vendredi, février 02, 2018

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Blog : madic50.blogspot.com / Livre: Les deux formes, éd. Amazon


Paris, le vendredi 2 février 2018


Copie à :
Président de la République / Premier Ministre / Garde des Sceaux
Présidents du Parlement / Présidents des groupes parlementaires
Président de la Cour d’Appel / Procureur général
Président du TGI / Procureur de la République
Bâtonnier,
Journalistes




REFLEXION SUR LA DELEGATION DE POUVOIR QU’EST LE DROIT DU RETOUR DES JIHADISTES


1)- Préambule
La discussion qui suit concerne le débat public sur le retour des jihadistes français du Levant.

Elle se fait à partir des déclarations et démarches des avocats des susdits.

Ces actions de juristes sont prises ici comme l’expression formalisée d’une opinion partagée par des milieux sociopolitiques qui développent leur propre politique au moins depuis Mai 68.

Cependant, la critique de ces opinions ne concerne en aucune façon le bien-fondé de la liberté professionnelle d’action des avocats.


1)- Les absences géographiques du droit

1- Les plaintes
Comme il était prévisible, le mercredi 17 janvier 2018, les avocats des jihadistes portent plainte contre l’Etat français qui s’oppose au retour de ceux-ci ou prétend en contrôler le flux.

Ces plaintes ont été déposées au nom des « parents et grands-parents » des jihadistes détenus et leurs enfants. 

2- L’inexistant
L’avocate Marie Dosé s’est engagée à la télévision. Pour elle « le Kurdistan syrien, n'est pas un État et les institutions judiciaires n'existent pas ». Les autres avocats concernés partagent cette opinion.

En conséquence, disent les avocats des familles de ces djihadistes françaises arrêtées par des combattants kurdes en Syrie : « Ces femmes et ces enfants sont tous détenus sans droit ni titre ».

Il en irait ainsi car leur lieu de détention, le Kurdistan syrien, est une zone de non-droit. Selon l’expression médiatique française ce serait un vide juridique.

3- Le transfert de faute
Le Kurdistan syrien n’existe pas à ce point que c’est l’Etat français qui est juridiquement comptable des arrestations commises par ces inexistants.

En n’exigeant pas de cet organisme incompétent qu’est le Kurdistan qu’il remette sans délais les prisonniers détenus illégalement aux « institutions judiciaires » françaises ; l’Etat français se rend lui-même coupable de «détention arbitraire » et « abus d'autorité ».

D’où les plaintes.

4- Le privilège judiciaire
Au dire de ces avocats, cette inexistence judiciaire du Kurdistan syrien met le gouvernement français dans l’obligation de faire valoir ses privilèges judiciaires à l’égard de ses ressortissants.
Ces privilèges judiciaires consistent :
a- D’abord à déclarer que le droit français est d’application supérieure aux droits locaux concernés.
b- Cette supériorité s’impose pour tous les jihadistes français.
c- La volonté du gouvernement d’examiner le retour des jihadistes « au cas par cas » est déjà une forfaiture.
d- Cette hypothèse « relève déjà d'une forme d'arbitraire qui nie le principe d'égalité devant la loi ».
e- En effet, pourquoi untel bénéficierait-il du vrai droit, autrement dit du droit français, quand tel autre resterait dans la vacuité du droit des barbares ?
f- Les Etats locaux deviennent des « zones ».

5- Le droit et la barbarie
Pour l’avocate Dosé, c’est toute la procédure qui est soumise à la règle du privilège français ; c'est-à-dire occidental.

a- L’idée d’un procès hors de France, chez les sauvages, est tout simplement impensable, incompréhensible : « et maintenant on évoque des procès au Kurdistan syrien ».
Le procès d’un présumé criminel français au Levant, et puis quoi encore !

b- Sur les deux façons de considérer que certains détenus puissent être jugés de droit sur les lieux de leurs crimes présumés (Le « cas par cas » et le procès au Moyen-Orient) le jugement de Maitre Dosé est sans appel : « Cela n'a pas de sens, c'est de l'improvisation et de l'incompétence. »

c- Sur la question générale de l’existence, dans ce dossier, d’un droit en Syrie ou en Irak, hors du droit français, la sentence tombe « On nage en plein délire face à un problème historique. »

d- Se faisant la porte-parole de ses confères et, à ce moment-là, des soutiens aux jihadistes, elle qualifie les propos rapportés ci-avant du porte-parole du gouvernement « d’extrêmement inquiétants ».

