Paris, le dimanche 16 mars 2014
Cour de Justice de la
République
COMMISSION DES REQUETES
21, rue de Constantine
75007 Paris
Tel. : 01.44.11.31.00
Fax : 01.44.11.31.39
Objet : Les magistrats
intuitu personæ
Monsieur le Président,
Les magistrats intuitu personæ
La remarque de Mme Laurence
Blisson, juge d’application des peines et secrétaire nationale du Syndicat de
la magistrature (gauche) concernant l'affaire dite Azibert concerne ma
réflexion par son caractère morale.
Lorsque au cours de l'émission C
dans l'air, un Président de Chambre dit que 75% des français pensent que les
magistrats rendent une mauvaise justice, il ne dit pas que les français pensent
que les magistrats ont un mauvais statut, mais qu'ils pensent qu'ils ont une
mauvaise morale.
MM Davet et Lhomme, du journal Le
Monde, résument ainsi l'affaire Azibert qu'ils portent eux mêmes à la
connaissance du public :
« L'affaire est sans précédent. Un ex-président de la
République et deux de ses anciens ministres de l'intérieur placés sur écoutes
téléphoniques. Gilbert Azibert, l'un des plus hauts magistrats français,
suspecté de renseigner discrètement Nicolas Sarkozy sur l'affaire Bettencourt,
en échange d'une sinécure à Monaco. La Cour de cassation, plus haute
juridiction de l'ordre judiciaire, accusée d'être sous influence, ses
principaux membres susceptibles d'être interrogés par les policiers. »
Concernant cette affaire, Mme
Blisson a ce commentaire :
a- « Si c’était avéré, ce
serait extrêmement grave. »
b- « C’est alarmant: tant
que les procureurs seront nommés par l’exécutif, il y aura ce risque de
proximité entre magistrats et gouvernement. »
J'ai une certaine pratique de la
magistrature. En trois affaires, viol, vol et viol, torture, spoliation de
malades mentaux, j'ai rencontré 11 magistrats. Je m'en tiens à ceux auxquels
j'ai parlé de vive voix.
1- Grasse 1992 :
- 4 juges du siège
- 2 procureurs
La Direction des affaires
criminelles et des grâces est intervenue directement.
2- Paris, 2000-2003
a- La poste :
1 juge d’instruction
b- Les handicapés
2 procureurs de la République
1 juge d’instruction
1 Présidente de TC
Je laisse de coté les avocats et
la police judiciaire.
Tout cela a fait l'objet de
comptes rendus très détaillés auprès des autorités judiciaires. Je n'y reviens
pas ici.
Cette expérience me conduit à
sursauter à la lecture de la remarque de Mme Blisson.
Elle a l'air de mettre sur le
compte du statut l'essentiel de la faute présumée commise par M. Azibert et
d'autres magistrats, car il n'est pas le seul à être visé.
C'est pas moi, c'est mon
statut ! C'est ce que les français ne veulent plus entendre.
Il est trop facile de dire que si
les faits étaient certifiés, les écoutes en font déjà foi, M. Azibert a agit par « proximité » avec les gens de
Pouvoir, comme dit Mme Blisson.
C'est la mise en
« proximité » organisée par le statut qui créerait ces sortes de
dérapages, inexcusables certes, mais somme toute bien compréhensibles.
Ces fautes relèveraient en fait
de la nécessité organisée par le statut qui créerait une
« proximité » à laquelle il serait statistiquement inévitable que
certains magistrats succombent. La faute échappant presque à la volonté de son
auteur est elle encore passible de justice ?
En l'espèce, il n'en est rien.
Ces gens n'ont pas abusés de leurs pouvoirs en obéissant au Chef de l'Etat, à
la Garde des Sceaux, à un supérieur hiérarchique.
Pour le cas que la presse nous
soumet, le magistrat n'est dans aucune contrainte professionnelle hiérarchique.
Il agit pour obtenir des
passe-droits en aidant un justiciable qui n'est plus rien dans l'Etat, sinon un
retraite. Il l'aide qui plus est à combattre l'action judiciaire.
Des milliers de fonctionnaires ou
d'employés sont en relations de « proximités » avec plein de gens et
de choses ; ils ne deviennent pas des voyous pour autant.
La profession d'infirmières
hospitalières est en « proximité » statutaire avec l'armoire à
pharmacie contenant des drogues et des poisons. Les sollicitations sont
sûrement nombreuses. Personne ne parle de trafic.
Contrairement au propos de Mme
Blisson nous sommes devant une affaire qui ne relève ni des notions de statut
ni de celles de proximité, mais de la morale, personnelle et professionnelle.
La question du statut vient
simplement au moment où on s'interroge sur les capacités d'une profession à
corriger ces dispositions personnelles. Mais elle ne concerne pas l'initiative
personnelle elle-même.
Dire d'un juge de la Cour de
Cassation qu'étant nommé par le truchement du Chef de l'Etat il est incapable
par lui-même de faire la distinction entre ses connivences politiques et la
corruption est une injure pour tous ces magistrats.
Mme Blisson passe donc à coté de
la question parcequ'elle écarte la morale au profit du statut. Elle subordonne
sans raison la liberté humaine à la mécanique institutionnelle.
Ce faisant, elle conduit la
mécanique institutionnelle à produire une morale de remplacement, la morale de
la « proximité ». Nous en arrivons à l'idée que l'institution
judiciaire produit, en son sommet, une morale de corruption par
« proximité ». Elle propose d'ailleurs de modifier, bricoler, la
mécanique pour changer la morale qu'elle induit.
Par politesse, les magistratures
du monde entier doivent se dire perplexes.
Ce qui concerne directement notre
modeste demande d'ouverture d'une enquête préliminaire, c'est justement la
moralité de ce débat.
Ce qui conduit à la négligence de
l'examen ou non du viol d'une députée par le Chef de l'Etat, du Pouvoir législatif
par le pouvoir exécutif, tous deux étant dans l'exercice de leurs fonctions,
n'est pas le statut des magistrats, les liens politiques, des nécessités
d'ordre public, des considération immunitaires.
C'est la moralité des magistrats
qui est seule en jeu dans l'appréciation des faits.
Je vous prie d'agréer, Monsieur
le Président, l'assurance de mes salutations distinguées,
Marc SALOMONE
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