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Le
samedi 6 janvier 2018
Copie
à :
Président
de la République / Premier Ministre / Garde des Sceaux
Présidents
du Parlement / Présidents des groupes parlementaires
Président
de la Cour d’Appel / Procureur général
Président
du TGI / Procureur de la République
Bâtonnier,
Syndicat
de la magistrature / Union syndical des magistrats /
Unité
Magistrats SNM-FO
Simonnot,
journaliste
REFLEXION
SUR LES PRINCIPES DE LA REFORME VISANT A L’INDEPENDANCE DE LA JUSTICE ET SUR
SES DEUX CAMPS
Partie
1 : L’objet de cette réflexion
Les
médias nous annoncent une réforme des articles constitutionnels établissant l’indépendance
de la magistrature.
Tous
les français et particulièrement les plus vulnérables sont concernés par cette
réforme.
Certaines
données retiennent l’attention :
1-
La France a besoin d’une magistrature dont l’autorité morale et professionnelle
soit incontestable aussi bien en France qu’en Europe et dans le monde.
2-
La disqualification publique des magistrats est en premier lieu l’effet de leur
corruption morale et politique.
3-
Rien ne justifie de refuser aux magistrats les moyens constitutionnels d’une
bonne justice.
4-
Le premier principe d’une bonne justice et de sa réputation est son indépendance.
5-
Une telle réforme impose à ses auteurs de distinguer le devenir de la
magistrature de ce qu’ils pensent des magistrats.
L’objet
de la réflexion qui suit est d’exposer les raisons de cette réforme telles
qu’elles apparaissent dans le débat public et d’exposer les deux orientations qui
se manifestent dans ce débat.
Le
plan est donc :
1-
L’objet de cette réflexion, p.1
2-
Réformer, p.2
3-
L’entre soi, p.3
4-
La démocratie, P.8
Conclusion,
p.9
Partie
2 : Réformer
2)-
1958
Depuis
la Constitution de 1958, dans la lignée des dispositions précédentes,
l’Indépendance de la justice est placée sous l’autorité du Pouvoir exécutif
élue au suffrage universel, le Président de la République, dont une fonction
constituante est d’être le « garant de l’indépendance de l’autorité
judiciaire ».
A
cette fin, il est « assisté » par un organisme technique dit
« Conseil supérieur de la magistrature » (CSM).
La
justice est alors « l’Autorité judiciaire » de la Vème République.
La
réputation qui lui a été construite d’être une justice aux ordres se superpose
à l’affaiblissement des Pouvoirs exécutif et législatif, du Politique, la
réclamation par la population d’une participation à ce qui la concerne, le rôle
public devenu majeur du droit.
Le
dispositif de 1958 fondé sur la suprématie du Pouvoir politique, dit Pouvoir
exécutif, dans l’Etat est ainsi rendu incompréhensible, inefficace, inadapté à
la mondialisation.
3)-
Les deux exigences d’une réforme
Cette
réforme se confronte dès lors à deux exigences :
1-
Le Pouvoir exécutif doit exercer sa fonction de représentant politique du
peuple français partout où elle est nécessaire, y compris dans l’enceinte
judiciaire.
Le
8 décembre 2017, le Conseil constitutionnel décide que :
« Article
1er. - Les mots « et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la
justice » figurant à la première phrase de l'article 5 de l'ordonnance n°
58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature sont conformes à la Constitution. »
Il
conforte ainsi l’exigence juridique de la présence de l’Exécutif dans le
travail de l’Autorité judiciaire.
2-
La justice doit renouveler son autorité en réévaluant son rapport au Pouvoir
exécutif.
C’est
sur ce point que porte la Réforme.
Partie
3- L’entre-soi
4)-
Les réformes en cours
Comme
allant de soi, le débat sur cette recomposition s’est organisé comme étant l’obligation
d’accroître le rôle du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM).
Cette
hypertrophie du CSM a fait l’objet de 5 réformes, projets de réformes ou loi
organique depuis 1993.
a-
Aucune de ces réformes ne donne satisfaction quant aux questions qu’elles
prétendent résoudre et qui ont trait à ce renouvellement des rapports de l’Autorité
judiciaire au Pouvoir exécutif.
b-
En retour, ces impasses justifient la prochaine réforme et ainsi de suite.
5)-
L’initiative l’entre-soi
Il
en va ainsi car cette réforme est préemptée par un camp, celui de l’entre-soi.
Le
parti des particularismes, communautés, corporatismes, saisit l’opportunité de
l’obsolescence d’une forme constitutionnelle qui a fait ses preuves pour tenter
de subvertir la République et d’imposer ses règles de fonctionnement
antidémocratiques, régressives, ainsi que leurs dérives vers la privatisation
de la justice.
La
privatisation de la justice est déjà réclamée publiquement par certains
magistrats et avocats. Elle est présente dans les débats des Traités
internationaux.
Ce
que réclame le parti de l’entre-soi qui a manifestement pris la direction du
débat est que la justice tienne un « Pouvoir », une « garantie »
d’indépendance statutaire, d’un organisme indépendant du Suffrage universel.