6- La resucée coloniale

a- Qui peut dire le droit ?
Maitre Dosé : « Pour l'instant, la question n'est pas de savoir si elles sont réellement repenties ou si elles trichent, mais de les rapatrier pour qu'elles soient jugées, C'est notre justice qui dira qui elles sont. Des mandats d'arrêt ont été émis, les charges retenues débutent en France, où la justice anti-terroriste est tout sauf laxiste. »

b- La leçon
Un partisan du retour des jihadistes, le commissaire honoraire Moréas devenu avocat, donne la leçon de droit que le monde attendait de la France :
« En effet, un terroriste jugé à l’étranger, s’il était acquitté, ne pourrait plus faire l’objet de poursuites judiciaires sur le sol français. Il pourrait donc rentrer au pays en toute impunité. C’est ce qui ressort de l’article 113-9 du code pénal : « Aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits. » Peut-on laisser un pays étranger rendre la justice à notre place ? »

c- Commentaire
Seule la justice française peut dire le droit.
L’acquittement est un privilège des tribunaux français ou occidentaux.
Seule la justice française peut juger des français en infraction à l’étranger.

d- Conclusion : Qui délire ?

2)- La nouveauté criminelle
La criminalité jihadiste se différencie de la criminalité ordinaire non pas d’abord par sa cruauté, chacun de ses actes relève du Crime de guerre, mais d’abord par sa structure.

Le jihadisme est un parcours criminel mondial continu dont chaque séquence ici prépare l’autre ailleurs.

Deux exemples :

1- Le présent
Mme Köning dont le rapatriement est demandé a adressé un message à ses deux enfants resté en France, dans une vidéo en 2013 : « N'oubliez pas que vous êtes musulmans, dit-elle. Le djihad ne cessera pas aussi longtemps qu'il y aura des ennemis à combattre ».

2- Le passé
Sur son blog, le commissaire honoraire Moréas farouche partisan du « retour » des jihadistes, rapporte ceci :
« On est devant une situation inextricable car, de nouveau, nos dirigeants ont fait preuve d’imprévoyance : pas un, semble-t’il, n’a réfléchi à l’après-victoire. Pourtant, nous avons déjà connu cette situation…
Après les accords de Dayton du 14 décembre 1995 qui mettent un terme à la guerre de Bosnie, les miliciens étrangers qui défendaient la cause musulmane sont priés de rentrer chez eux. C’est ainsi qu’un groupe de Français, désemparés, mais ayant goûté à la puissance des armes, décide d’apporter son concours à « la mouvance islamiste internationale » qui, plus tard, sera désignée sous le nom d’Al-Qaïda. Ils rejoignent alors un réseau international qui s’est mis en place autour de Fateh Kamel, lequel a choisi Montréal pour quartier général. Neuf « revenants » se lancent dans les braquages pour assurer le financement du djihad. Inutile de donner leur nom, mais ce sont bien les premiers djihadistes français. Lorsque les policiers du RAID font sauter la porte de leur planque, à Roubaix, ils sont accueillis par des rafales de kalachnikovs. Ils ripostent. Le tir est nourri. Un policier a un poumon perforé malgré son gilet pare-balles. Les assiégés sont déchaînés. Ils hurlent « On se rendra jamais ! » L’un d’eux jette une grenade depuis l’étage. La déflagration enflamme un matelas. Le feu se propage rapidement et la maison finit par s’effondrer en partie. 1000 cartouches plus loin, les pompiers retireront quatre corps des décombres.
Les survivants seront condamnés à de lourdes peines de réclusion criminelle. L’enquête aura permis de mettre en évidence l’existence d’un important réseau lié à Al-Qaïda, et c’est en grande partie grâce aux éléments recueillis en France que d’autres pays vont prendre conscience de la menace d’un terrorisme international et réagir en conséquence. Les morts, eux, ne nous ont rien appris. »


Aussi bien ce récit que la déclaration de Mme Köning mettent en scène la structure de la criminalité jihadiste.

3- C’est une criminalité mondialisée.
Ces gens ne partent pas combattre en Syrie parcequ’il s’y passe quelque chose de particulier. Ils y vont parceque c’est le lieu à partir duquel ils peuvent enchainer les combats contre « l’ennemi ».

A chaque voyage, ils puissent la force de revenir, de parcourir, pour renouveler la terreur et assurer sa propagation.

Ils ne sont pas allés en Bosnie parcequ’il y avait une guerre. Ils y sont allés parcequ’ils pouvaient s’y former à la guerre, la transporter dans d’autres pays, dont le leur, et l’entretenir.

