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traduction : le texte de référence est le texte français.
Paris,
le mardi 21 août 2018
REFLEXION
SUR LES INCONVENIENTS DE LA SUBORDINATION DES ENTREPRISES A LA
LOGIQUE DU PAIEMENT D'UNE DETTE ET SUR LES AVANTAGES D'UNE
INDEMNISATION NON SPOLIATRICE
1)-
La fracture
Le
10 août 2018, un tribunal américain condamne Monsanto à 289
millions de dollars d'amende dont 250M d'indemnité punitive. Le
plaignant demandait 400 millions.
Même
si le tribunal américain sonne la charge contre Monsento au nom de
la santé publique et des droits personnels ; la complexité de
l'affaire vient de ce qu'elle associe :
a-
Les bouleversements capitalistiques, tels que la concurrence des
fusions de Dow-Dupont le 16 juin 2017 et de Bayer-Monsento le 7 juin
2018,
b-
Les questions environnementales,
c-
Les questions de santé publique,
d-
Le nationalisme patent de l’État américain depuis plusieurs
années.
Que
ce soit l'affaire Exécutive-Live, Volkswagen, ou Monsanto ;
l’État américain a toujours « 5000 » plaignants sous
la main.
Cette
fois-ci, l'association des affrontements capitalistiques, de
l'environnement, de la santé publique, entraîne une sorte de
mondialisation de l'affaire et la sort des litiges purement
professionnels.
Selon
Le Monde du 14,08,18 : « De fait, si les sanctions
boursières s’ajoutent au concert des critiques
environnementalistes, l’étau va se resserrer autour du groupe
allemand. »
2)-
La coopération
Les
masses souffrantes américaines et les masses protestataires
européennes donnent une dimension politique à cette affaire sous
l'influence des écologistes.
C'est
pourquoi les engagements pris par Bayer AG de considérer les ONG
concernées comme des partenaires d'une évolution stratégique et
non comme de simples adversaires ne prend pas.
Juillet
2018, Le Monde : Le groupe cherche à tisser des contacts avec
ses opposants issus de la société civile. « Ils
veulent le dialogue. C’est une démarche inédite de leur part »,
confirmait début juillet au Monde
un responsable de la branche française d’une grande ONG de défense
de l’environnement.
Mais
tout ce passe comme si ces ONG reconnaissent la bonne foi de Bayer AG
et se retiennent de donner suite à ses propositions.
Bayer
AG n'est plus seulement une partie judiciaire, comme Volkswagen. Elle
est un camp politique. Un ministre français a annoncé une
« guerre ».
Or,
il est effectivement impossible d'imaginer l'avenir de l'agriculture
sans les ingénieries chimiques et agricoles.
La
réflexion naturaliste des écologistes peut conduire à un regard
critique sur ce qui se fait et à des innovations locales. Elle peut
les qualifier pour être des partenaires dans le dialogue avec les
Etats et les entreprises spécialisées. Elle ne peut les habiliter à
s'y substituer.
Bayer
AG a donc raison de dire qu'elle fait partie de la solution.
Franck
Garnier, PDG de Bayer France
a-
"Le terme de 'guerre' est un mot fort, et je le considère comme
inapproprié. Je parlerais beaucoup plus de travail que nous devons
faire en coopération. Et je dirais également que nous faisons,
nous, partie de la solution",
b-
"Nous travaillons en partenariat avec les filières agricoles
pour développer des nouveaux produits et répondre à leurs
attentes, donc nous sommes déjà dans la collaboration. Et puis
notre engagement, depuis quelques années, est d'aller de plus en
plus loin vers le développement de solutions alternatives, notamment
des substances naturelles, qui vont pouvoir se substituer à des
produits phytosanitaires classiques, et qui vont être aussi
utilisables en agriculture biologique. Ces solutions alternatives,
nous y travaillons intensément".
3)-
La condition
Il
ne pourra en être vraiment ainsi que si Bayer AG est capable de
sortir de ces têtes-à-têtes entre « les victimes et leur
bourreau », les « écologistes et les chimistes ».
Cette
dualité impose :
a-
Soit le paiement des « dommages-et-intérêts », ruineux
pour l'entreprise et surtout disqualifiant auprès des pairs,
b-
Soit la défaite des victimes, ruineuse pour l'image d'une entreprise
allemande dont les bonnes âmes ont bien sûr rappelé les
antécédents historiques.
Selon
Michael
Leacock,
analyste de MainFirst :
a-
Bayer, qui a poursuivi Monsanto de ses assiduités au point de
relever trois fois son offre, mise sur la nécessité de produire
plus sur des surfaces restreintes, donc sur une agriculture toujours
plus intensive.
b-
Mais ce pari à long terme ne pourra s'imposer dans l'esprit des
opérateurs que « lorsque l'ensemble des litiges seront
réglés ».
4)-
Le litige
Je
n'ai rien à dire quant à la complexité de la situation (fusions,
environnement, santé publique).
