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Paris,
le samedi 5 janvier 2019
REFLEXION
2 SUR LA COMPOSITION DES REVENUS DES PDG A LA SUITE DE L’INCARCÉRATION DE M. GHOSN ET SUR LA COMPARAISON INÉVITABLE DE CES
REVENUS AVEC CEUX DES STARS. INDEMNISATION 23 (Suite de la réflexion n°22 du
16-19 décembre 2018. cf. : madic50)
Un
site publie la liste des 20 stars française les plus riches
(vedettes de cinéma, les mannequins, les sportifs, chanteurs, etc.).
a-
5 ont un capital de 8 à15 millions d'euros.
b-
3 ont un capital de 20 millions d'euros.
c-
4- ont un capital entre 40 et 50 millions d'euros
d-
2- ont un capital de 60 millions d'euros
e-
2- ont un capital de 68 millions d'euros
f-
2- ont un capital de 70 et de 75 millions d'euros
c-
2 ont un capital de 150 millions d'euros et de 200 millions d'euros.
Par
conséquent, 15 on un capital supérieur à 15 millions.
Un
autre site fait la même comptabilité pour les 50 stars
anglo-saxonnes les plus riches.
a-
A moins de 20 à 60 millions d'euros par an, ils ne se lèvent pas le
matin.
b-
Plusieurs de ces vedettes sont milliardaires en dollars. L'essentiel
des surplus de revenus provient de la vente de produits dérivés de
leurs prestations personnelles ou d'ajouts de succès commerciaux de
magasins.
Il
n'en va pas de même des PDG salariés des multinationales
françaises. En compagnie de leurs semblables du monde global, ils
sont en train de le faire savoir.
L'affaire
Ghosn nous indique d'abord qu'il est l'un des trois patrons les mieux
payés du CAC40. Les autres gagnent donc moins que lui. Cela en fait
un bon point de repaire.
M.
Ghosn est le PDG de l'alliance franco-japonaise
Renault-Nissan-Mitsubishi.
a-
Sous sa direction l'alliance a vendu 10,6 millions d'automobiles et
utilitaires légers en 2017.
b-
Elle a alors atteint pour la première fois la première place
mondiale du secteur.
c-
En 2016, les dividendes des actionnaires ont augmenté de 31% en un
an.
d-
Dans le monde, l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi emploie plus de
450.000 personnes réparties sur 122 sites industriels implantés sur
les cinq continents:
e-
Le capital de l'alliance est d'environ 45 milliards d'euros.
Le
19 novembre 2018, Carlos Ghosn, et Greg Kelly, respectivement
président-directeur général et directeur du développement de
l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, sont arrêtés et placés en
garde à vue au Japon pour fraude fiscale présumée et abus de biens
d'entreprise,
Ce
coup de force florentin fut préparé par une enquête interne dans
l'entreprise dont M. Ghosn était le PDG et sans qu'il soit mis au
courant. Ce qui définit un complot.
a-
Comme d'habitude, la victime du complot n'a rien vu venir.
b-
L'Etat français dispose de services secret qui ne l'ont informé de
rien alors que l'un des buts manifestes de l'opération est d’asseoir
la domination japonaise dans le groupe Renault-Nissan-Mitsubishi au
détriment de Renault ; c'est à dire de la France.
c-
Le capital français et ses représentants publics ou privés sont
les perdants, voire les vaincus, de l'affaire.
Rien
n'est reproché à M. Ghosn de sa gestion d'entreprise.
a-
Il s'agit de détruire sa personne sans débat et sans défense
possible, sauf à être complice d'un criminel, puis d'imposer une
nouvelle ligne entrepreneuriale.
b-
Chacun doit s'aligner sur la vertu.
c-
C'est la définition des procès dits « en sorcellerie ».
Comme
à l'accoutumée, le bénéficiaire du complot est celui qui
l'organise et qui lance immédiatement l'opération médiatique de
disqualification du chef idolâtré jusqu'alors.
Les
média sont chargés de nous informer longuement sur les
appropriations salariales et patrimoniales exagérées et sans doute
illégales de M. Ghosn.
Par
exemple :
1-
Le cabinet de conseil Proxinvest déclare que M. Ghosn a cumulé 15,4
millions d'euros de salaire.
(Sur
les 20 stars les plus riches, seules 5 ont 15 millions et moins)
a-
Il conclut qu'il s'agit là d'une somme « totalement excessive
tant au regard de la taille du groupe, que de ses pairs européens ou
français. »
b-
Autrement dit, les PDG du « cac40 » gagnent moins de 15
millions par an.
c-
Il est reproché à M. Ghosn d'avoir organisé ses revenus de façon
a atteindre 100M d'euros de capital.
(Sur
les 20 vedettes françaises les mieux pourvues, quatre ont entre 70
et 75millions).
2-
Les syndicats de salariés règlent leurs comptes avec ce
« Cost-killer ».
Cette
boulimie d'argent et de propriétés serait en contraste avec
l'humilité dont feraient preuves par principe ses alter ego ;
aussi bien en Europe qu'au Japon.
Pour
contredire la machine industrielle et étatique en marche, il faut
contredire l’État japonais et l'entreprise Nissan laquelle réalise
plus de la moitié de la capitalisation de l'alliance.
Comme
depuis toujours, personne ne s'y risque. M. Ghosn est abandonné à
son sort et l'avenir se construit désormais sans lui.
Dans
les rituels de ces opérations les cris d'innocence de la victime,
ses réclamations de pouvoir s'expliquer au grand jour, tombent dans
le silence et l'indifférence. Le jugement n'est que la mise en
spectacle de la formalité qui certifiera qu'il n'est plus rien.
Ce
qui m'intéresse ici n'est pas cet affrontement stratégique
industriel.