A terme, et le plutôt sera le mieux, cela change radicalement le dispositif judiciaire visant le Terrorisme.

4- L’indispensable aggiornamento procédural
Il n’est plus possible d’être dans la séparation judiciaire des Etats. La coopération est elle-même rendue obsolète.

a- La justice ordinaire
Le système actuel permet à un criminel de renoncer au crime en se réfugiant dans son pays qui ne l’extradera pas.

Cette disposition est indispensable pour le crime ordinaire. Elle fait habituellement des pays nationaux, dit d’origine, des bases-arrières de repli pour les offensives terminées, ratées, perdues.

b- Le détournement jihadiste
Le jihad utilise ces dispositions pour faire des pays nationaux des lieux de recomposition des forces pour repartir dans la terreur notamment dans le pays de nationalité.

Ce qui devait être un lieu d’abandon du combat devient un lieu d’expansion de la terreur notamment dans le pays de repli et de protection.

Les critères judiciaires nationaux ne peuvent plus fonctionner de la même façon avec une criminalité qui n’est plus « étrangère » mais « mondiale ».

c- La justice pour le jihad
Le jihadisme construit une continuité judiciaire mondiale.

Le lieu de jugement doit être celui où les crimes les plus significatifs ont eu lieu pour produire cette entreprise de destruction des Etats qu’est le Califat. 

Si ces « miliciens étrangers » avaient été jugés en Bosnie ou renvoyés en Bosnie pour y être jugés, leur situation politique aurait été moins populaire, leur criminalité moins facile à étendre et plus aisément contrôlable.

A brève échéance, soit la France (n’importe quel autre Etat) acceptera que les autres Etats concernés soient parties prenantes du procès et que s’y appliquent leurs exigences juridiques, soit elle devra livrer ses ressortissants à l’Etat le plus touché par l’action de tel ou tel criminel du type Terroriste.

Cette extradition d’un ressortissant national vers un pays qui fut pour lui un lieu de jihad ne ressort pas des accords d’extradition ordinaires mais du fonctionnement à venir de la justice ordinaire des crimes terroristes.

Dans un parcours criminel mondialisé qui inclut le pays de nationalité, la protection nationale devient une complicité des Etats envers les crimes commis contre leurs propres populations.

L’affaire mondialisée dite du gang de Roubaix en témoigne.

3)- Les réponses du droit
Les principes juridiques visant à la disqualification des juridictions du Moyen-Orient au nom du droit se heurtent aux principes du droit eux-mêmes.

A- La détention
Les avocats des familles de ces djihadistes françaises arrêtées par des combattants kurdes en Syrie assurent que « Ces femmes et ces enfants sont tous détenus sans droit ni titre ».

Si les mots on un sens, les avocats parlent ici de la « détention » et non du jugement.

Or, ces personnes sont détenues de droit.

1- La Fédération kurde syrienne (appelée Rojaïa, "l'ouest" en kurde) ou Kurdistan syrien est une force combattante reconnue par la communauté internationale.
a- Cette force combattante mène la guerre contre une invasion étrangère dit de « l’Etat islamique » ou « Daesch ».
b- L’Etat en titre n’est plus en capacité de repousser seul cette invasion.

2- Contester à la Fédération kurde syrienne le droit de faire des prisonniers de guerre parmi les combattants de Daesh impose de contester le bien fondé de l’opposition militaire à l’Etat islamique.

3- Le Kurdistan syrien détient les français de Daesch légalement et à juste titre comme prisonniers de guerre.
a- Cette détention est d’autant plus légale qu’elle a été voulue, demandée, par certains d’entre eux.
b- Ils sont des prisonniers de guerre présumés criminels.
c- Ils doivent être détenus jusqu’à leur remise à une autorité judiciaire compétente pour les juger.

L’argument de la détention sans droit ni titre est donc une faute juridique de caractère professionnelle.

B- La compétence locale ou la compétence internationale

1- La confusion
Les avocats de ces adultes présumés criminels prennent ainsi pour une évidence que l’Etat français a des capacités judiciaires à l’égard de leurs clients arrêtés, et parfois plutôt reçus puis mis aux arrêts, sur le territoire kurde de Syrie.

Cette prétention repose sur une défaillance dans la distinction entre les deux types de jihadistes français :
a- Ceux qui seraient revenus en France et bénéficieraient ainsi du refus de la France d’extrader ses ressortissants.
b- Ceux qui seraient toujours sur des sols étrangers et qui dépendraient donc mécaniquement du droit en vigueur dans ce pays.

