Marc
Salomone / salomone.marc@neuf.fr
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Paris,
le vendredi 29 mai 2020
REFLEXION
SUR LA NOUVELLE ''GUERRE FROIDE'' IMPOSEE PAR LES ETATS-UNIS A LA
REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE (RPC) ; LA DUALITE LOGIQUE DE
L'EXTERIORITE ET DE L'INCLUSIVITE ; LES PROCESSUS D'INCLUSION
DES COMMUNISTES CHINOIS ET DES LIBERAUX AMERICAINS.
(Suite
de la réflexion du 20 avril 2020)
1)-
Préambule
Alors
que, par son efficacité, la Chine impose l'autorité de son Etat ;
les Etats-Unis font donner les grandes orgues de l'offensive
anti-chinoise.
Ils
organisent à nouveau une « Guerre-froide ».
a-
Elle vise en premier lieu le Parti communiste chinois (PCC) dirigeant
la République populaire chinoise (RPC).
b-
Elle reprend les thèmes ordinaires de l'action américaine : la
criminalisation de l’État concerné et le racket de ses finances.
Désormais,
ça ne cessera pas.
Les
universitaires français ont théorisé cet affrontement en notant
que, dans l'histoire, toutes les situations de concurrence entre une
puissance dominante vieillissante et une puissance dominante
émergente a toujours eu la guerre comme unique solution. Ils citent
l'exemple de la confrontation entre l'Allemagne et l’Angleterre
avant 1914.
Le
24 mai 2020, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi,
intervient sur deux points. Il s'inscrit dans les deux axes de
l'offensive américaine globale contre la Chine.
1-
Il prend acte que la Chine et les Etats-Unis sont « au bord
d'une nouvelle guerre froide ». Il précise que la Chine est
prête à en relever le défi.
C'est
exactement le même terme employé par les commentateurs français.
2-
Il déclare que la Chine est « prête » à une
coopération internationale pour identifier la source du nouveau
coronavirus. Mais une telle coopération devra s'abstenir de toute
« ingérence politique ».
Cette
nouvelle politique américaine a un autre effet. Elle place le Parti
communiste chinois qui dirige la République populaire de Chine
devant un défi.
La
réflexion ci-après est consacrée à la logique de ce défi du
point de vue européen.
1)-
Le défi
Une
des techniques décisives de cette stratégie de « Guerre
froide » est d'organiser l'extériorisation de la puissance
visée à l'égard du réseau étatique contrôlé par le camp
occidental (d'abord les Etats-Unis et l'Europe qui est aujourd'hui
l'Union européenne (UE)).
a-
La disqualification des organisations internationales où la Chine
est présente et qui échappent aux USA est une partie de la
manœuvre.
b-
L'éviction de Huawei de la 5G est aussi une pièce de ce dispositif
d'extériorisation.
Le
PCC est donc devant le défi suivant :
1-
Soit, la RPC qu'il dirige s'enferme dans le bunker d'une politique
''d'extériorité''.
Elle
colporte partout dans le monde une politique dite de « Mur de
Berlin ».
2-
Soit, la RPC s'inscrit dans une politique ''d'inclusivité ».
Elle
s'inclut dans les sociétés occidentales qui sont les lieux de la
direction mondiale actuelle.
La
République fédérale allemande (RFA) peut servir de référence :
a-
Avant le Traité de Maastricht, on disait d'elle qu'elle était un
géant économique et un nain politique.
b-
Depuis qu'elle s'est incluse avec l'UE, les choses ont changé.
Tant
que la RPC reste dans cette configuration d'extériorité, tous les
Etats concernés se situent dans l'optique de la guerre, même
« froide ».
Dans
ce cas, tous, y compris la Chine, se subordonnent donc au dispositif
américain.
2)-
L'extériorité
L'inscription
de la RPC dans la logique de l'extériorisation où veut l'assigner
le parti occidental se remarque dans le type d'offensive, de riposte,
que celle-ci oppose à l'offensive américaine de Guerre-froide.
