mercredi, décembre 07, 2022

07.12.22, Afghanistan-3, actualité

 

Marc Salomone /  marcsalomone@sfr.fr / Blog : madic50.blogspot.com (censuré) / Livre : Les deux formes, éd. Amazon.

Paris, le vendredi 8 juillet 2022

Pour : Madame Laure BECCUAU

PROCUREURE DE LA RÉPUBLIQUE DE PARIS


Objet : Réflexion2 confortant la plainte déposée le 8 juin 2022 et intitulée « Pour que se fasse le Procès dit des Emmurées vivantes ».

Sur l'intervention de Madame la Première Ministre et sur le constat d'actualité de la situation des Afghanes fait par Paris-Match.


N. Réf. : Plainte du 8 juin 2022 / complément du 20 juin 2022



Madame la procureure de la République

1)- Le journal officiel

Ce mercredi 6 juillet 2022, Madame la Première Ministre, Elisabeth Borne, a présenté son programme à la Tribune de l'Assemblée nationale.

Ce discours figurant donc au Journal officiel constitue, sauf erreur de ma part, une source de réflexion légale pour les magistrats dans l'utilisation des lois à des fins judiciaires.

Dans ce discours, elle dit explicitement que l'égalité des hommes et des femmes est un élément dirigeant de l'action de son gouvernement et qu'elle est une grande cause du quinquennat.

Elle a consacré une part significative de ce texte à citer les femmes qui ont arraché et construit la présence des femmes dans les institutions.

Il s'en suit qu'en consacrant du temps à l'étude de la réflexion ayant valeur de plainte portant sur l'implication certaine de français, d'européens, dans les crimes contre l’humanité et de guerre commis en Afghanistan par des groupes religieux armés, vous vous inscrivez dans la politique judiciaire du gouvernement.

2)- La culture publique

Par ailleurs, la même semaine, dans le magazine ELLE, Madame la Première Ministre déclare : « ça reste dans l'intérêt des hommes d'écarter la moitié de l'humanité »

Cette question de la fracturation de l'unité des sexes n'est donc pas une question Afghane quant à ses possibilités.

La France ne connaît certes pas cette criminalité.

Mais si les journalistes peuvent avec tant de sérénité partager les idéaux de pouvoir des criminels sexistes, c'est aussi parce que ce langage ne leur est pas si étranger que cela.

Le jugement de cette criminalité en France est donc utile.

Le droit n'a jamais été dit mais il y a matière à ce qu'il soit dit et il est utile qu'il le soit.

3)- L'actualité Afghane

L'hebdomadaire Paris-Match, du 30 juin au 6 juillet, publie un reportage de 16 pages, p. 33 à p.47.

Il s'intitule « Femmes Afghanes, La détresse et l'horreur ».

Ce numéro fait le point sur les horreurs dont sont accablées les femmes Afghanes tout autant que du courage qui les anime et sur lequel peut s'appuyer toute initiative judiciaire.

Cependant, ce pourquoi je me permets d'intégrer ce numéro dans les références de ma réflexion c'est qu'il met en lumières les deux lignes directrices de celle-ci.

1- D'une part, la disqualification des femmes sous le prétexte d'une application ordinaire des prescriptions religieuses, d'autre part, l'égalité des sexes, sont la seule alternative de toute la politique administrative afghane.

Ce que les journalistes résument par des formules que je reproduis ci-après.

2- Le droit est l'occulté du débat public afghan.

a- Les journalistes dessinent un combat entre deux lignes politiques dont l'une serait responsable de la fermeture et l'autre promesse d'ouverture.

b- Le Président Hamid Karzaï interviewé par ces journalistes répond en politique pour qui le dialogue avec les Talibans est la seule voie praticable sur le long terme.

c- La place du droit est vacante.

Or, quelque soit l'orgueil européen, notamment français, de traiter l'Afghanistan selon la dualité Paris-province (modernité-archaïsme) qui fait déjà tant de mal à la France, il est impossible de ne pas voir que le chaudron Afghan a produit de la modernité la plus pointue.

C'est là que les rapports entre les sexes sont apparus dans toute leur importance cruciale pour l'évolution administrative et culturelle de nos sociétés.

L'une des raisons de l'horreur de ce débat est justement que les seuls qui nomment cette importance et en développent les règles sociales sont ceux qui prennent le parti du crime d'effacement d'un sexe par l'autre.

Ils imposent leur détour par le droit religieux comme une évidence locale.

Les femmes citées dans la réflexion ont déjà invalidé cette opinion en 1992.

Elles attendent que soit dit le droit civil.

La réponse qui leur est faite :

1- Elle fut d'abord de nier cette détermination des moudjahidines, dont les talibans, à placer les rapports des deux sexes au-dessus de tout, des rapports économiques notamment.

C'est pourquoi les journalistes incriminés dans la réflexion se sont cachés derrière un imaginaire guerrier, féodal, justicier, etc.

Mais comme je l'ai démontré, cela n'a jamais été qu'un artifice de façade.

Les Moudjahidines ne voulaient plus rétablir un ordre ancien, ni sexiste ni féodal. Ils voulaient d’abord fonder la modernité de leur société, son rapport au monde le plus moderne, dans l'acte crucial de la subordination des femmes.

Ils n'ont pas su régler la question ancestrale des Seigneurs de guerre.

Les Talibans l'ont fait à leur place.

Mais la solution talibane est la suprématie des rapports des sexes tels que les concevaient les Moujahidines.

2- Elle fut ensuite d'interdire l'exportation du modèle.