La justice française peut juger ses ressortissants présents sur son sol pour des crimes commis à l’étranger mais elle ne peut se substituer aux justices locales pour juger des français présents sur leur sol.

Le droit colonial est terminé en droit depuis 1946 et en fait depuis 1962.

2- La mise à disposition des prisonniers
Le Kurdistan syrien n’a pas le droit de juger les combattants de Daesh puisqu’il n’est pas un Etat constitué.

Il a le droit de faire des prisonniers mais il n’a pas la capacité juridique de les juger.

Pour les mêmes raisons qu’il n’est pas un Etat, il n’a pas le droit d’en disposer, de les remettre à quiconque de son propre chef, a fortiori de les négocier politiquement ou d’autres motifs.

Il est juste dans l’obligation de les remettre a une autorité judiciaire compétente.

Celle-ci ne se fonde pas sur la nationalité présumée des auteurs mais sur le lieu de commission des crimes.

3- La compétence judiciaire
Les jihadistes revenus en France peuvent arguer de leur présence sur le sol de leur nationalité.

Ce n’est pas évident du tout mais c’est un fait actuel.

Par contre, les jihadistes français prisonniers du Kurdistan sont sur les lieux de la commission des faits.

La compétence judiciaire est donc celle des Etats constituants juridiquement ces lieux.

Cette justice locale est seule compétente pour juger du devenir de ces prisonniers de guerre présumés coupables de crimes de guerre.

Elle seule peut légalement enquêter, qualifier, juger, prononcer.

Seule une instance judiciaire internationale pourrait s’y substituer.

Ce qui serait « sans droit ni titre » serait que le Kurdistan syrien remette de son propre chef ces prisonniers aux autorités françaises.

Cela pourrait être qualifié de Trafic d’êtres humains.

C- L’Etat

1- La Zone
Le raisonnement des avocats des jihadistes est de dire que le privilège de compétence de l’Etat français découle de l’absence d’Etat local. Celui-ci est d’ailleurs appelé « zone ».

L’incapacité judiciaire de l’entité militaro-politique kurde en serait l’illustration.

C’est faux. Il n’y a pas de vide juridique.

L’existence dans cette région d’Etats constitués, légaux, reconnus, est un fait. Ils ont été formés par le Traité de Versailles.

Sauf à produire la signature d’un autre Traité international, ces Etats sont les seules entités judiciaires compétentes pour juger des crimes commis sur leur sol.

Cette exclusivité est reconnue pour l’Irak.

2- La Syrie
Mais si le Kurdistan syrien n’est pas un Etat c’est d’abord parceque personne ne veut lui reconnaitre ce titre. Lui-même se présente comme une entité fédérale.
Il est une partie d’un Etat souverain, reconnu par l’ONU, qui est l’Etat Syrien.

C’est aux avocats de produire les documents attestant de l’inexistence de l’Etat syrien.

L’existence de l’Etat syrien et sa compétence juridique fonctionnelle sont reconnus par toutes les instances, y compris universitaires, qui ont à traiter du sujet :
« Le Rojava ne se revendique pas comme un État à part entière mais préfère se voir comme "un modèle pour un futur système décentralisé de gouvernance fédérale en Syrie". Pour Fabrice Balanche, géographe et spécialiste de la Syrie, elle est plutôt "une administration parallèle à côté de l'administration syrienne".
"Les Kurdes essaient de mettre en place une vraie administration, mais le régime syrien a toujours la main sur les titres de propriété ou les pièces d'identité par exemple", explique-t-il au HuffPost. "Les comités de quartier kurdes peuvent régler les petits litiges, mais cette juridiction côtoie toujours une juridiction syrienne supérieure". »

Tant que cet Etat est reconnu par le droit international, nul ne peut juger des crimes commis sur son territoire à la place de la justice nationale syrienne.

D- L’Etat français

1- L’autorité des Etats
Même si le gouvernement français ne reconnait pas les cadres en fonction dans l’Etat syrien, il n’a aucun droit de passer outre l’existence d’une autorité judiciaire syrienne et de l’exclusivité de sa compétence en matière de crime commis dans sa juridiction.

Par ailleurs, il reconnait le bien fondé de l’activité administrative indépendante et armée du Kurdistan et celui-ci reconnait la primauté légale de la justice et de l’Etat syrien sur sa propre activité.

Sauf à profiter d’une présence militaire, et à s’appuyer sur un imaginaire surannée du colonialisme, le gouvernement français n’a aucun droit de passer outre l’avis qualifié de la justice syrienne.