1-
Dans ce type de riposte, la RPC est présente par :
a-
Sa puissance économique.
b-
Ses ambassades et ses prolongements locaux
c-
Ses relations dans les réseaux de cadres autochtones.
d-
La diaspora locale et ses membres devenus des personnes influentes,
voire puissantes, localement.
2-
Dans ce cas, les moyens de discussion entre la Chine et les instances
européennes, locales ou fédérales, sont inévitablement cadenassés
par le parti occidental qui détient tous les leviers de commandes.
Ils
sont réduits à la stricte discussion des rapports économiques et
des rapports de force.
La
diaspora sera elle-même enfermée dans une extériorité locale. Les
chinois seront une sorte d'arabes d'Israël.
Cette
conclusion n'est pas imaginaire puisque c'est exactement la logique
qui s'impose aujourd'hui.
Le
combat que mène l'ambassade de la RPC pour la manifestation de la
vérité a été récupéré comme une pièce majeure du « Mur »
que le camp occidental construit autour d'elle, c'est à dire de la
RPC et donc du PCC.
3)- Le malentendu
Or,
cette politique ne correspond plus :
a-
Aux rapports économiques de la Chine et du monde.
b-
A la politique inclusive du PCC depuis 1979.
1-
La nouveauté
a-
La Chine n'est pas une puissance économique mondiale parcequ'elle
serait « l'atelier du monde ». Une telle situation est
instable et provisoire depuis que l'Angleterre a inventé le marché
mondial.
b-
La Chine est l'égale des Etats-Unis d'abord parcequ'elle est dans
tous les processus industriels et universitaires du monde et aussi
qu'elle est désormais dans toutes les institutions et tous les
centres économiques du monde. Elle est présente dans les clubs de
Shanghai ou de Davos.
2-
L'illusion
En
transportant leurs industries en Chine, les dirigeants occidentaux on
cru perpétuer, sous une forme moderne, les rapports ordinaires
d'extériorité entre les souverainetés locales et la présence
impériale de l'occident.
Ils
ont pensé pouvoir répéter l'économie des « Comptoirs »
et l'urbanisme des zones étrangères fermées « aux chiens et
aux chinois ».
3-
La réalité
Dans
les faits, de façon inattendue pour eux, c'est la Chine qui s'est
installée dans le monde occidental dominant en organisant sa venue
chez elle.
Le
PCC a donc réalisé en Chine l'inclusion de la RPC dans le marché
mondial sous la direction de la RPC.
4-
L'inversion
L'objet
de la Guerre-froide est d'amener le PCC a inverser cette logique dans
les rapports de la Chine aux pays occidentaux.
La
Chine doit être en situation d'extériorité dans les pays
occidentaux.
5-
Le piège
Le
PCC doit refuser le piège de l'extériorité aux pays d'occident qui
lui est ainsi tendu par le parti occidental.
Il
est certes en position ''extérieure'' dans les affaires politiques
de souveraineté.
Cependant
ce serait un recul, et il négligerait le travail qui fut le sien de
s'installer de plein pied dans les formes économiques dirigeantes du
monde (le marché), s'il s'enfermait dans des pratiques du ''Mur de
Berlin'', voulues par les américains, dans ses rapports aux pays
européens.
Cette
pratique politique inclusive n'interroge pas seulement le PCC. C'est
déjà une pratique courante.
4)-
La logique d'intériorisation de la puissance
A-
La présence américaine
1-
L'Europe est liée aux USA par des liens séculaires de civilisation
mais aussi parce que les Etats-Unis sont présents en Europe de façon
autochtone.
Les
logiques américaines sont représentées par des européens
dirigeants, des entreprises, administrations, associations.
Ces
entités ne relèvent pas de la diaspora américaine. C'est
l’Amérique installée en Europe. Elle est partie prenante de
l'Europe.
Le
privilège des Etats-Unis est de pouvoir y associer des organisations
supra-nationales telles que l'OTAN.
2-
A ces fins, depuis 1945, les Etats-Unis ont transvasé en Europe des
milliards de dollars pour asseoir leur présence dirigeante
idéologique et politique : l'économie est en plus.
