des coups à la victime, les scènes de violence cessaient et les agresseurs se dispersaient. La victime entamait alors la traversée de la chaussée puis des voies de tramway avant d’être percutée ».
a- La criminalité antisémite n'établit pas nécessairement un lien de causalité entre l'agression et le choc.
b- Par contre, la criminalité anti-invalide établit une continuité mécanique, psychique, entre l'agression, la perte des repères, le choc.
Rien d'autre ne peut expliquer que sur un site aussi dégagé, cet homme n'ait pas vu le tram.
6)- les coupables.
Il faut distinguer les coups et l'action complète
a- Ceux qui ont asséné des coups sont personnellement responsables de ces coups.
b- C'est toutefois l'ensemble de ceux qui ont assailli cet handicapé qui ont provoqué, chacun à sa manière, cette perte de repère et qui sont individuellement responsables de cette perte de repère, de ce déséquilibre, de cette privation des sens, et donc du fait que ce choc ait eu lieu.
7)- Digression
Il paraîtrait saugrenu de plaquer ici le laïus habituel de ce type de délinquant :
a- nous l'avons forcé à marcher sur une barre suspendue dans le vide.
b- mais nous ne sommes pour rien s'il est tombé dans le vide.
c- moi, je n'ai rien fait, j'ai juste fait barrage pour qu'il ne sauve pas, je l'ai tenu un instant pour qu'il ne perde pas son équilibre.
d- après, c'est à lui de voir. Il n'était pas obligé de tomber.
Tous les présents auront concouru à la formation d'une situation criminelle.
8)- La conscience
Ces voyous avaient-ils consciences qu'il mettaient M. Cohen en danger.
La réponse est oui.
Ils ont voulu imprimer sur sa personne leur toute puissance.
D'ailleurs, les gens s'esclaffent de rire devant l'incident.
Il est simplement un numéro de cirque.
9)- La justice
La justice a t'elle a tenir compte de la représentation qu'ont les criminels de leur crime ?
Oui pour l'analyse des personnalités.
En aucun cas pour ce qui est de la qualification.
La plupart des criminels de ce genre laissent à la victime la responsabilité de sa déchéance ou de sa mort.
Les maris battants rient de la déchéance physique ou du suicide de la femme battue. Ou au contraire prennent le public à témoin de leur propre douleur. Idem pour les violeurs, les harceleurs, les discriminateurs.
Les SS nourrissent les détenus. Ce sont ces derniers qui sont incapables de tenir le coup. Etc.
Cette bande de crapules amusées a simplement voulu presser le citron. Ils laissent partir la pelure.
La justice doit leur rappeler que leur pressage est la première phase du crime et qu'elle en est totalement solidaire.
10)- Le public
Il est remarquable qu'aucune association ne se soit présentée au débat concernant le handicap.
On ne dérange pas les valides pour n'importe quoi et surtout pour n'importe qui.
La famille n'y tient pas trop car elle s'est battue pour que le fils handicapé soit « normal ».
Juif, oui, invalide, non.
Par contre, un ami d'enfance de M. Cohen témoigne de la visibilité de son handicap. C'est même la raison pour laquelle la Direction de l'école l'avait mis dans sa chambrée, pour le protéger.
11)- La vérité pour qui ?
« Cette vérité, nous la devons à la victime et à sa famille, à laquelle j'adresse mes condoléances », a conclu Eric Mathais,
Vous devez d'abord la vérité au « Peuple français » au nom duquel se rend la justice. C'est ainsi que vous rendrez hommage à ce mort et que vous protégerez les vivants concernés.
12)- Conclusion
Tel que c'est parti, une fois de plus, un équivalent acquittement sera prononcé au nom de l'effet-foule parfaitement maîtrisé par les voyous communautaires.
Il faut être Ministre ou Chef d'Etat pour aller en prison de nos jours.
Je vous demande de bien vouloir retenir le chef d'Agression d'handicapé mental ayant pris le risque conscient d'entraîner la mort, ce risque ayant été suivi d'effet.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Procureur de la République, mes sincères salutations,
Marc SALOMONE
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