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Paris,
le lundi 11 mars 2019
CONTRIBUTION
(13) AU DEBAT NATIONAL VOULU PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE EN
2019. LE RETOUR DES JIHADISTES (12), LE COURAGE DE RECONNAITRE LA
LEGALITE, PREMIER MINISTRE, DIPLOMATIE (Suite de la réflexion n°11
du 8 Février 2019, cf. : madic50)
1)-
La réflexion du Premier Ministre
Le
mercredi 6 mars 2019, le Premier Ministre Édouard Philippe est reçu
par Ruth Elkrief sur BFMTV
Interrogé
sur la question du retour des jihadistes, il tient les propos
suivants :
« Édouard
Philippe :
Nous
ne faisons revenir personne.
La
doctrine française a toujours été de dire que les français qui
partaient sur des zones de combats étaient des combattants.
Comme
nous livrons des combats, ils sont des combattants, français ou pas,
ils sont des combattants contre nous.
Lorsqu'ils
sont prisonniers, lorsqu'ils ont été arrêtés ils ont vocation a
être jugés sur le lieu où ils ont commis les crimes. Ils ont
vocation à être jugés et le cas échéant punis sur place.
C'est
ce qui se passe en Irak
Ruth
Elkrief :
Y
compris par la peine de mort ?
Édouard
Philippe :
Vous
savez que nous sommes opposés à la peine de mort.
Mais
les français qui se sont rendus coupables de crimes en Irak ou en
Syrie, ont vocation à être jugés en Irak ou en Syrie.
La
question que vous posez sur l'éventuel retour que nous ne souhaitons
pas puisque nous souhaitons que soient jugés sur place les français
qui seraient détenus non pas par les autorités syrienne mais par
les forces démocratiques syriennes, c'est à dire par les Kurdes
dans le Nord-Est du pays, pour l'instant ces français et beaucoup
d'autres nationalités sont détenus, Ils ont vocation à être jugés
là-bas. »
Le
propos du Premier Ministre a la clarté du courage et du bon sens
mais aussi les contradictions obscures de l'impasse juridique.
Aux
contradiction du discours du Premier Ministre, chacun peut comprendre
que le traitement judiciaire des prisonniers jihadistes de Syrie
entraîne les pays européens à un examen de leur rapport à la
légalité dont la légalité internationale.
C'est
à cet examen qu'est consacrée la réflexion qui suit.
2)-
Les contradictions
1-
Le Premier Ministre affirme nettement que les jihadistes « n'ont
pas vocation à revenir en France » et qu'ils « ont
vocation à être jugés là-bas ».
2-
C'est justement ce « là-bas » qu'il peine à définir.
La
formule d'orientation : « Mais les français qui se sont
rendus coupables de crimes en Irak ou en Syrie, ont vocation à être
jugés en Irak ou en Syrie. »
La
formule d'exécution : « les français qui seraient détenus
non pas par les autorités syrienne mais par les forces démocratiques
syriennes, c'est à dire par les Kurdes dans le Nord-Est du
pays,...Ils ont vocation à être jugés là-bas. »
3)-
Etat et ONG
Dans
l'énoncé de la position de principe du refus du retour des
jihadistes, l'Irak et la Syrie sont mis sur le même plan. Ce sont
deux Etats souverains qui à ce titre peuvent juger les criminels qui
officient sur leur sol.
Le
Premier Ministre et donc le gouvernement reconnaissent l'existence
« d'autorités syriennes » distinctement parallèles aux
« forces démocratiques syriennes » (FDS).
Ce
faisant, le Chef du gouvernement reconnaît à la fois l'existence
d'un Etat syrien et l'exclusivité du gouvernement de Damas dans la
représentation de cet Etat
Les
autres forces syriennes qui auraient pu prétendre à la
représentation de l’État ne sont pas reconnues comme telles.
Elles sont reconnues en organismes d'oppositions à l’État donc
extérieure à celui-ci et incapables de s'y substituer.
Elles
ne sont reconnues par personne comme puissance étatique. C'est la
raison pour laquelle le Président Trump demande aux européens de
reprendre leurs ressortissants lorsqu'il retire les Etats-Unis de
Syrie et abandonne les Kurdes.
L'Etat
syrien est de plein exercice et les FDS sont des ONG.
4)-
L'impasse juridique
C'est
à ce moment là que se construit l'impasse juridique.
La
politique diplomatique française séculaire ne reconnaît pas les
gouvernements mais les Etats.
A
rebours de cette politique le Premier Ministre reprend in fine la
logique selon laquelle l'opposition du gouvernement français au
gouvernement de Damas construit ou entraîne nécessairement la
possibilité légale de substituer diplomatiquement, légalement, les
FDS et Kurdes à l’État syrien, aux « autorités
syriennes ».