Le fait de pouvoir masquer, par les circonstances, l’existence et la primauté de cette justice ne retire rien au pouvoir de celle-ci ni à la forfaiture de ceux qui le rejettent.

Après la criminalité encore injugée de l’action en Lybie ; la mise en négociation, marchandisation, vente, du sort des prisonniers dits français achèverait de disqualifier la France dans la région.

L’action de l’Etat français ne peut être de contourner la souveraineté ou la compétence exclusive de ces Etats.

2- L’action de l’Etat français
L’Etat français ne peut donner suite aux manœuvres des jihadistes français qui ont pu combattre en Irak et venir en Syrie pour pouvoir bénéficier d’un doute français à l’égard des capacités de jugement de la justice syrienne.

Compte tenu de la guerre, du chaos, des mises en causes, la fonction de l’Etat français est de contribuer à déterminer par la communauté internationale, l’ONU, dans quelles conditions et sous quelles formes ces Etats et ces institutions judiciaires reconnues sont représentées circonstanciellement et travaillent sur la criminalité visée.

En pratique : à quelle représentation de l’autorité judiciaire les combattants kurdes doivent-ils remettre les prisonniers de guerre jihadistes qu’ils détiennent légalement.

Mais la participation à cette définition est diplomatique. Elle ne peut être substitutive de cette justice compétente.

L’Etat français doit provoquer la présence de la justice syrienne à partir de l’administration provinciale particulière reconnue du Kurdistan.

Il doit se distinguer de l’Etat Turc qui utilise l’invasion militaire pour dicter aux syriens l’organisation administrative de leur Etat.

Il doit déjà le dire sans équivoque et le reste suivra.

E- La distinction des lieux d’affiliation judiciaire
Cette querelle de préséance judiciaire ne permet pas de répondre à la question posée par la spécificité de la criminalité de Daesh ou Etat islamique.

Le gouvernement a déclaré qu’il examinerait le retour des jihadistes « au cas par cas ». Ceci implique que les « cas » sont distincts.

1- La place juridique de Mossoul
En effet, les jihadistes ne sont partis ni en Syrie ni en Irak. Ils sont partis pour devenir des fonctionnaires combattants de l’Etat islamique.

Que ces criminels aient voyagé au fil des conquêtes et expansions du Califat, qu’ils aient été ici ou là au moment de leur arrestation, n’est pas forcément la priorité judiciaire.

Ils se sont subordonnés à un groupe armé et idéologique criminel, compact, discipliné, unifié, centralisé, revendiquant pour lui-même le titre d’Etat et dont le centre est Mossoul.

La capitale de cet ensemble criminel est à Mossoul.

C’est à partir de Mossoul qu’ils ont été requis, placés, formés, armés, engagés.

Il revient aux Etats démocratiques d’établir sans équivoque que la capitale juridique, le centre de direction, de pensée, de justification, de rassemblement, de l’Etat islamique est Mossoul.

2- Les conséquences judiciaires
Les jihadistes français ne se sont pas engagés dans des mouvements « syriens » ou « irakiens » avec l’habituel pathos de la « libération nationale » ; comme dans la province espagnole Catalane ou le département français Corse.

Ils se sont engagés comme rouages d’un Etat dont la fonction première est la conquête et précisément celle du monde.

Ils ne peuvent se défaire personnellement de cet attachement et sélectionner selon leur volonté les actes qui les lient à cette organisation.
Ce n’est pas à eux de choisir les qualifications de leurs crimes. Ils ne sont pas compétents pour dire s’ils sont des Combattants de groupes basés en Syrie ou des fonctionnaires combattants de l’Etat islamique dont la Capitale est Mossoul.

Il n’est pas recevable juridiquement de prétendre qu’ils relèvent exclusivement de la justice syrienne au seul motif que leur dernier lieu d’affectation fut Raqqa en Syrie.

Ils ne peuvent distinguer leurs actes de ceux de Daesh que dans la procédure judiciaire.

F- L’affiliation a priori

A priori leur affiliation légale est la suivante :
1- Les jihadistes sont les fonctionnaires de fait de l’Etat islamique dont la capitale est Mossoul.
2- Ces justiciables ont été arrêtés sur le territoire syrien ou irakien dans le cadre du combat militaire exclusif contre Daesch
3- Ils relèvent donc à la fois :
a- Des procédures judiciaires mises en place par l’Etat irakien pour juger les criminels factieux qui ont privatisé une partie du territoire en vu de conquêtes et cela à partir de la ville de Mossoul, en Irak.
b- Des procédures judiciaires de l’Etat syrien dont le Kurdistan syrien est une entité administrative.
4- L’Etat irakien est compétent pour juger de tous les crimes commis par les jihadistes de Daesch.
5- L’Etat syrien est compétent pour juger des crimes commis sur son territoire par les jihadistes de Daesch.

