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Paris,
le dimanche 20 janvier 2019
CONTRIBUTION
(3) AU DÉBAT NATIONAL VOULU PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN
2019. L'INDEMNISATION ET LE PÉNAL.
(Suite
de la réflexion n°25 du 10 janvier 2019, cf. : madic50)
1)- Les
faits
Le Canard
Enchaîné, mercredi 16 janvier 2019, p. 5, « La caravane
casse ».
1- Le 7
octobre 2014, sur le site de du projet du barrage de Sivens les
gendarmes procèdent à une évacuation de zadistes.
a- L'un
d'eux jette une grenade dans une caravane sans fenêtres.
b- L'une des
occupantes est grièvement blessée : dix jours
d'hospitalisation, douze mois de soins et de rééducation. Elle
souffre toujours de stress post-traumatique.
c- l'article
ne dit pas s'il y en a d'autres.
2- Le 8
janvier 2019, le gendarme comparait devant le Tribunal correctionnel
de Toulouse pour : « violences volontaires aggravées avec
arme par personne dépositaire de l'autorité publique ».
3- Verdict :
a- 6 mois de
prison avec sursis. 6 mois d'interdiction de port d'arme. 1000 euros
au titre des frais de justice.
b- Renvoi à
une audience début avril pour évaluer et chiffrer le préjudice.
Il a donc
fallu cinq ans pour juger au pénal et fixer une date de chiffrage de
l'indemnisation.
2)- Un cas
courant
Ce cas est
intéressant car il est l'exemple type d'une série courante. Lors
d'un trouble civil les propres procédures de l'Etat et les
confusions qu'elles engendrent paralysent son action et permettent à des
tiers civils de le placer en opposition avec la population.
1- Le
gendarme n'est pas jugé principalement ou uniquement sur la faute de
service commise mais aussi et peut être prioritairement sur les
effets humains de cette faute.
2- La
victime doit attendre 5 ans pour être indemnisée et cette
indemnisation est suspendue à la décision pénale. C'est le
jugement pénal qui ouvre le droit à une indemnisation. Si le
gendarme est acquitté, l'indemnisation n'est sûrement pas du même
montant.
3-
L'indemnisation sera payée par l’État par une prédation du
Trésor public.
4- Son
chiffrement tiendra compte de ce qu'elle est une prédation du Trésor
public. Elle sera donc minimisée au mieux par les magistrats qui
sont comptables des finances publiques.
5- Pendant
tout ce temps, cette affaire permet à des forces civiles
particulières de produire et reconduire à l'envie un conflit de
l’État avec la population et de ce fait de contrôler
ponctuellement l’État et d'en modifier le fonctionnement.
6- On
rencontre cette reconduction des affrontements initiaux par la
procédure dans un grand nombre de cas qui n'ont pas tous la même
portée politique et institutionnelle : erreur médicale, marins
noyés en mer, accidents industriels, etc.
3)- Les
conséquences excessives
En refusant
de suivre le procureur de la République dans sa demande
« d'interdiction de maintien de l'ordre pendant au minimum
trois ans » ; le Tribunal stipule que la faute du gendarme
porte d'abord sur la bonne observance ou non des règles de services.
a- Le
gendarme a peut être un incompétent dont la suite de la carrière
dépend de la hiérarchie.
b- Il n'a
cependant pas été un agresseur qui doit prouver qu'il n'est pas un
danger permanent pour le public.
c- Par les
six mois avec sursis, le gendarme est prévenu qu'il n'a pas le droit
de perdre à nouveau « le fil ».
Il s'en suit
que les conséquences matérielles de l'explosion pour les plaignants
relèvent des conséquences excessives d'une intervention légale et
non d'une action criminelle individuelle.
Les
gendarmes doivent procéder à l'évacuation de zadistes sans les
mutiler.
Par ce
jugement, le Tribunal dit qu'il y a une distinction entre la faute
personnelle et le dol qui s'en suit.
1- La faute
ressort du procès.
La manœuvre
est légale mais sa mise en œuvre inappropriée, dont le gendarme ne
peut assumer le déroulement, est une faute pénale.
2- Le
dommage relève de l'indemnisation.
Le
débordement technique mérite que le donneur d'ordre répare
financièrement le dol causé par l'action entreprise sous ses
ordres.
4)- Une
autre logique
Avec cette
distinction déjà actée par le Tribunal, la procédure devrait
évoluer et permettre au procureur de la République de déterminer
au début de la procédure que :
1- Les tords
faits au plaignants ne relèvent pas de l'agression de droit commun
mais de conséquences excessives d'une action légale d'évacuation
d'occupants sans droit ni titre.
2-
L'indemnisation du dol est distinct des responsabilités pénales du
fautif particulier.
3- Elle peut
donc être décidée, évaluée, payée, sans attendre le procès.
5)- Les
modalité d'indemnisation
Cette autre
logique d'indemnisation amène à déterminer :
A- Les
critères d'indemnisation
L'indemnisation
s'établit non en fonction des responsabilités pénales du fautif
présumé mais en raison de la seule gravité des tords personnels
occasionnés par les conséquences excessives d'une action légal.
a- En
l'espèce, le procureur de la République établit qu'il y a un dol
qui ne relève pas d'une agression criminelle mais des conséquences
excessives d'une procédure légale.
b- Le dol
porte sur : dix jours d'hospitalisation, douze mois de soins et
de rééducation. Continuation du stress post-traumatique.
c- Il engage
immédiatement l'évaluation du dommage et de l'indemnité
compensatrice.