Cette
voie politique est forcément une impasse juridique puisque les FDS
ne peuvent pas remplacer l’État syrien.
En
définitive, identifier la « Syrie » aux Kurdes et aux
FDS revient à affirmer dans la même intervention un refus du retour
des jihadistes et une acceptation astucieuse de celui-ci.
Cette
pirouette politique en guise de définition juridique conduit à une
autre impasse sur le sol français puisque la justice française n'a
aucun moyen de connaître les crimes commis en Syrie et qu'elle n'a
cessé de répéter qu'elle n'avait ni le droit ni la volonté d'en
juger.
5)-
La confusion
La
construction de cette impasse juridique s'opère par la confusion de
la question jihadiste avec la question des confrontations des forces
politiques (« Autorités syriennes » et FDS).
Or,
ces deux réalités, les conflits politiques et le jugement des
jihadistes, sont distinctes.
1-
Les rapports conflictuels et militaires des « autorités
syriennes » avec les « FDS », dite encore
« opposition syrienne » peuvent être traitées dans les
instances diplomatiques.
2-
Les jihadistes sont uniquement des criminels de guerre. Ils ne
dépendent que du sort de la guerre et de la justice de la paix.
Les
jihadistes ne peuvent être ni politiquement ni juridiquement des
instruments de négociation, des faire-valoir, de la place des uns et
des autres dans les conférences internationales qui accompagnent ce
conflit qui mobilise sur le sol syrien une dizaine de pays.
Il
n'y a pas de continuité, politique et légale, entre d'une part la
rupture des relations diplomatiques avec le gouvernement syrien par
le gouvernement français et son engagement prioritairement aux côtés
des FDS, et d'autre part, la question judiciaire d'un groupe reconnu
universellement comme criminel.
Ils
ne sont ni des « partenaires » ni une « opposition ».
La
discussion du sort des jihadistes est uniquement une question de
mesures de guerre (ils sont tués sur le champ de bataille) et de
détermination de la justice compétente (ils sont jugés une fois
prisonniers).
Si
on fait semblant de voir une continuité entre la question des
jihadistes et celle des conflits politiques, il faudra bientôt
examiner la frontière bien mince entre les crimes des jihadistes,
des FDS et des « autorités syriennes ».
Cela
reviendra à entretenir diplomatiquement le chaos, politique et
militaire, et les jihadistes auront bien servi les fauteurs de
troubles internationaux.
5)-
Le chaos français
Si
cette confusion n'est pas dissipée, la politique française va
devenir un instrument de diffusion du jihadisme, sa zone de repli et
de restauration.
Il
suffit d'entendre les craintes des administrations françaises et des
français pour comprendre que les colliers de perles de la confusion
sont ceux de l'aventure.
Rappelons
que la justice française n'a aucun moyen de connaître les crimes
commis en Syrie et qu'elle n'a cessé de répéter qu'elle n'avait ni
le droit ni la volonté d'en juger.
Le
retour des jihadistes, contrairement à ce qu'on veut nous faire
accroire, ne concerne pas que l'ordre dans les prisons.
Ce
serait une victoire du parti islamiste français et de ses
ramifications dans l’État ; une manifestation de sa
puissance.
6)-
La légalité internationale
Le
Premier Ministre a certifié que l'Etat syrien existe. Ce qui
implique qu'il exerce de droit son « autorité syrienne »
sur tout le territoire de la Syrie. Son absence actuelle du
territoire Kurde ne lui retirent en rien cette qualité.
En
matière de jugement des criminels, la Syrie n'est en l’espèce ni
le gouvernement de Damas ni les multiples FDS.
La
Syrie judiciaire est la justice syrienne.
C'est
donc à celle-ci qu'il faut s'adresser pour examiner la question
judiciaire de ces jihadistes.
La
notion de Séparation des Pouvoirs permet à la justice française de
prendre langue avec la justice syrienne et d'examiner la question des
jihadistes détenus en Syrie par des ONG.
Passer
outre la justice des Etats du Sud est une culture du souvenir
colonial qui est une humiliation, même silencieuse, pour tous les
Etats concernés.
Ce
qui est un fait intangible est que les jihadistes ne peuvent pas
quitter le sol syrien sans y avoir été jugés et avoir répondu des
crimes qu'ils y ont commis. Ils ne peuvent le faire légalement que
devant les justices syrienne et irakienne.
C'est
seulement ensuite qu'ils pourront être rapatriés en France pour y
être jugés des crimes qu'ils y ont commis ou qu'ils voulaient
commettre en prenant la Syrie comme base de formation et d'expansion.
Ce
n'est pas la seule voie mais c'est la seule qui soit légale,
démocratique, efficace en matière d'ordre public.
Marc
SALOMONE
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