Sur ces territoires, l’Etat français n’a aucun droit autre que la veille consulaire à l’égard de ses ressortissants présumés criminels.

Son seul droit est de demander que ses ressortissants soient présentés à un tribunal compétent et de contribuer à sa détermination.


L’Etat français doit donc demander aux autorités combattantes du Kurdistan de se mettre en rapport avec la justice syrienne et la justice irakienne pour organiser l’action judiciaire complète et légale vis-à-vis de chacun des prisonniers dits « français ».

Et pour commencer, les juges doivent déterminer s’ils sont juridiquement français.

G- Les Tartuffes
Ces avocats s’adressent à la justice et mobilisent l’opinion publique au nom de la défense de « l’égalité devant la loi » en faveur de criminels de guerre présumés afin de pouvoir juger des infractions de pure forme comme l’association de malfaiteurs et le départ illicite.

Cette action juridique se présente publiquement comme une défense des droits de l’homme. En fait, elle dénie aux populations et Etats concernés le droit de demander des comptes à ces criminels présumés.

Elle revendique la défense du droit. En fait, elle dénie l’égalité des justices, des magistrats, en fonction de la place du pays dans l’échelle de la puissance mondiale.

Aucun de ces professionnels n’exigerait l’extradition d’un français qui aurait commis des crimes semblables, ou non d’ailleurs, aux Etats-Unis.

Alors que la peine de mort y est inscrite dans les lois et que la torture est dans les pratiques judiciaires pour les cas du jihadisme.

Ceci ne peut que questionner la démarche de gens qui se présentent comme les porte-paroles de la vertu.

4)- Le cheminement vers la délégation de Pouvoir
Dans ce débat notre regard est orienté vers la Syrie, « l’orient compliqué ».

Toutefois, le Levant n’est pas le seul théâtre de ce débat. La scène française en fait partie.

Par un tour de prestidigitation juridique, les jihadistes viennent en France pour être présenté à ses tribunaux et en sortent avec une Délégation de Pouvoir.

1- L’inversion
Les soutiens légaux ou civils des jihadistes nous expliquent que la France est requise pour exiger la présence sur son sol de certains criminels de guerre reconnus tels et qui veulent la détruire.

Elle doit les accueillir, au titre de la famille, les protéger, au titre du respect des Droits de l’homme, les justifier, au titre du combat contre la barbarie des utilisateurs des gaz.

Ils auraient commis des fautes, certes, mais prioritairement vis-à-vis de la France. Parceque leur conduite n’aurait pas respecté pas les feux rouges posés par l’Etat français.

Il serait cependant fautif de les laisser aux mains des représentants légaux de leurs victimes car ces derniers sont les chefs barbares de pays qui n’existent pas ; ou si peu.

Ces soutiens aux jihadistes demandent que les bourreaux échappent à leurs juges car ils auraient eu des mérites à les affronter et qu’ils en seraient en fait les victimes.

2- La dette française
Les jihadistes ne sont pas seulement les victimes des Etats et des populations qui les ont contraints de détruire des cités millénaires.

Les jihadistes français sont aussi partis en Syrie parcequ’ils y ont reconnu l’injustice dont ils souffraient en France.

C’est pour avoir vécu la discrimination, la relégation, l’apartheid, qu’ils sont partis là où ils pouvaient se regrouper pour vivre libre et être respectés comme des êtres humains et non plus des bêtes comme sont plus que jamais traités leurs semblables qui sont restés.

Les français sont en comptes, en dette, en retard de paiement des indemnités. Les jihadistes sont aussi les huissiers de justice de la Charia.

3- Le blanchiment de faute
Certes, parmi leurs soutiens, nul ne demande qu’ils reviennent pour continuer le combat. Mais personne ne demande qu’ils l’aient arrêté et encore moins qu’ils en aient répondu.

On demande simplement qu’il soit établi par l’Etat français  qu’ils ne relèvent pas de la justice du Levant seule compétente pour le combat qu’ils y ont mené.

On veut qu’ils reviennent en France indemnes de tout jugement par la justice locale, de toute qualification judiciaire de leur criminalité, de toute exécution de peine prononcée.

4- La correspondance des stratégies
Par le plus grand des hasards, cette stratégie juridique correspond exactement à la stratégie jihadiste.

