Paris,
le jeudi 21 juillet 2016
En
copie
M.
le Premier Ministre
M.
le Garde des Sceaux
MM
les Présidents du Parlement
Mmes,
MM, les Présidents des groupes parlementaires
M.
le Président de la Cour d’Appel
M.
le Procureur général
M.
le Bâtonnier,
M°
Joxe, avocat,
Syndicat
de la magistrature
Union
syndical des magistrats
Syndicat
des Commissaires de police
M.
l’ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne
M.
l’ambassadeur du Royaume-Uni
Mme
Simonnot, journaliste
M.
le Président de la République,
1)-
Préambule
1-
Une question simple :
a-
Il y a 254 jihadistes de Retour de jihad, en fait de Syrie, en France ;
b- Que font-ils en France ?
2- Une question subsidiaire et européenne :
a- Ils sont 300 en Grande-Bretagne, 270 en
Allemagne, 50 au Danemark et 40 aux Pays-Bas;
b- Que font ils dans leurs pays respectifs?
En
apportant une réponse de droit à cette question vous permettriez à l’Etat de fixer
un cadre juridique international à la circulation des jihadistes.
A
214 morts en six mois, il serait peut être opportun de réfléchir à mettre les
jihadistes devant les conséquences judiciaires des responsabilités prises.
Je
n’étudie ici que la référence française de la question posée. Les chiffres
montrent que les autres pays européens sont concernés.
2)-
La question de droit
Pourquoi
la France n’ouvre t’elle pas une coopération judiciaire avec les pays où se
rendent les jihadistes français aux fins que les majeurs valides soient jugés
dans ces pays où ils se sont rendus volontairement pour y commettre des crimes
et organiser la destruction de l’Etat comme forme d’organisation
publique ?
Ces
criminels ne peuvent pas se revendiquer de la protection ordinaire que les
Etats accordent à leurs ressortissants en ne les livrant pas à une justice
étrangère.
En
effet, cette criminalité jihadiste a certaines particularités qui fondent en
droit une coopération judiciaire.
1-
L’Allée-Retour
a-
Le pays de nationalité sert de base arrière pour l’organisation du jihad dans
les pays dit de « site » ou « d’aller ».
b-
Le jihad sert de lieu d’organisation pour projeter le terrorisme dans les pays
de nationalité ou de « retour ».
c--
« L’allée » jihadiste vers le pays cible est un moment du parcours
visant à la préparation du « retour » pour mobiliser les populations
influençables aux fins de commettre des attentats et de changer la nature de
l’Etat.
2-
L’implication de la France
Ils
placent la France, au moins moralement, en situation conflictuelle avec ces
Etats visés par le jihad.
a-
L’Irak n’est pas forcé d’apprécier que l’Etat français garantisse la libre
circulation voire la liberté à des criminels qui se servent de ce pays comme
base arrière de leurs actions sur le sol irakien.
b-
Il serait intéressant de se renseigner à propos de la colère et de la rancœur,
contre la France, des Etats et des populations des pays où les jihadistes venus
de France, d’Europe, se rendent pour organiser le chaos sanglant avant de
rentrer au bercail, français, allemand ou autre, expliquer qu’ils faisaient de
l’humanitaire, qu’ils se sont enfuis chassés par le dégoût, qu’ils combattaient
la tyrannie.
c-
A leur retour, les jihadistes ont pour principal souci judiciaire d’accepter de
suivre des stages de déradicalisation, pour ne plus gêner la France, ou du
moins ses illusions et sa bonne conscience.
3-
Le paradoxe
Par
quelle aberration juridique les criminels de sang qui visent à détruire les
Etats sur le sol desquels ils se rendent, avant de revenir dans leurs pays de
nationalité pour en faire autant, ne rendraient pas de compte aux magistrats des
deux types de pays où ils officient ?
3)
La coopération
1-
La criminalité
La
singularité de cette criminalité est donc d’être un « aller-retour »
également criminel dans chacune de ses parties.
2-
La justice française
L’Etat
français estime qu’il n’est pas compétent pour juger de crimes commis sur un
sol étranger.
Il
ne juge que le fait de vouloir partir sur un
site de crime ou de s’y être rendu.
Le
« retour » est donc bien un acte de catégorie
« criminelle ».
3-
La compétence
Le
droit ne peut s’appliquer que si les justices compétentes s’occupent de leurs
parties.
a-
Les magistratures des pays de l’Aller, ceux du jihad, sont compétentes pour
instruire et juger le parcours criminel commis à l’encontre de leur Etat. A
commencer par la venue à visée criminelle.
b-
Les magistratures des pays du Retour, les pays de nationalité des jihadistes,
sont compétentes pour instruire et juger de la criminalité du Retour. Laquelle peut
inclure la volonté de partir.