B- La
détermination du payeur
Puisqu'il
n'y a pas de lien entre l'indemnisation et le procès, il faut
déterminer qui va payer.
Le
responsable financier du dol est le donneur d'ordre de l'action
légale. En l'espèce, la gendarmerie autrement dit l’État.
D'autres
exemples :
1- Un marin
meurt en mer. L'armateur est responsable de l'indemnisation de la
mère. Celle-ci ne doit pas avoir à attendre que le Tribunal règle
les litiges du droit national et du droit maritime.
2- Un
patient opéré pour une appendicite ressort du secteur médical avec
une jambe en moins.
Il doit être
indemnisé par la personne morale qui a permis cette opération.
Indépendamment
de l'examen des fautes pénales éventuelles du chirurgien.
Dans la
procédure actuelle, le patient doit accepter le parcours médical
que lui assignent les responsables de l'opération et perdre ses deux
jambes.
Les
responsabilités pénales ne sont pas établies huit ans après les
faits.
3- Affaire
AZF.
Seize ans
après les faits les victimes n'ont toujours pas été indemnisées.
Dans une
nouvelle procédure :
a- La faute
pénale est certes à déterminer.
b- Par
contre le responsable de l'indemnisation est le propriétaire de
l'usine qui a explosé.
4-
L'indemnisation immédiate permet aux professionnels d'étudier avec
soin la jurisprudence pénale et de la faire progresser.
C- Les
modalités de paiement
Le fait
d'établir une indemnisation non spoliatrice du Trésor public, ou
des Trésoreries d'entreprises, écarte des soucis judiciaires le
fantôme agressif du payeur.
Cela permet
que l'indemnisation soit à la hauteur des préjudices subis et des
attentes des justiciables.
6)-
L'évolution des places judiciaires
A partir du
moment où les plaignants sont reconnus et indemnisés indépendamment
du procès, leurs positions respectives dans la procédure deviennent
différentes.
En acceptant
l'indemnisation préalable au procès, les plaignants reconnaissent
la distinction du dol et de l'action qui en est la cause.
a- Ce qui
est jugé n'est plus la responsabilité de l'inculpé vis-à-vis du
plaignant mais le tord fait à la société par la faute personnelle
présumée.
b- L'accusé
n'est pas l'auteur d'une agression mais de faits qui ont entraîné
des conséquences imprévues et dommageables pour autrui.
c- Il s'en
suit que les plaignants ne sont plus directement intéressés au
déroulement du procès pénal qui ne parle plus d'eux.
Le procès
vise alors à déterminer les fautes professionnelles commises et les
qualifications pénales de celles-ci.
Les
plaignants peuvent être éventuellement présents pour vérifier que
tous les aspects des faits judiciaires sont évoqués par le
Tribunal.
7)- Les
conséquences publiques
Cette
modification des logiques de la procédure a des conséquences
publiques.
Les victimes
ont été indemnisées et ont accepté la séparation de leur dol et
des fautes jugées.
Il s'en suit
que durant le procès :
1- les
fautes présumées ne peuvent plus être évoquées au nom de la
défense des intérêts moraux des victimes. Les parties, y compris
le parquet, ne peuvent plus mêler la souffrance des victimes et de
la douleur de leurs ayant-droit à l'analyse des fautes pénales
présumées du professionnel.
2- Un
exemple :
a- Un
justiciable rebelle à un contrôle de police voit son anus perforé
involontairement par une matraque, il s'agit d'une conséquence
excessive et non criminelle.
b- Le fait
doit être indemnisé car un contrôle d'identité ne doit pas
mutiler.
3- La
procédure actuelle
La
subordination de l'indemnisation au jugement des acteurs du contrôle
transforme la procédure en instrument de mobilisation politique
contre la police au nom des souffrances de la victime.
4- Si la
procédure est réformée
L'indemnisation
distincte du pénal de la victime étant décidée :
a- plus
personne ne peut parler au nom de la victime.
b- la
justice n'est plus le lieu de poursuite des conflits de la rue entre
les forces de l'ordre et les voyous.
c- Elle peut
se concentrer sur l'examen de la qualité de la manœuvre légale
entreprise.
8)-
Conclusion
Il est sans
doute possible au Chef de l’État de conduire une expérimentation
utilisant des affaires connues de tous pour préparer le vote d'un
nouveau dispositif des rapports de l'indemnisation et du pénal, du
procès.
1- Elle
donnerait aux magistrats et avocats une plus grande variété
d'instruments de jugements ou de conseils à leurs clients et à
l’État le moyen de sortir du piège de ces désordres dont les
solutions actuelles assurent la rentabilité politique.
2- Elle
permettrait aux honnêtes gens pris dans ces tourmentes d'obtenir les
moyens d'en passer le cap.
3- Elle
conduirait ceux qui veulent faire de la politique avec ces événements
à en faire ouvertement, ailleurs, sans pouvoir investir
astucieusement les lieux des Pouvoirs pour travestir leurs ambitions
de les conquérir derrière le masque souvent infâme de la défense
de la veuve et de l'orphelin.
Marc SALOMONE
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