vendredi, janvier 05, 2018

05.01.18, retour jihadistes 9, droit, syrie, irak, gouvernement français, kurdistan, justice, extradition

texte anglais et français

Blog: madic50.blogspot.com / Livre: Les deux formes, Amazon

Première partie : français / Second part: English

Le vendredi 5 janvier 2018


Copie à :
Président de la République / Premier Ministre / Garde des Sceaux
Ministre de l’intérieur / Ministre des Affaires étrangères
Présidents du Parlement / Présidents des groupes parlementaires
Président de la Cour d’Appel / procureur général
Président du TGI / Procureur de la République
Bâtonnier,
Syndicat de la magistrature  / Union syndical des magistrats
Unité Magistrats SNM-FO
Mme Simonnot, journaliste
Ambassadeur de la république d’Irak  / info@irak.fr


REFLEXION SUR LA COMPETENCE JUDICIAIRE DU KURDISTAN SYRIEN, LA JUSTICE SYRIENNE, LE RESPECT DÛ AUX PAYS DU LEVANT




1)- Préambule

Dans le débat concernant l’extradition ou non des jihadistes français ; le gouvernement français verse sans s’en rendre compte dans une arrogance discrétionnaire dont chacun constate qu’elle affaiblit son initiative et dont personne ne peut douter qu’elle est fort mal perçue au Levant.

Le gouvernement annonce par la voix de M. Griveaux, Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement, que « si dans la partie kurde de la Syrie, dans le Kurdistan syrien, il y a des institutions judiciaires qui sont en capacité d'assurer un procès équitable avec des droits de la défense assurés, elles seront jugées là-bas »

Par ces mots, le gouvernement français dispose souverainement de la Syrie et de son Etat.
a- Il en dispose géographiquement en organisant son administration politique.
b- Il en dispose juridiquement en transposant arbitrairement l’Autorité judiciaire à la partie administrative qu’il choisit.

Il donne à entendre qu’il dispose lui-même du lieu de jugement des jihadistes français

Or, la logique démocratique voudrait que le gouvernement qui a pris acte de la présence de criminels français dans ces pays rappel à tous le principe légal de leur nécessaire déferrement devant la justice des pays qu’ils ont souillés de leurs crimes et sur la juridiction de laquelle ils se tiennent.  

Pas plus pour la Syrie que pour l’Irak, le gouvernement français ne peut dire qu’il passe outre la justice locale et décide de la justice qui mérite de juger des ressortissants français soupçonnés de Crimes de guerre.

S’il y a une chose que ne peuvent admettre les populations locales, c’est qu’un Etat étranger puisse donner suite à la volonté de criminels de la qualité des jihadistes de choisir leur tribunal en fonction du confort juridique qu’ils pensent pouvoir en tirer.

2)- Le Kurdistan syrien
Le Gouvernement français a pensé contourner les obstacles juridiques et politiques qu’il estime devoir relever en donnant à l’entité militaro-politique dite « le Kurdistan syrien » la qualité reconnue aux Etats de rendre la justice.

Cela ne se peut et cette référence a immédiatement été saisie par les avocats des jihadistes pour conforter leur exigence du rapatriement de leurs clients.
Le « Kurdistan syrien », « la partie kurde de la Syrie, est une entité politique partisane. Elle n’est reconnue par aucun Etat ou référence internationale.

En la choisissant comme support de sa politique judiciaire vis-à-vis des jihadistes français, le gouvernement disqualifie celle-ci par avance.

Le représentant du « Kurdistan syrien en France », M. Khaled Issa, explique lui-même que son entité politique est dans la main du gouvernement français :
a- « Si Paris veut récupérer ses ressortissantes, les autorités kurdes trouveront un accord pour les remettre.
b- « Si la France préfère laisser le soin à nos institutions de les juger, alors nous nous en chargerons »

N’importe quelle instance judiciaire dira que l’indépendance du Tribunal n’est pas garantie, que ce soit par le « Kurdistan » ou par le gouvernement français qui décide seul de la tenue du procès, des prévenus, et donc des peines.

Quelle cour de justice, française, européenne, internationale, peut admettre qu’une entité politique, dotée d’une légalité de fait, créée à la faveur d’un chaos militaire, dispose de «structures compétentes (…) dans le respect du droit international » ?

Le fait d’être un groupe partisan menant ce qu’il estime être une bonne guerre, soutenu militairement par les puissances intervenantes du moment, ne suffit pas à constituer une « structure compétente ».

Le « Kurdistan syrien » n’a aucune autorité d’Etat et la déclaration de M. Khaled Issa montre qu’il en est incapable.

Imagine-t’on le Chef de la France Libre déclarer que les alliés jugeront qui bon leur semble parmi les criminels de guerre français et que les « structures compétentes » françaises se chargeront de ceux que le Libérateur voudra bien leur laisser ?

Les « structures compétentes » du « Kurdistan syrien » ne seront jamais reconnues comme judiciairement compétentes.

Si le Kurdistan est prêt à juger les jihadistes c’est qu’il a reconnu leur fait d’être criminel en Syrie.