B-
La présence musulmane
On
prête moins attention à la présence du courant protéiforme dit
islamique. Il est cependant remarquable pour ce qui est de notre
sujet.
1-
Les transferts financiers politiques
a-
Ainsi, en 2013, à la demande d'associations musulmanes françaises,
en commun avec le gouvernement français l'émir du Qatar a abondé
un fond de 100 millions d'euros pour subventionner les arabes
musulmans qui voulaient ouvrir n'importe quel commerce.
b-
Les Etats maghrébins ont financé des centaines de mosquées sur
tout le territoire français.
c- Cette présence musulmane est déjà à l'origine de la constitution de territoires d'administration particulière et de jurisprudences.
c- Cette présence musulmane est déjà à l'origine de la constitution de territoires d'administration particulière et de jurisprudences.
2-
La diaspora
Ces
Etats peuvent s'appuyer publiquement sur leur diaspora pour deux
raisons :
a-
Les Etats concernés sont considérés comme des Etats subordonnés,
du tiers monde, par les Etats occidentaux.
b-
La diaspora musulmane se voit assigner par le parti occidental un
rôle politique dans les pays d'Europe de l'Ouest et dans les
relations de ceux-ci avec les pays musulmans.
c-
Par exemple, l'ouverture de l'UE aux populations musulmanes, diverses
selon les pays d'accueil, est la caution humaniste de l'intervention
occidentale en Chine concernant le Xinjiang.
d-
Ce soutien au Xinjiang peut aussi être un levier de négociation
avec la Turquie.
3-
La diaspora Chinoise
La
RPC ne pourrait pas s'appuyer de la même façon sur la diaspora
chinoise. Elle est dans une situation distincte.
Elle
est désormais une puissance égale, concurrente, à celle des
Etats-Unis.
Si
elle s'appuie directement et principalement sur la diaspora chinoise,
celle-ci sera rapidement considérée comme singulière voire
dangereuse.
Les
liens des ambassades et des diasporas chinoises seront suspects et
surveillés.
Les
médias appellent déjà à la surveillance des cadres dirigeants
suspects d'être des amis de la Chine.
5)-
La flatterie
Cette
nouvelle politique de ''containment'' ou endiguement et de
''Rollback'' ou refoulement impose des mécanismes politiques
quasiment psychologiques.
a-
Culpabiliser
Elle
vise précisément à couper partout les accroches du pays visé avec
les pays occidentaux et leurs subordonnés.
Le
pays subordonné à la doctrine de l'extériorité en vient à
considérer son intervention en occident comme une intrusion, une
forme de clandestinité.
Ses
rapports aux occidentaux sont faits de conflits à maîtriser ou
d’accommodements opportunistes.
b-
Flatter
Le
paradoxe de cette politique, la condition de sa réussite, est
qu'elle exploite, magnifie, suscite même, la fierté du pays visé
d'être étrange, singulier, isolé.
On
ne prête pas assez attention au fait que le parti occidental a
autant flatté que combattu l'étrangeté de l'URSS et des partis
communistes.
c-
Méduser
En
France, la défaite du PCF en 1981 (il passe de 22% à 15%) est
conditionnée par la flatterie révolutionnaire imposée par les
gauchistes à partir de Mai-68.
Les
communistes ont été hypnotisés par le verbiage et les poses dites
révolutionnaires des « gauchistes », «maoïstes »,
« trotskystes », « anarchistes » et cela les
a conduits à la défaite.
De
même pour l'URSS. Les dirigeants du PCUS ont été flattés d'être
la cible de « l'impérialisme américain » après avoir
été celui de l’Allemagne nazie : pour les mêmes raisons.
Cela
les a figé et détruit.
c-
Mobilité
Le
parti occidental se présente toujours comme celui d'un seul camp.
Or, il attaque de tout côté. Il ne néglige aucun aspect du combat
pour sa suprématie.
C'est
ce que Lénine a tenté d'apprendre aux parti communistes.
d-
L'inverse
Par
contre, les Etats inclusifs (les Etats-Unis, ou les pays musulmans)
banalisent leur présence.