4-
L’ordre des priorités
a-
Dans l’ordre temporel et dans l’ordre intellectuel, c’est le pays de l’Aller
qui est premier dans le parcours de ces criminels.
Du
seul fait de s’être rendu sur le sol d’un pays dans un cadre jihadiste, les
présumés criminels doivent être remis à la justice de ce pays, lui rendre des
comptes, purger leur peine s’il y a lieu.
Qui
mieux que ces justices nationales peut enquêter professionnellement sur leurs
cas et entendre le cri déchirant de leur innocence incomprise ?
b-
Le Retour est second, non pas secondaire mais second, dans l’organisation de la
démarche du criminel.
Le
pays de Retour, de nationalité, doit donc juger le présumé criminel, en second.
Ce
dernier doit être remis à la justice du pays de Retour par le pays de l’Aller
lorsqu’il y a été jugé et qu’il en est quitte.
5-
Les conséquences
En
organisant une coopération judiciaire entre la justice française et les
justices des pays concernés, la France :
1-
Ne servirait plus de base arrière aux agressions contre des pays
souverains ;
2-
Reconnaitrait une bonne fois pour toute l’existence juridique de tous ces Etats.
6-
La binationalité judiciaire
Les
jihadistes voyagent beaucoup et il peut sembler difficile de saisir les lieux
d’expression juridique de la criminalité.
En
fait, les jihadistes qui nous intéressent ici, ceux d’une nationalité
européenne, n’ont que deux segments de parcours :
a-
Leur pays de nationalité
b-
Un pays musulman prioritaire.
c-
Ainsi, même si un jihadiste passe d’Irak en Syrie puis au Yémen en séjournant
au Pakistan, etc. ; un pays organisé par l’idéologie islamique peut être
nommé prioritaire.
C’est
ce que j’appelle une binationalité judiciaire.
4)-
Le prétexte fallacieux
L’argument
dit des « Droits de l’homme » conduisant au refus d’une coopération
judiciaire en raison d’accusations portées contre tel Chef d’Etat ne tient pas.
1-
La Syrie
En
2008, M. Assad était reçu à l’Elysée et au défilé du 14 juillet.
Au
même moment, un jihadiste condamné à 15 de prison en Irak, pays soutenu par les
américains et la France, s’évadait par l’explosion des murs de sa prison,
allait en Syrie, menait une lutte armée jihadiste contre le régime.
Voyant
que la chance tournait. Il a tout simplement téléphoné aux services secrets
français pour être exfiltré. Il s’est présenté libre au tribunal ou il était
jugé pour avoir voulu partir. Il s’est abstenu de reparaitre le jour du
verdict. Etc.
2-
Les autres Etats
Les
autres Etats, tel l’Irak, le Yémen, le Pakistan, l’Afghanistan, ne sont pas
concernés par ces accusations à l’égard du régime. Pourtant, ils subissent le
même ostracisme judiciaire de la part de la France.
Ce
n’est donc pas une question dite des Droits de l’homme.
5)-
Les magistrats
Les
dispositions de la justice française indiquent que ce sont les magistrats nationaux
qui sont compétents pour juger des crimes qui sont commis sur leur sol.
Ne
pas coopérer avec eux, quelque soit leur nationalité, pour leur permettre
d’instruire les dossiers des français jihadistes majeurs et valides, c’est dans
le même mouvement nier l’existence d’une criminalité et d’une
magistrature ; humilier un peuple et un Etat.
6)-
Conclusion
Il
ne peut y avoir de victoire contre le terrorisme hors d’une compréhension de la
réalité de celui-ci.
Cette
réalité nous conduit au constat d’une nécessaire coopération internationale
pour instruire et juger une criminalité qui est par nature judiciairement
binationale.
C’est
pourquoi je propose l’établissement d’une coopération judiciaire entre les
justices des pays dit de « site », ou « d’Aller », et la
justice française, au titre de pays de nationalité, ou de « Retour »,
en vue que les criminels soient remis par la justice du pays où il sont
saisissables à la justice du pays qui est le pivot de leurs actions criminelles.
A
partir du moment où il y aura des accords de coopération entre les pays
européens, dont la France, avec les justices des pays dits Arabes du
Moyen-Orient, la Turquie devra tôt ou tard livrer les jihadistes qui passent
sur son territoire, en aller ou en retour, à la justice concernée. Sauf à se
mettre en tord juridiquement.
En
vous remerciant pour votre attention,
Je
vous prie d’agréer, M. le Président de la République, l’assurance de mes
salutations distinguées,
Marc SALOMONE
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