Je
m'intéresse au motif salarial qui sert de fil conducteur au complot
et de mobile à ce « coup d'Etat » industriel, selon la
qualification d'un universitaire.
Sans
ce détour par l'intimité du PDG, l'offensive aurait de toute façon
eu lieu. Elle aurait dû cependant se placer sur le terrain du débat
industriel en présence d'un PDG en pleine possession de ses moyens
personnels et directoriaux.
Ce
qui permet cette offensive complotiste est l'ambiguïté du statut de
PDG.
Il
est capitaliste par ses préoccupations professionnelles et salarié
par ses modes de rémunérations.
C'est
pourquoi le PDG est surveillé dans ses revenus :
1-
Par les salariés de l'entreprise.
a-
Ils considèrent que tous les salaires doivent s'inscrire dans une
grille salariale. Le PDG est censé être le Primus inter pares du
salariat.
b-
Depuis plusieurs années, au fur et à mesure des difficultés
salariales et syndicales grandissantes des salariés, les sorties de
la grille des salaires par les PDG sont devenues une part importante
de la mobilisation morale des salariés.
c-
M. Ghosn a dû lui-même renoncer à certains revenus jugés
spoliateurs et surtout immoraux.
2-
Par les juristes.
a-
Le revenu salarial se distingue du revenu capitaliste par sa
simplicité de source et l'obligation d'une déclaration totale.
b-
Une source proche du dossier a confié à l'AFP que le patron de
l'alliance avait minoré en connaissance de cause, à partir de 2009,
une partie de sa rémunération après l'entrée en vigueur d'une loi
l'obligeant à en divulguer le montant intégral.
c-
Il est donc arrêté au titre de salarié.
M.
Ghosn a voulu vivre en capitaliste. Ses pairs et les juges japonais
lui rappellent qu'il est d'abord un salarié.
Il
peut donc être mis en prison sous le soupçon que son train de vie,
ordinaire chez les actionnaires des multinationales, serait
incompréhensible, anormal.
Cette
identification au salariat est si évidente qu'elle organise les
raisonnements savants :
Ainsi,
l'Oxfam a-t'elle épluché des milliers de pages de rapports annuels
sur les rémunérations des dirigeants du CAC 40.
a-
Elle en déduit comme allant de soi que les PDG se conduisent très
mal.
b-
Ce comportement est mis en parallèle à la déception des salariés
et il doit selon cette association « exploser à la figure du
gouvernement. ».
Or,
les temps ont changé.
En
trois décennies, la prédominance de la propriété économique
privée sur la propriété économique publique s'est imposée dans
les faits et les opinions.
En
20 ans, l'homme le plus riche du monde est passé de 20 milliards de
dollars en 1987 à 112 milliards de dollars en 2018.
Il
s'en suit mécaniquement que la fortune personnelle est devenue, dans
ces milieux, un des repères dominants, parfois unique, de la
capacité et même du droit de diriger.
Le
pouvoir économique n'est plus partagé entre le capital et le
salariat. Il est essentiellement aux mains du capital qui impose ses
valeurs.
M.
Ghosn incarne d'une façon spectaculaire les changements en cours
dans la représentation publique du pouvoir managérial par les
intéressés eux-mêmes.
Cette
évolution est corroborée par le fait que d'autres grands patrons
ont également organisé l'envol de leur salaire depuis la grande
crise de 2008
a-
Les revenus du PDG de PSA a grimpé de 347% entre 2009 et 2016 tandis
que celle du patron de Michelin a gagné 344%...
b-
Entre 2009 et 2016 (dernière année connue), les salaires des PDG du
CAC ont grimpé de 46%, soit plus de deux fois plus vite que la
moyenne des rémunérations dans leur entreprise respective et quatre
fois plus vite que le salaire minimum (SMIC).
c-
Il en irait ainsi de tous les dirigeants du CAC 40.
d-
Si on en croit les média, tous ces PDG semblent gagner moins que M.
Ghosn.
M.
Ghosn ne serait donc pas un aventurier mais une avant-garde.
Pour
l'instant encore, ces révoltes patronales sont présentées comme
immorales, voire illégales,
Dans
un monde où la richesse personnelle est à nouveau un argument de
légitimité; comment des dirigeants qui ont la responsabilité de
centaines de milliers d'hommes et de milliards d'euros de capitaux
pourraient-ils accepter durablement de ne pas pouvoir fréquenter les
mêmes hôtels que les « stars » ?
Comment
peut on penser sérieusement que les PDG salariés des sociétés par
actions multinationales vont continuer d’évaluer leurs revenus en
les comparant à l'échelle des salaires et non à l'échelle des
revenus capitalistes ?
Les
« affaires » de surpaiement de certains PDG du CAC40 ne
sont donc pas la marque de la vanité de quelques uns. Elles sont les
craquements annonciateurs de cette réorganisation des rapports entre
salaire et capital quant à la définition de la place des PDG.
L'affaire
de l'alliance montre ce qu'il en coûte de négliger cet aspect des
contradictions du management.
Une
des plus importantes et innovantes création industrielle risque de
sombrer parce que la question des revenus du PDG n'a pas été
sérieusement examinée et qu'elle est devenue son talon d’Achille.
Il
serait utile d'examiner la possibilité d'une indemnisation
compensatoire qui ne serait pas spoliatrice de la Trésorerie
d'entreprise et qui assurerait le rang capitalistique des cadres
dirigeants sans nuire à leur engagement social vis-à-vis de
l'entreprise.
En
tout cas, M. Ghosn devrait être à son poste pour faire face aux
questions stratégiques de l'entreprise qu'il a créée et il n'y est
pas.
Cela
mérite une réflexion.
Marc
SALOMONE
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