Le terrorisme qui passe pour un repli arriéré est aussi une confrontation à la modernité.

a- La première faillite de cette tentative s'est soldée en 2001 par la guerre contre le terrorisme

b- La seconde faillite de cette tentative se traduit aujourd’hui par un vague endiguement (le refus de reconnaître le régime).

Puis par une incitation d'évoluer formellement pour ne pas obliger les autres gouvernements d'accepter le principe taliban de la disqualification d'un sexe par rapport à l'autre puisque l'occident n'est pas capable de les contraindre à accepter l'égalité des sexes (c'est l'actuel régime des sanctions).

Chacun peut constater l'inefficacité de cette réponse aveugle puisqu'elle est incapable de nommer la question.

Elle est d'autre part cruelle parcequ'elle fait peser sur la population le poids des responsabilités des dirigeants afghans et de leurs interlocuteurs.

Comment ne pas voir une concomitance d'influences réciproques entre l'entente des américains et des talibans pour la reprise du pouvoir par ceux-ci et la décision de la Cour suprême des Etats-Unis de déconstitutionnaliser l'avortement ?

4)- L'alternative

Il y a encore peu, il semblait définitivement acquis que le seul Droit est le droit civil et que les divers droits religieux sont des conventions privées ou des particularités locales en voit de résorption.

L'innovation révolutionnaire des Moujahidines est d'avoir laissé les orgueilleux occidentaux les toiser de haut pour finalement les amener à saisir l'opportunité offerte par les jihadistes des montagnes afghanes de restaurer la parité des droits religieux et civils ; au nom sacré de la souffrance, du désintérêt, de la révolution, de la Résistance. Chapeau l'artiste !

Il en a été ainsi car tous les diplômés français qui sont allés se ressourcer dans le Kandahar, comme leurs prédécesseurs le firent à Katmandou, ne furent pas les naïfs généreux tels qu'ils se donnent à voir.

Beaucoup ont ramené en occident ce qu'ils étaient allés chercher et précisément cette restauration d'une alternative à l'unicité du droit.

Ainsi, un normalien, agrégé de philosophie, est-il retourné en Libye après la guerre à laquelle il a contribué de façon dirigeante, pour saluer un rassemblement de Tribus et y dire que lui aussi appartenait à une très ancienne et puissante Tribu ; celle des Levi.

Sa première préoccupation en France est évidement la citoyenneté. On le croit sur parole.

5)- Conclusion

La politique administrative afghane ne peut que se présenter comme une pratique criminelle.

Mais elle est aussi une formidable aventure humaine puisque pour la première fois une société met en lumière le rôle crucial des rapports des deux sexes à l'état pur (c'est à dire ramenés aux rapports des hommes et des femmes sans intermédiations) dans l'organisation administrative de la société.

Les débordements du droit religieux en occident, la définition d'une politique juridique par Madame la Première Ministre, ces articles, indiquent qu'il faut enfin que le droit civil nomme ces choses, dépose des noms, des mots, des lois, des qualifications, sur cette réalité.

Pour cela, le droit civil doit être dit par des juges et non plus par des substituts politiques, médiatiques, religieux, et autres.

Pour les femmes afghanes et pour tout le monde, il ne serait pas sans intérêt que ce droit se dise à Paris.

Depuis 1992, les faits ont amplement prouvé que rien ne remplacera le droit ni personne ne remplacera les juges dans le traitement d'une affaire qui relève du droit et de la justice.

Face à la dignité des Afghanes dans la continuité du crime, j'ai peine à dire que les français doivent avoir le courage de prendre leurs responsabilités ; juste cela.

En vous remerciant pour votre attention et en restant à votre disposition,

Je vous prie d'agréer, Madame la procureure de la République, l'assurance de mes salutations distinguées,


Marc SALOMONE


PS : citations de l'article de Paris-Match,

A- La primauté de la disqualification des femmes.

a-« Mis au ban de la communauté international, le pays s'enlise dans une crise économique et humanitaire majeure.

b- « Mais ses nouveaux maîtres ont une priorité : contrôler la vie des femmes ».

Partout dans le pays les décrets font disparaître les femmes de la vie sociale.

Les femmes sont les premières victimes d'un régime qui se vante d'avoir ramené la paix dans les rues mais qui est incapable de gouverner.

En revenant au pouvoir les Talibans se targuaient de restaure la sécurité. Celle des femmes ne fait pas partie du programme.

Ces derniers mois une hécatombe silencieuse frappe les Afghanes.

« La guerre s'est tue dans les rues pour se déplacer à l'intérieur des maisons ».

« C'est pourtant sur la restriction de la liberté des femmes qu'ils concentrent l'essentiel de leurs efforts ».

B- L'exclusivité politique

1- Les journalistes

Les débats ne portent évidemment pas sur une inconcevable égalité entre hommes et femmes, mais sur la marge de liberté qu'il convient d'accorder à ces dernières : faible ou totalement inexistante ?

La ligne ultra-rigoriste qui se dessine depuis plusieurs semaines émanerait de Kandahar, province du sud du pays, berceau du mouvement.

La capitale d'un monde orwellien où tout est interdit.

2- Hamid Karzaï :

L'éducation des filles est un enjeu vital pour notre avenir à tous.

En tant que citoyen et ancien président, je veux simplement œuvrer pour la paix et pour que chaque Afghan puisse vivre dignement.

Mais la condition sine qua non, c'est que les filles retournent à l'école !

Comment y parvenir concrètement ?

Nous devons continuer à parler aux talibans, remettre systématiquement ce sujet sur la table.

Le reste du monde doit également soutenir nos efforts.

Mon conseil aux talibans est le suivant : concentrez vos efforts pour impulser un dialogue politique.

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