6)-
L'inclusivité
La
RPC doit impérativement banaliser sa présence, l'inclure, à la
façon des Etats-Unis, des pays musulmans ou d'autres.
a-
Cela impose qu'elle s'installe en Europe comme le font les américains
ou les musulmans.
b-
Elle pourra alors construire un partenariat entre l'Europe et la
Chine à l'intérieur des sociétés européennes.
c-
Cette inscription dans la société doit se faire, aujourd'hui, selon
les canons du libéralisme occidental ; par le Capital et le
droit.
Dans
cette orientation, les réseaux de dialogues entre l'Europe (les
nations et la fédération), et la Chine, pourront prendre la
direction de la constitution d'un axe Europe-Chine stable, durable,
ordinaire.
L'axe
de partenariat européo-chinois acquerra la même évidence que l'axe
européo-américain.
Une
telle logique repose sur le volontarisme, la patience, et surtout
l'honnêteté et la loyauté.
Pourquoi
la Chine n'aurait-elle pas l'audace de retenir qu'elle est aussi
européenne ?
7)-
Le problème de l'inclusivité en Chine
Lors
de l'inclusion du marché dans l'économie socialistes étatiste, les
communistes des pays concernés se sont trouvés devant un problème.
A
partir du moment où l'argent privée, personnelle, allait devenir
une composante essentielle du pouvoir, les communistes seraient-ils
inclus dans le secteur capitaliste ou resteraient-ils étrangers à
celui-ci et exclusivement fonctionnaires quant ils sont dirigeants ?
Les
réponses à cette question sont multiples mais elles comportent une
réponse spécifique. De la même façon que les communistes sont
dans l'armée, ils doivent être dans le capital.
Des
communistes ont été nommés millionnaires et ont accompagné la
mobilisation des énergies qui a suivi le mot d'ordre de
l'enrichissement personnel.
Une
partie du capital est donc détenue par des cadres communistes.
Il
en est de même au Vietnam et aujourd'hui à Cuba.
8)-
Le problème en Europe
De
la même façon, en Europe, en France, le PCC doit installer une base
capitaliste liée à la RPC et y installer des personnes qui
garantissent la permanence de cette liaison. Son organisation étant
distincte.
La
diaspora chinoise est particulièrement dynamique mais elle ne peut
se retrouver dans une situation où sa politique financière
reviendrait à créer un front chinois en territoire européen. Ce
serait revenir à la politique d'extériorité et reproduire le
Rollback.
Il
faut donc que des européens disposent de capitaux ad hoc pour
implanter la présence chinoise en France, en Europe, au même titre
que d'autres implantent la présence américaine.
a-
Cette création peut être le fait de la puissance économique
publique ou des puissances économiques privées.
b-
C'est un engagement à moyen et long terme.
9)-
La différence
La
différence entre la Chine et l'Europe est qu'en Europe l'acquisition
de capitaux ne peut être liée directement à l'exercice d'une
fonction.
Le
but n'est pas de créer une réalité économique nationaliste
chinoise ; de politiser la diaspora. Celle-ci n'a pas
besoin de ce circuit pour prospérer.
Il
est de créer une réalité sociétale européenne ou nationale qui
par son fonctionnement garantisse le travail en commun de l'Europe
avec la Chine
10)-
Conclusion
Pour
l'instant, les communistes chinois ne peuvent que compter sur les
effets de la puissance de la nation qu'ils dirigent.
Seuls,
ils portent à l'isolement.
Les
interventions des représentants légaux de l’État chinois, les
ambassadeurs, s'inscrivent dans la logique d'extériorité, de
« Mur », voulue par les dirigeants américains et leur
politique de « Guerre-froide ».
Subir une logique n'est pas le meilleurs moyen d'imposer la sienne.
Je
préconise de construire en Europe, au profit des européens, la
logique politique qui a si magnifiquement fonctionné en Chine pour
les communistes et qui fonctionne de la même façon en Europe pour
les libéraux américains.
Marc
SALOMONE
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