mercredi, décembre 07, 2022

07.12.22, Afghanistan-4, jurisprudence européenne (Suède et France)

 

Marc Salomone / marcsalomone@sfr.fr / Blog : madic50.blogspot.com / Livre : Les deux formes, éd. Amazon.

Paris, le lundi 18 juillet 2022


Pour : Madame Laure BECCUAU

PROCUREURE DE LA RÉPUBLIQUE DE PARIS


Objet : Apports des enquêtes journalistiques et de la jurisprudence européenne (suédoise et française) à la plainte du 8 juin 2022


N. Réf. : Plainte du 8 juin 2022 / complément du 20 juin 2022 et du 8 juillet 2022.



Madame la procureure de la République


1)- L’apport du journalisme

1- Le fait juridique de l’esclavage

Au sujet de l’Afghanistan, le Canard Enchaîné du 13 juillet 2022, voir ci-après, se fait l’écho d’une enquête d’El Pais, journal espagnol, relayée par Slate, concernant l’économie esclavagiste, organisant la vente et l’achat d’êtres humains, produite par la politique de disqualification d’un sexe au profit d’un autre.

A cette occasion, l’enquête conforte celle de la Banque mondiale établissant le lien entre l’esclavage et la déscolarisation des femmes.

Ces deux politiques sont indissociables de la fracturation de l’unité humaine établie par la plainte du 8 juin 2022.

2- Le choix

En 1992, chaque partie afghane a été placée devant le choix d’une reconduite volontaire des relations sociales et administratives ancestrales, féodales, ou celle de l’évolution démocratique de l’ensemble du dispositif administratif et social.

La discussion relatée par le journalistes Chalandon montre que les Moujahidines ne se sont pas inscrit dans une continuité culturelle pour mener une lutte dite de libération nationale qui, justifiée ou non, n’avait plus aucun prétexte en 1992.

Ils se sont servis d’une représentation chimérique de cette lutte pour fonder la modernité sur la fracturation de l’unité des sexes sous couvert d’une hypertrophie des règles les plus obscurantistes de la tradition, leur industrialisation.

Lors de cette discussion, les femmes mettent les journalistes et les diplômés occidentaux qui participent à l’aventure des Moudjahidines devant la reconnaissance et la qualification de la criminalité de cette ligne politique.

C’est ce qui fonde en droit la qualification de leur participation au crime contre l’humanité qu’est cette fracturation de l’humanité et au crime de guerre qu’est l’usage d’une activité criminelle civile au prétexte d’une activité de guerre qui de toute façon, en 1992, n’a plus de fondement réelle et donc légal.

2)- La continuité

L’activité sociale fondée sur le commerce esclavagiste pose deux questions :

1- Le lien de 2022 et de 1992.

Un documentaire sur Ben Laden paru récemment à la télévision montre le Mollah Omar, chef des Talibans, recevant Ben Laden en 1996 (après la victoire des Talibans sur les autres Moudjahidines).

Il lui déclare :  vous avez combattu avec les Moujahidines. Vous avez donc votre place en Afghanistan ».

Dans le même documentaire, le petit-fils du commandant Hekmatyar (illustre Moujahidines) raconte comment son grand-père à sauvé Ben Laden et ses hommes en leur permettant de fuir l’attaque victorieuse de l’ennemi.

Les distinctions entre les deux mouvements sont subordonnées à leur unité.

Les deux font parties d’une même continuité stratégique. Les uns sont des seigneurs de guerre, les autres sont des bureaucrates religieux. L’asservissement des femmes est leur point commun national.

Face à la citoyenneté imposée par les communistes jusqu’en 1992, puis partiellement par les américains de 2001 à 2021, leur programme est le même : conserver les formes administratives ancestrales vouées à la féodalité et reposant sur la domination d’un sexe sur l’autre et les utiliser comme support d’une administration d’un pays moderne ayant sa propre politique d’ouverture sur le monde (même si elle ne reprend pas les codes occidentaux).

2- L’exemple de l’esclavage

La vente et l’achat de femmes et d’enfants existe depuis la nuit des temps en Afghanistan.

Mais l’esclavage actuel ne provient pas de cette tradition.

Il a été produit par la reconduction volontaire de celle-ci en 1992 par les Moujahidines ainsi que par leur branche talibane et avalisée par leurs complices civils occidentaux sous le prétexte du respect des traditions et de la non-ingérence.

En 1992, l’esclavage d’une partie des femmes et des enfants fait déjà partie intégrante du paquet administratif des Moudjahidines, dit de la Tradition, auxquels se sont associés les interlocuteurs de ces femmes citées par le journaliste Chalandon et leurs semblables.

En 1992, les journalistes savaient que ces pratiques n’étaient pas un passé à effacer mais un devenir à garantir.

3)- Les journalistes

Cet article de presse nous rappelle qu’ils connaissent :

a- l’art. 1 de la Déclaration : « Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

b- L’Abolition de 1794 ou de 1848.

Ils ne pouvaient donc ignorer que des gens qui s’inscrivent contre ces règles sont des criminels qui ne peuvent être soutenus dans leur action sans que cela entraîne une complicité juridique.

4)- Les magistrats

Les justices européennes ont tous les moyens pour étudier publiquement, loyalement, professionnellement, les crimes possibles commis par leurs ressortissants à l’étranger lorsqu’ils contribuent à la fracturation juridique de l’humanité.