Contrairement
aux apparences, ce parti ne veut pas émanciper la justice du Ministère pour
qu’elle se rapproche du Peuple mais bien au contraire pour garantir l’exclusion
de celui-ci de la conduite des affaires judiciaires.
Il
ne réclame pas le passage de l’Autorité judiciaire au Pouvoir judiciaire car il
sait que cette dénomination pour être constitutionnelle poserait la question du
suffrage universel, seule source légale du Pouvoir.
L’indépendance
de la justice est remplacée par « l’indépendance (à l’égard) du pouvoir
politique », c'est-à-dire du suffrage universel.
6)-
L’escroquerie
Pour
prendre la population à témoin de l’iniquité absolue de la présence du Pouvoir
exécutif dans le fonctionnement de la justice, quelles qu’en soient les
modalités, le parti de l’entre-soi a mobilisé les français contre la capacité
du Ministère d’intervenir dans les affaires individuelles.
Ces
« interventions » consistent à demander à des magistrats de tenir
compte de telle ou telle donnée et non de rendre un jugement à leur place.
On
présente comme un succès du droit que le Parlement ait finalement retiré cette qualité
au Ministère.
Le
Conseil Constitutionnel du 8 décembre 2017 donne à ce retrait une valeur de
principe constitutionnel :
« 12.
En application du troisième alinéa de ce même article 30, le ministre de la
justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des
affaires individuelles. »
Il
associe cette règle à l’indépendance des magistrats et à la garantie d’un
procès équitable pour les justiciables :
«
14. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées assurent
une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité
judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la
Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs. »
Par
cet article 12 de sa décision, le Conseil constitutionnel procède par un souci
d’équilibre politique entre les partisans de la rupture totale du judiciaire et
du politique et les tenants de la conservation de liens organiques entre les
deux Pouvoirs.
C’est
un accommodement auquel le droit se subordonne mais dans la construction duquel
il n’est pour rien.
Les
« instructions dans des affaires individuelles » sont simplement
l’expression publique, officielle, honnête, de ce que le public reconnait comme
étant les influences sociales diverses dans une procédure.
Il
en découle notamment le droit de Grâce que les partisans de l’entre-soi
présentent comme une injure aux magistrats alors qu’il est un droit de regard
indispensable du Peuple sur leur travail.
C’est
la raison pour laquelle le parti de l’entre-soi a pu organiser une campagne
populiste éhontée visant à assimiler les « interventions » comme un
soutien aux privilégiés au détriment des opprimés oubliés.
Bien
sûr que les gouvernements sont prioritairement du coté des puissants. Je puis
en témoigner.
Il
n’en reste pas moins que dans une procédure judiciaire les
« politiques » sont la seule force légale capable de faire face à l’éventuelle
politique féodale, voire pénalement criminelle, des magistrats. Je puis aussi
en témoigner.
a-
En 1764, sans la capacité du Roi « d’intervention dans des affaires
individuelles », Calas n’aurait jamais été réhabilité.
b-
En 1793, Le chevalier de La Barre fut réhabilité par la Convention contre la décision des
magistrats.
b-
En Mai 68, sans la capacité du gouvernement de contraindre les juges à libérer
les étudiants détenus, les magistrats auraient mis le pays à feu et à sang
uniquement pour satisfaire leur vanité corporative.
Je
n’entre pas dans les polémiques des faits actuels, mais rien, absolument rien,
n’a changé, et cela dans aucun pays démocratique du monde.
Les
personnes les plus vulnérables sont concernées au premier chef par cette
capacité.
a-
Les handicapés mentaux ont absolument besoin de ces « interventions »
du Politique pour contraindre les magistrats, du Siège comme du Parquet, les
juristes, de cesser de les utiliser comme du bétail de négociation entre l’Etat
et les réseaux criminels sociaux au bénéfice de l’installation publique de ces
réseaux.
b-
Par cette politique judiciaire les handicapés mentaux sont 30% des détenus. La
nuit, à Fresnes, les détenus sont tenus éveillés par les hurlements des
handicapés.
c-
L’incarcération des malades mentaux est une criminalité qui relève de la
jurisprudence de Nuremberg.
Le
moins qu’on puisse dire est que l’abandon de ces « instructions »
n’est en rien une « garantie » de démocratie, d’indépendance,
d’équité.
6)-
Le CSM
Le
parti dirigeant de l’entre-soi a organisé sa prise de possession idéologique du
débat sur l’indépendance de la justice par l’identification de celui-ci au débat
sur l’indépendance du CSM.
Le
CSM devient subitement le rempart de la Liberté face à l’oppression politique
dont il conviendrait que la justice se sépare.
Le
but est de transférer toutes les prérogatives de nomination, de gestion, de
ligne, d’intervention, dévolues au gouvernement vers ce trou noir des
corporatismes de cadres.