Dans ce cas, il ne peut se laisser retirer sa capacité de jugement par un pays tiers.

Le fait qu’il envisage de les livrer à une puissance étrangère, à la demande de celle-ci, indique qu’il n’est pas « une structure compétente ».

Il y a un antagonisme entre la réclamation d’être capable de juger et le fait d’envisager de laisser partir les justiciables pour les monnayer en  soutiens politiques.

Le Kurdistan ne pourrait juger les jihadistes qu’il retient prisonnier que par délégation de la justice syrienne et en aucune façon par un accommodement avec une puissance étrangère. 

Il suffira aux avocats des jihadistes d’arguer que ces criminels ont été arrêtés en Syrie, par les « kurdes », pour qu’ils obtiennent, fut-ce par l’appui de mouvements protestataires divers, que ces justiciables viennent répondre devant les « structures compétentes » françaises agissant dans « le respect du droit international ».

Les jihadistes ne manqueront pas de faire valoir qu’ils ne pensent pas autrement que l’Etat français lorsque celui-ci se substitue à l’Etat syrien et en dénie l’existence.
a- Ils ont agi sur les mêmes critères mais sur un terrain en guerre.
b- Après-tout les bombardements de la coalition ne sont pas exempts de fautes méchantes qualifiables en  crimes de guerre.

Déjà, les avocats des jihadistes donnent des ordres :
1- « Tout doit être mis en œuvre pour faciliter leur rapatriement, conformément aux engagements internationaux de la France".
2- Emilie König, figure de la mouvance jihadiste française détenue par les forces kurdes en Syrie, demande son rapatriement aux autorités françaises, « qui ont l’obligation de la juger », selon son avocat.

Le dispositif mis en place par le gouvernement sera ainsi contourné. Il perdra le bénéfice de l’arrestation des jihadistes français au titre de combattants. Il ne pourra pas éviter une défaite légale, annoncée, du droit et de la France.

3)- La légalité
Il faut sans doute considérer les choses différemment.

Plutôt que de disqualifier la justice légale syrienne par le fait du Prince étranger, il vaudrait mieux tenir compte des réalités établies et reconnues par l’ONU.

Il serait irréaliste, et surtout illégal, de décider arbitrairement que l’Etat syrien et la justice nationale syrienne n’existent plus.

Si violente et déterminée soit-elle, aucune autre force n’est parvenue à dépasser le stade de l’opposition, contestataire et protestataire.

L’avenir du Moyen-Orient s’organisera dans la continuité de ce qui est ; les Etats en premier lieu.

Vu l’Etat de guerre de la Syrie, l’occupation du sol par des forces disparates, les destructions massives de son potentiel citadin, il est possible de dire que l’unité administrative de la justice syrienne peut présenter légalement des distorsions.

Ce sont les conférences internationales reconnues qui reconstitueront cette unité administrative de la justice.

Le gouvernement français peut donc prendre langue avec ce qui représente la légalité active de la justice syrienne, c’est à dire la magistrature, pour déterminer avec elle les conditions d’exercice de la justice dans un pays à ce point détruit et toujours en guerre.

Ce serait une bonne occasion d’affirmer pour le monde que les magistrats sont la réalité pratique de la justice. Ils sont le Pouvoir judiciaire.

On ne peut pas proclamer que la justice est indépendante et considérer en pratique que les magistrats sont asservis à leur gouvernement.
Il se peut alors que la dite justice veuille confier au « Kurdistan » une partie de l’action judiciaire.

Celui-ci se verrait alors attribuer une « compétence » de plein droit. Elle la tiendrait de l’organisme qualifié d’un Etat souverain, reconnu par l’ONU, et non d’une délégation politique octroyée par un Etat étranger.

Dans ce processus légal, l’utilité du « Kurdistan syrien » repose sur la capacité de ses militants d’arrêter les combattants jihadistes, les garder, situer exactement le lieu de leur arrestation (l’Irak ou la Syrie), les tenir à la disposition des justices Irakienne ou Syrienne.

Cette qualité d’huissier et de conservateur revient à ces combattants. Elle ne leur confère pas la capacité judiciaire.

4)- Conclusion
Si les jihadistes sont si arrogants dans leurs exigences, c’est qu’ils savent bien que les européens n’ont jamais vraiment regardé en face les siècles précédents comme un passé.

Il fut glorieux et criminel, constructif et destructeur, mais aujourd’hui, sa première qualité est qu’il n’est plus ; plus du tout.

Les jihadistes n’ont aucune considération pour les justices européennes qu’ils entendent d’ailleurs berner avec leurs propres armes.

Mais ils savent que la flatterie est le plus sûr moyen pour faire mal.

Le Gouvernement commettrait une grave erreur en imaginant qu’il domine le devenir juridique du dossier.

Il combat pour la survie de notre société et il ne doit pas permettre à ces criminels de revenir en France sans avoir rendu des comptes aux justices locales concernées.

Nous en serons plus forts et ces peuples nous en sauront gré.
Marc SALOMONE





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