Par
contre, je propose une réflexion sur une séquence aujourd'hui
cruciale de cette affaire qui est celle du paiement des
dommages-et-intérêts autrement dit, pour les boursiers, du
règlement de « l'ensemble des litiges ».
Bayer
AG a baissé de 10% en bourse au seul titre de la subordination de
l'entreprise aux aléas des décisions de justice concernant les
dommages-et-intérêts.
Selon
Michael Leacock, il est « fort probable » que les
investisseurs gardent une vision « très sombre »
du mariage Bayer-Monsento et infligent au titre du groupe allemand
« une décote substantielle par rapport à ses pairs ».
Cette
entreprise est prisonnière de la logique spoliatrice du paiement.
1-
les chiffres :
a-
«Si chaque procès perdu coûte un quart de milliard de dollars, il
n'en faut pas beaucoup pour que ça devienne assez cher», estime
Michael Leacock, analyste chez MainFirst. Selon lui, la facture
pourrait atteindre 10 milliards de dollars.
b-
Se fondant sur des affaires analogues comme celle de
l'anti-inflammatoire Vioxx de Merck, la banque Berenberg parvient au
chiffre de 5 milliards de dollars. Si le jugement du 10 août
était confirmé en appel, Bayer chercherait probablement à
transiger avec les plaignants.
c-
Dans le passé, Bayer a déjà eu affaire à la justice américaine.
En 2003, le groupe allemand avait été condamné par la justice
texane pour son anticholestérol Baycol, qui avait coûté la vie à
plusieurs patients. Le laboratoire avait retiré de la vente le
médicament en 2001 il avait dû payer 4,2 milliards de dollars
suite aux multiples procès.
2-
Les prévision des banques
a-
La banque allemande DZ Bank, qui a diminué son objectif de cours de
112 à 86 euros, à l’instar d’autres analystes
d’établissements concurrents. « Il
n’est pas certain que ce jugement soit confirmé et que les autres
plaintes aboutissent. Mais nous voyons au moins le risque que Bayer
doive payer plusieurs milliards d’euros de dommages et intérêts.
A notre connaissance, il n’existe pas de cas similaire dans le
secteur agricole », alerte ainsi Peter Spengler, chez DZ Bank.
b-
« Même si nous ne connaissons pas l’issue du jugement, les
risques judiciaires pour Bayer en tant que société mère ont
fondamentalement augmenté », estime pour sa part dans une note
Bernhard Weiniger, chez Independent Research.
5)-
L'entrave
En
restant subordonnée à l'idéologie de la dette et du paiement de
celle-ci, l'entreprise perd toute capacité d'initiative à l'égard
des acteurs humains de l'affaire.
a-
Comme un navire que les courants ramènent constamment vers les
rochers ; elle est en permanence drossée vers la souffrance des
plaignants et doit répondre de son inhumanité envers des mourants
avant de pouvoir se faire entendre sur le fond du dossier.
b-
C'est un cas similaire à celui des Etats confrontés à l'inhumanité
de la mort d'un innocent par leurs services et qui ne savent pas
réparer le préjudice personnel ni même en comprendre l'importance
et s'interdisent ainsi de reprendre la direction politique de cet
événement.
c-
L'entreprise avance entravée alors qu'un Ministre du gouvernement
français lui déclare « la guerre » et que ses
contempteurs l'accusent au contraire d'en être la cause.
6)-
La solution
Les
dommages-et-intérêts sont du ressort des seuls tribunaux.
a-
Certes, les tribunaux américains n'ont pas inventé le
Dommages-et-intérêts ni l'amende. Mais ils en ont acquis la
maîtrise de la manipulation mondiale au service de leurs entreprises
et de leur économie nationale.
b-
L'entreprise européenne paraît donc dans la situation du lapin
prisonnier du regard hypnotique du serpent et qui n'a qu'à attendre
d'être frappé.
C'est
ce sur ce seul point que porte ma réflexion.
a-
Il faut que les tribunaux définissent les victimes et leur dol par
une procédure dédiée. C'est déjà le cas aux Etats-Unis.
b-
L'entreprise peut faire avaliser par ces tribunaux une modalité
d'indemnisation qui ne soit pas prédatrice pour l'entreprise et qui
sorte les victimes, leurs souffrances, leur vengeance, des procédures
judiciaires et des débats professionnels.
C'est
possible parce que l'entreprise retrouve alors une place de
partenaire dans le débat judiciaire.
7)-
Conclusion
Ce
faisant :
1-
L'entreprise écarte du débat public :
a-
Le questionnement de sa solidité financière induit par sa
subordination à un paiement de dommages-et-intérêts qui est
spoliateur pour elle.
b-
La manipulation des victimes dans les débats de professionnels.
2-
La manipulation de l’indemnisation à des fins de ruine et de
domination devient caduque.
C'est
une question qui porte sur des milliards d'euros.
Elle
peut alors se consacrer aux aspects stratégiques des implications de
ses activités. Elle sera à nouveau audible dans sa proposition
faite aux ONG de l'établissement d'un partenariat.
Marc
SALOMONE
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