Ils obtiennent au nom du droit, avec l’aval de l’Etat français dont la magistrature, trois dispositifs juridiques :

A- L’immunité pour les faits par :
a- La disqualification juridique de l’Etat du lieu d’exercice du Califat et de sa magistrature,
b- La reconnaissance de l’incapacité française de juger leurs crimes présumés puisque personne ne peut sérieusement enquêter ni qualifier,

B- La légalisation de la stratégie du parcours. (Le droit au parcours criminel)
a- Le Califat n’est pas une guerre locale. C’est une guerre mondiale.
b- En conservant le droit national pour juger d’un parcours mondial, l’Etat français avalise de fait la stratégie du parcours constitutive du jihadisme.

C- La complémentarité
a- Pour l’Etat français, les revenants sont des français qui abandonnent le combat criminel au Levant.
b- Pour les jihadistes et leurs soutiens, le retour est la légalisation, l’institutionnalisation, du droit au parcours criminel mondial.

5- L’insertion
En les faisant revenir afin qu’ils bénéficient de la protection judiciaire accordée à tout national, l’Etat français insère la stratégie jihadiste dans le droit français.

Alors que les jihadistes ne vont en Syrie que pour y trouver la force de revenir détruire la France, l’Europe, l’Etat français refuse d’installer une chaine judiciaire permettant de juger les jihadistes là où ils ont commis leur crime le plus atroce, voire le premier crime.

Il refuse de constituer une chaine judiciaire parcequ’il rompt la chaine du crime.

Il déclare que celle-ci n’est pas continue. Il se réserve de la manipuler, la soutenir, la justifier.

Ce faisant, il discute du droit des jihadistes à détruire tel ou tel Etat. Il partage avec eux le souci de disqualification de tel ou tel Etat.

Il reconnait leur droit d’agir où bon leur semble et de trouver refuge dans leur pays de nationalité.

6- L’inégalité des droits

a- Le contrôle aléatoire
Les revenants ne seront jugés que pour des délits français mineurs et dont la justification n’est pas évidente.

Il est en effet nullement évident en droit de prétendre entraver la liberté de déplacement, d’information, d’association, d’idée et d’expression de celles-ci.

Ce sont des interdictions qui ont la durée des rapports de force.

b- La supériorité permanente
Par contre, ils seront revenus de droit en France.

Ils devront ce droit au titre de la supériorité reconnue par l’Etat français de leur qualité de français sur les juridictions des pays d’exercice de leurs crimes.

Ils auront fait acter par l’Etat français la disqualification de ces Etats, appelés « zones », et des justices qui en portent le nom.

7- Le retour garant de la continuité du départ
Ce retour, la protection contre une extradition ainsi offerte au revenant, l’exigence d’en bénéficier lorsqu’on est dans la « zone » d’action, distinguent le droit au retour de l’abandon des combats.

Les jihadistes n’ont ni à dénoncer, ni à renier, ni à renoncer, pour faire valoir leur droit au retour.

Par là-même, le retour formalise un droit à la continuité de la pensée du départ.

Le problème immédiat pour les français n’est pas que cette pensée du départ soit criminelle. Il est d’abord qu’elle vise précisément à créer un « retour ».

8- Les conséquences civiles
La légalisation du « retour » par les juristes accompagne donc la stratégie du retour des jihadistes pour deux catégories de personnes.

A- Les revenants
Elle l’accompagne pour les revenants que la justice française rend quitte de leurs crimes au Levant et auxquels elle ne peut poser de conditions d’abandon d’idées et de pratiques pour justifier leur présence en France.

B- Les accompagnateurs
Elle l’accompagne aussi pour les soutiens et accompagnateurs du jihadisme.
a- Les jihadistes en titre n’ont pas été jugés pour leurs crimes au Levant.
b- Il n’y a aucune raison pour qu’ils soient jugés pour les mêmes crimes commis en France.
c- La souffrance des vrais musulmans y est la même. C’est le seul principe universel qui vaille.

9- La délégation de pouvoir
Certes, le crime est interdit, comme au Levant, ce qui n’est pas un obstacle majeur pour ceux qui acceptent de perdre la vie ou la liberté.

Par contre, la qualification criminelle du crime aura été rendue discutable.

D’une manière informelle une jurisprudence, voire une légalité, du bien fondé du parcours jihadiste, et donc de ses fondements juridiques puisés dans la Charia et les discours politiques, auront été installés dans les pratiques de l’Etat français.

