Le Canard Enchaîné,
le mercredi 4 juillet 2012, P. 7
Prises de Bec
Marie-Célie Guillaume
Hauts-de-Seine de ménage
Dans une farce très informée, la directrice de cabinet de
Devedjian raconte les petitesses du quinquennat dans le 92.
Pour sauver la face, Sarko, père et fils, réclament sa tête.
Jean-Michel Thénard
A quoi s'occupe un
ancien président de la République ? Avant de partir en vacances au Canada, en
début de semaine, chez le milliardaire Paul Desmarais, à qui il avait versé des
arrhes en 2007 en lui décernant la grand-croix de la Légion d'honneur, Sarko a
joué les attachés de presse.
Il a assumé la
promotion d'un petit livre, « Le
Monarque, son fils, son fief » (Editions du Moment), en téléphonant à
plusieurs de ses amis pour leur dire tout le mal qu'il pensait de l'ouvrage.
Avec son aide, l’auteure, Marie, Célie Guillaume, a réussi en 240 pages à
mettre le feu à la droite des Hauts-de-Seine et au-delà. Et pourtant elle ne
pensait pas avoir écrit une bombe. Belle performance, à rapprocher de celle d
une certaine Valérie T., qui, en 140 signes, a récemment assassiné l’ex de son
président chéri avec un retentissement certain. Ces temps-ci, quand une femme
prend la plume, les présidents n'ont qu’à bien se tenir.
A peine chez les
libraires, donc et sous l’effet de la promotion de Sarko, « Le Monarque,
son ' fils, son fiefs » a suscité du ramdam au conseil général des
Hauts-de-Seine, dont I'UMP Patrick Devedjian est le patron. Il faut dire que
Marie-Célie Guillaume est la directrice de cabinet de l'ancien ministre. Et
qu'elle raconte, sous forme de farce, l'histoire du département le plus riche
de France sous le quinquennat Sarkozy, qui a vu le chef de l'Etat tenter d'installer son épatant fils
Jean en caïd de son ancien fief. Et multiplier les coups d’éclat avec les
Balkany pour renverser Devedjian qui avait eu le tord de vouloir nettoyer les
écuries d’Augias.
Elle a eu beau
s’amuse, dans on livre, à trouver des noms d’emprunt à Sarko –« Le
Monarque », à son fils Jean – « Le Dauphin »- Aux Balkany
–« Les Thénardier » - et à Devedjian –« L’Arménien » - Tous
s’estiment reconnaissables. Et aucun de ceux là, mis à par Devedjian n’a
apprécié de voir son engagement désintéressé au service du citoyen des
Hauts-de-Seine caricaturé.
La cuisine politique
perd de son charme quand elle est croquée de façon trop réaliste. Ainsi
Marie-Célie raconte que, lors d’un rendez vous avec Sarko pour lui demander des
fonds destinés au musée de sa ville, une élue locale s’est vu réclamer
« une gâterie ».
« Sois gentille…tu vois bien que j’ai besoin
de me détendre. Allez, c’est pas grand-chose ! Tu ne peux pas me laisser
comme ça. ». Aurait dit le Monarque. L’élue n’a pas laissé tomber et a
obtenu son financement. Une scène culte qui n’est pas pour rien dans le succès
de l’ouvrage-outrage à président.
« J’avais envie de parler de la relation entre
le pouvoir et le sexe. Le sujet est tabou. Mais c’est la seule scène non
violente de mon livre. », se défend Marie-Célie, qui connaît bien le
monde de brutes de la politique pour avoir démarré en 1997 chez Balladur.
La semaine dernière,
Jean Sarkozy a ourdi la riposte contre ce roman à clé : « Lorsque votre famille, ceux que vous
aimez sont traités de façon aussi ignoble et sordide dans un tel tissu de
mensonges, il faut répondre avec fermeté, calme et sang-froid. » Sans
doute est-il passé à coté du romanesque de l’ouvrage..
Il a accusé Devedjian
d’avoir coécrit le livre », ce qui est faire peu de cas du brin de plume
de Mari-Célie, passée par l’hypokhâgne du lycée Henri-IV, comme Jean-Paul
Sartre. Et qui a vécu dans les arbres en Argentine quand elle était enfant,
comme le baron perché d’Italo Calvino. Elle cite aussi Stendhal quand elle
croque un certain « Homais », inspiré du personnage de Flaubert dans
« Madame Bovary », c’est dire si elle s’y entend pour brouiller les
pistes.
L’épatant Jean
Sarkozy a obtenu du groupe UMP un vote du groupe UMP un vote de défiance contre
Devedjian. Lequel a rétorqué à l’attention de Monsieur Fils : « Je rappelle que cet élu a déjà semé la pagaille
à Neuilly, à l’Epad, au conseil général, et cela continu (...) Ses pressions ne
me conduiront pas à la démission. ». La littérature, dans les
Hauts-de-Seine, suscite bien des passions.
Un libelle anonyme
circule aussi sur Internet pour dénoncer « la Pompadour du 92 » et l’accuser de profiter de
l’argent du contribuable et de bien d’autres faveurs.
« Etre traité de Pompadour n’est pas une
humiliation, on lui doit la manufacture de Sèvres, qui est l’un des chefs
–d’ouvre du département », répond Marie-Célie Guillaume au
« Canard ». Elle admet disposer d’une voiture et d’un logement de
fonction, le même qu’occupait Claude Guéant quand il était directeur de cabinet
de Sarko au Conseil général. Mais Guéant, lui, n’a jamais résisté au Président.
Devedjian, si, qui a mal commencé le quinquennat en réclamant que l’ouverture
aille jusqu’aux sarkozyste. Et qui n’a pas supporté que son ami de trente ans
le prive sans explication du titre de garde des Sceaux qu’il lui avait promis.
Une blessure affective jamais cicatrisée.
Depuis, la relation
entre les deux hommes n’a fait que se dégrader. Sarko en a toujours rendu
responsable Marie-Célie, dont il a plusieurs fois réclamé la tête à Devedjian.
Celui-ci a toujours refusé. Cette fois, l’Arménien a dû céder pour sauver son
poste. La dame est en instance de licenciement. « On n’est plus dans le même contexte, dit elle, J’aurais pu écrire un
livre sous pseudo, je ne l’ai pas fait. A moi d’en assumer les conséquences.
Devedjian m’avait alertée sur les remous que ça créerait mais ne m’a pas
interdit de publier. Je lui suis très reconnaissante de ça. ».
Elle a subi, en cinq
ans, son lot de violence, menaces de mort et écoutes téléphoniques – le lot
quotidien d’une collaboratrice d’un membre de la majorité sous le sarkozysme !
– Et est prête, à 43 ans, à tourner la page.
Aujourd’hui, une
seule question demeure : Comment une jeune femme de droite et de bonne
famille, fille d’un diplomate belge, a-t’elle pu devenir l’un des plus
impitoyables procureurs de l’ancien président ? « En 2007, j’étais fan de Sarko ; il
avait réunifié l’électorat de droite, il avait tout pour être un grand
président. Mais, une fois élu, i l n’en a plus rien eu à faire de personne, et
ne s’est préoccupé que de son bon plaisir. Quel gâchis ! ».
Après un tel
réquisitoire, tout le reste n’est que littérature…
Fin
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