Ils peuvent également juger les criminels étrangers pour des crimes commis chez eux dans la mesure ou ceux-ci se fondent sur des principes publiquement contraires aux principes du droit international.

Cette jurisprudence formée par la Compétence universelle ne peut s’entendre durablement que par son impartialité.

Elle juge les étrangers visés par les États occidentaux parce qu’elle est capable de juger aussi les nationaux soutenus par ces derniers.

5)- La jurisprudence

Je fais part ici de l’activité des tribunaux européens en ce qui concerne « la compétence universelle ».

1- La suède

Le 14 juillet 2022, la justice suédoise a condamné Hamid Noury, 61 ans, à perpétuité un ancien responsable d’une prison iranienne pour son rôle dans des exécutions de masse de milliers d’opposants par le régime iranien en 1988.

il avait agit après une fatwa du guide suprême de l’Iran », l’ayatollah Khomeiny.

C’est une première dans le monde.

la plainte a été instruite en vertu du principe de « compétence universelle » permettant à la Suède de poursuivre des auteurs présumés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, quels que soient leur nationalité, celle des victimes et le pays où se sont déroulés les faits.

2- La France

Le 16 décembre 2021, Claude Muhayimana, 60 ans, ancien chauffeur d'un hôtel à Kibuye au Rwanda, réfugié en France, a été condamné, à 14 ans de prison par la cour d'assises de Paris.

Il était accusé de "complicité" de génocide et de crimes contre l'humanité pour avoir "aidé et assisté sciemment" des miliciens en assurant à plusieurs reprises leur transport sur les lieux de massacres.

Le ministère public a apporté cette précision jurisprudentielle : "Ce qui met définitivement à néant l'argument de la contrainte c'est la durée et la fréquence au service du génocide; c'est un homme qui répond présent".

La continuité de la présence dans le crime alors que celui-ci ne peut être ignoré pour ce qu’il est constitue une culpabilité de participation volontaire.

3- L’ONU

La Haute commissaire aux droits de l'homme, Michelle Bachelet a salué vendredi 15 juillet la condamnation «historique» par la justice suédoise d'un ancien responsable d'une prison iranienne pour son rôle dans des exécutions de masse.

«Les États devraient faire usage de la juridiction universelle pour s'assurer que les crimes graves sont punis et faire prévaloir la vérité et la justice», a déclaré Michelle Bachelet dans un tweet de ses services.

Ces exemples constituent une jurisprudence et un argumentaire contre les faux-fuyants des personnes incriminées pour ne pas répondre de leurs fautes présumées au prétexte des étrangetés de leurs positions.

6)- Conclusion

Comme l’indique l’article du Canard Enchaîné « Les pressions internationales n'ont pas l'air de les émouvoir outre mesure. »

Bien au contraire, elles leur donne une aura de martyrs, de persécutés, de résistants.

Seule la qualification judiciaire interdira de confondre la Tradition, l’arriération économique et le crime.

Elle réorganisera les relations internationales complexes de ces criminels, sur leurs déplacements dans le monde, et pèsera inexorablement sur leurs capacités à prolonger le crime.

Elle armera juridiquement les victimes et les démocrates.

Afasana, 8 ans, et Afshin, 3 ans, vendues, attendent l’ouverture de cette procédure et le jugement qui s’en suivra pour voir se défaire les mailles du filets qui les asservit.

Elles peuvent encore être libres.

En vous remerciant pour votre attention et en restant à votre disposition,

Je vous prie d'agréer, Madame la procureure de la République, l'assurance de mes salutations distinguées,


Marc SALOMONE



PS : l’esclavage des fillettes


Kaboul au ventre

Le Canard Enchaîné, le 13,07,2022

ELLE s'appelle Afasana.

Elle est afghane. elle a 8 ans et va bientôt se marier.

Elle a rudement de la chance, Afasana, car son futur mari, qui l'a achetée 2 300 euros à son père, criblé de dettes, a promis de la laisser aller à l'école. Enfin, peut-être, faut voir.

Et puis, il n'a que 25 ans, il aurait pu être vieux, et l'enfant espère manger deux fois par jour, si sa belle-famille le veut bien, raconte « El Pais », relayé par Slate, qui consacre une enquête à la vente des petites filles en Afghanistan.

Afasana pourra peut-être aller à l'école... à condition que les écoles rouvrent. Car la rentrée, initialement prévue en mars, a été différée.

Impossible de savoir quand le pouvoir taliban annoncera la réouverture des écoles pour filles, si réouverture il y a.

Les pressions internationales n'ont pas l'air de les émouvoir outre mesure.

Quelques provinces du Nord, comme celle de Faryab, se distinguent du pouvoir central en envoyant les filles étudier. mais le phénomène est limité.

La règle. pour les lemmes. c'est l’illettrisme et les maternités à répétition.

Un rapport de la Banque mondiale rendu public en2016 révélait qu'à peine une sur cinq savait lire et écrire.

Parfois, Afasana joue avec Afshin. Toutes les nuits depuis qu'elle sait avoir été vendue. Elle pleure. Afshin a 3 ans. Son père l'a vendue, elle aussi, mais elle l'ignore encore.


A.-S. M.




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