En
fait, ce que les différentes réformes, abouties ou avortées, du CSM indiquent
est précisément l’impossibilité pour cet organisme d’être autre chose qu’une
foire d’empoigne des intérêts particuliers des cadres et de leurs groupements
corporatistes.
Les
conflits corporatistes féroces entre les magistrats et les laïcs bourgeois pour
la domination de la composition du CSM ne doivent pas occulter que la visée
principale qui ressort de l’accumulation des réformes est l’épuration du CSM de
la présence du suffrage universel et donc du Peuple.
La
désignation des membres du CSM par les Présidents du Pouvoir exécutif et du
Pouvoir législatif qui procèdent du suffrage universel est jugée trop
démocratique, populaire, voire salissante.
Il
s’en suit :
Loi
de 1993 :
Les
magistrats du Conseil sont élus par leurs pairs et non plus désignés par les
Pouvoirs exécutif et législatif.
Loi
de 2008 :
a-
Le Président de la République ne préside plus le Conseil.
b-
Les magistrats deviennent minoritaires.
Projet
de loi 2013 :
a-
Les personnalités laïques, non magistrates, seraient désignées par des « autorités
indépendantes du Pouvoir politique ».
b-
Les magistrats redeviendraient majoritaires.
2016 :
a-
Une loi organique met fin à la nomination en Conseil des ministres des procureurs
généraux.
b-
Août 2016 : le Conseil supérieur de la magistrature exclut les femmes de
la nomination aux dix postes de Premier Président à pourvoir.
On
est passé d’un lieu de Conseil du Prince à un lieu de gouvernance
« indépendant du pouvoir politique ».
Ce
n’est qu’un début. Le Peuple étant éliminé, la justice devient un butin dont
les vainqueurs se disputent la répartition et la domination.
Cette
régression féodale de l’organisation de la magistrature accompagnera une
pareille régression du droit.
L’organisation
de la magistrature française par les représentants des corporatismes
judiciaires et laïcs achèvera de lui ôter toute autorité internationale autre
que de représenter les intérêts claniques des classes dirigeantes françaises.
Les
plumitifs se gargarisent de la qualité incontestable des personnalités élues
par le corps judiciaire ou désignées par les Pouvoirs ou demain par les
organismes privés dits « indépendants du Pouvoir politique ».
Toutes
les dictatures débitent de la personnalité incontestable au kilomètre.
Ce
qui fait la différence entre les Finances royales et les Finances publiques
n’est pas la qualité des personnes qui les composent ; ce furent les
mêmes.
Dans
un cas, ces mêmes personnes se subordonnaient aux corporatismes féodaux et dans
l’autre elles imposaient l’intérêt général.
Partie
4 : La Démocratie
7)-
Le principe constitutionnel
Les
principes constitutionnels donnent les règles d’une recomposition démocratique
du statut constitutionnel de la justice.
a-
L’indépendance de la justice ne peut être octroyée, reconnue, garantie, que par
le Souverain, c'est-à-dire le Peuple, la Nation.
b-
La « Garantie » par le suffrage universel indirect de la Constitution
de 1958 n’étant plus reconnue, il s’y substitue la « garantie » par
le suffrage universel direct et les magistrats sont alors des
« représentants du Peuple ».
c-
La justice devient un « Pouvoir judiciaire ».
Cette
réforme inscrirait que les avocats concourent à l’exercice de la justice, que
les malades mentaux ressortent de la médecine, que l’ordonnance de 1945
distinguant les majeurs des mineurs est un principe constitutionnel.
8)-
Le socle du Pouvoir judiciaire
Au
fil des siècles, la magistrature française s’est organisée à partir de la
primauté d’un Tribunal qui s’appelle depuis la Révolution : la Cour de
cassation.
1-
C’est donc ce Parlement judiciaire qui doit être élu au suffrage universel et à la parité des sexes.
a-
Il dispose ainsi souverainement de la capacité constitutionnelle et légale de
la nomination de tous les magistrats, du Siège et du Parquet, des Directeurs
des administrations judiciaires, de statuer sur leurs carrières, de la
Direction des Services judiciaires, de se former en Chambres disciplinaires.
b-
Il n’y aura plus d’obstacle opposable au Pouvoir politique à l’exercice de ses
responsabilités.
2-
De la même façon, la Cour de Cassation disposerait des pouvoirs d’examen de la
constitutionalité des lois actuellement dévolus à un Conseil Constitutionnel.
a-
Celui-ci n’offre aucune autre garantie professionnelle que la bonne volonté de
ses membres lesquels ne peuvent justifier de leur présence.
b-
La Chambre constitutionnelle de la Cour de Cassation pourrait faire l’objet
d’une liste électorale particulière.
9)-
Conclusion
Il
n’y a pas lieu d’opposer les Pouvoirs entre eux. Par contre, il faut respecter
leurs parcours d’installation.
A
partir de là, leurs imbrications conflictuelles peuvent trouver des solutions stables
et utiles.
La
condition pour une réforme démocratique est de ne rejeter ni le peuple ni ses
élus.
Marc SALOMONE
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