Quand on sait que l’Etat français est incapable d’interdire que les médecins exercent en Burqa dans les consultations hospitalières parisiennes, on imagine ce qu’il peut en être de son influence sur les activistes les plus divers.

Il est donc demandé aux français d’accueillir comme étant des leurs des combattants fascistes, des criminels de guerre reconnus tels.

De plus, cette protection nationale doit leur être assurée non pas à la fin de leur guerre mais en cours de celle-ci.

Le retour est le corridor humanitaire par lequel les jihadistes peuvent passer d’un continent à un autre et continuer de frapper.

En revenant, les jihadistes ne sont pas seulement auréolés. Ils acquièrent une délégation de pouvoir. CQFD.

5)- Bis repetita
Le raisonnement de ces soutiens aux jihadistes est bien connu des familiers du débat public français.

1- La forme « mouvement »
Le capharnaüm bruyant des intérêts et des interventions qui assourdissent la voix des peuples du Levant et des victimes du Bataclan ne doit pas nous conduire à occulter l’action d’une filière européenne spécifique de mise en action publique de populations diplômées et citadines. Elles peuvent devenir rurales en transportant la ville à la campagne.
Cette filière joue ponctuellement un rôle capital en Europe depuis des décennies.
a- La forme la plus célèbre est celle des « étudiants de 68 ». Dernièrement, elle s’est incarnée dans « l’indépendantisme Catalan ».
b- C’est elle qui est à la manœuvre dans les réclamations de retour des jihadistes.
c- Il ne suffit pas de dire qu’elle n’est pas seule pour effacer son rôle activiste dirigeant.

2- La mécanique
Les vieux de Mai 68 ont l’habitude et l’expérience de cette logorrhée gauchiste qui fonctionne à l’impératif de l’imprécation, de l’anathème, de la malédiction, en vue d’imposer la Rédemption.

Il y a 50 ans, il fallait absolument, séance tenante, organiser la Guerre civile pour purifier la société de la dictature du Général de Gaulle et des Communistes.

50 ans plus tard, les mêmes ensembles sociopolitiques cherchent à nouveau à imposer aux français d’apporter leur protection à des d’aventuriers qui empruntent le vocabulaire de la liberté et de la justice.

Aujourd’hui, comme autrefois, toujours au nom de l’urgence morale et du droit, les mêmes courants sociopolitiques exigent des français qu’ils sauvent des compatriotes au seul motif qu’ils souffrent et courent de graves dangers.

a- Les français perdraient leur âme en paraissant solidaires d’Etats gorgés de sang.
b- Ils la sauveraient en étendant leur main protectrice sur ses enfants perdus.
c- Ils auraient une dette envers ces combattants dont ils ont refusé de comprendre les combats et des dérives desquels ils sont coupables.

3- La réalité
a- Peu importe que ces gens se préoccupent de tracer le cheminement d’un combat fasciste, esclavagiste, destructeur.
b- En droit, cela nous ramène au colonialisme, nous entraine dans le Califat, nous impose l’anarchisme.
c- En pratique, cette sollicitude est l’imbécilité utile qui accompagne la construction du parcours criminel mondial qu’est le jihad.

6)- Conclusion
Un gouvernement a bien d’autres circuits de réflexion que la réalité commune et nous verrons bien ce qui se fera.

Il n’en reste pas moins qu’il est impensable qu’aujourd’hui des cadres français prétendent organiser la politique judiciaire de la France autour de l’archaïsme de l’inégalité de principe des magistratures et des justiciables.

Certaines magistratures seraient dans l’incapacité de juger certains justiciables.

C’est ce point de vue soutenu publiquement par les avocats des jihadistes qui est énoncé par M. Moréas, commissaire de police et avocat :
« C’est donc la loi du 21 décembre 2012, la première des nombreuses lois antiterroristes prises sous le quinquennat de François Hollande, qui a enfoncé le clou : les Français ou les résidents français doivent être jugés en France.
Il appartient donc à la justice de demander l’extradition de ces Français. C’est aussi simple que ça. »

Ce qui est simple et universel c’est la suppression du droit des Privilèges le 4 aout 1789.

Les tribunaux « étrangers » sont compétents pour juger les criminels présents sur le sol où ils ont officiés.

Par contre, les tribunaux français n’ont pas le droit de juger les malades mentaux. Ils doivent les remettre à la psychiatrie.
a- Le silence qui se fait à cet instant établit que les jihadistes ne sont pas des fous.
b- Ils pourront toujours en trouver qui seront comme à l’accoutumé le lieu de négociations entre les criminels organisés et l’Etat.


Marc SALOMONE



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